Un prêtre vient
d’être égorgé devant l’autel pendant qu’il célébrait la messe. Il ne s’agit pas
seulement d’un attentat de plus dans une période qui les voit pousser comme des
champignons après la pluie. Le choc nous atteint plus profondément, ébranle
l’inconscient collectif, l’égrégore de la France. Quand je lis et que j’entends
les réactions des uns et des autres, je suis frappée par leur inhabituelle
sévérité qu’on n’avait jusqu’ici rencontrée que dans des milieux restreints de
militants identitaires ou nationalistes. En particulier se dessine un consensus
pour fermer les mosquées salafistes, renvoyer leurs imams à leurs pays
d’origine, refuser de reprendre sur le territoire français ceux qui sont partis
en Syrie se battre aux côtés de Daesh. J’ignore si le gouvernement de Manuel
Valls ira jusqu’au bout de telles mesures mais la vox populi l’exige.
A terme,
l’historienne en moi me chuchote que la persécution d’une croyance religieuse
n’a le plus souvent servi à rien, sinon à retarder sa diffusion. L’empire
romain n’a pas éradiqué le christianisme, pas plus sous Dioclétien que sous ses
prédécesseurs ; l’empire chinois n’a pas plus éradiqué le bouddhisme, à
peu près à la même époque. Celles qui ont disparu, comme les écoles gnostiques,
se sont le plus souvent reconstituées sous d’autres noms, manichéisme, dualisme
cathare, ecclésioles néo-gnostiques créées au sein de la franc-maçonnerie.
Certes, mais, dans l’urgence, une telle mesure donnerait au moins un temps pour
respirer et s’organiser. Ce n’est pas la panacée, c’est simplement inévitable
si l’on tient à rester cohérent. Et qu’on ne me dise pas que l’islam est
davantage une doctrine politique qu’une religion, les choses ne sont pas si
simples dans le cas de l’affirmation d’un idéal théocratique lequel, dans le
contexte d’un monothéisme strict, ne saurait être que totalitaire. C’est une
religion de la loi. Rome avait bien fait une déesse de la Justice, dans le sens
le plus juridique de ce terme !
Religion vient
du latin religare, relier. Mais à
quoi se relie-t-on, individuellement et collectivement ? Répondre à cette
question fut essentiel pour nos ancêtres. Aujourd’hui, les manipulateurs y
répondent par l’absurde, réduisant le pain mais exaltant les jeux. Invite à
rester à la surface de soi-même et du monde. Mais que vienne un choc dans
l’inconscient collectif comme celui qui vient d’avoir lieu et l’absurde laisse
un goût de cendres. La colère qui se réveille a des allures d’explosion d’un
volcan que l’on croyait éteint. Nul ne peut prédire jusqu’où iront les laves.
Le pire serait sans doute qu’on tente de remettre le couvercle et de le fixer
plus hermétiquement, pour des visées électoralistes… Ce serait le meilleur
moyen de préparer le chaos.
Or je suis
frappée par la façon très sûre dont les enfants perdus de Daesh et, avant eux,
les agents d’al-Qaïda manipulent nos symboles et frappent à coups précis les
points sensibles mais consciemment oubliés des égrégores d’Europe. Guénon
rattacherait sans doute cette habileté à la contre-initiation, les cathos tradi
y verraient plutôt la griffe du Malin ; étiquettes peut-être valides mais
qui ne doivent pas nous dispenser de les interroger. Il s’agit d’analyser
plutôt que d’estampiller. Comment le culte de la Loi permet-il que le trait
soit acéré et la cible si bien définie, alors que le mode de la propagande par
internet s’adresse à une nébuleuse sans formation réelle ni religieuse ni
politique ?