J’étais à Reims
pour le solstice d’été. Fêter l’apogée annuelle de la lumière solaire sur le
lieu du sacre des rois de France a quelque sens, même si le baptême de Clovis
et le premier sacre, celui des carolingiens, eurent lieu au plus près du
solstice d’hiver. Les deux extrêmes. Les deux points de basculement de l’année,
symbolisés à l’époque par les deux saints Jean, les deux visages de Janus
christianisés.
Comme en 1976, le solstice rime
cette année avec canicule. Violence d’une lumière comme décolorée, brume de
beau temps qui estompe les lointains… Pourtant, je n’ai pas ressenti la montée
vers le solstice comme je l’avais vécue en Bourgogne et transcrite dans ce
poème :
Flamboyance
d’une touffe de genêt
Horizon pourpre
sous la canicule
Lumière embrasée
Terre
pulvérisée entre le feu solaire et le feu souterrain
Que la sève
distille
La soif est la
plus forte, mais est-ce d’une source ou de plus de lumière feu encore ?
Cela monte
monte monte
Le zénith n’est
plus loin
Fusion
élémentaire pressentie - encore en deçà -
Eclater les
limites !
Mais les
limites sont dans la soif et la tension vers la liberté pressentie
Alors creuser
en soi le réceptacle
Laisser
irradier de soi miel et lumière
Tu crois donner
et recevoir lorsqu’il n’y a qu’un courant d’amour
Un tressaillement
de la lumière originelle
Ne pas céder à
la soif, ne pas tenter de s’abreuver aux sources déjà taries
Qu’un peu de
boue rend fraîches un instant
Le feu le plus
pur sera à la fois le tranchant de la soif
Et l’elixir qui
désaltère
1976,
montée vers le solstice d’été
Est-ce à cause du caractère très yin de l’Ile de
France ? Et d’où vient-il ? Géologie, climat plus océanique ? Il
me manque souvent d’avoir une terre plus vigoureuse sous les pieds. Mais nous
avons oublié les principes de la géographie sacrée et nous ne savons plus
accompagner ou guérir les pays charnels. Ce n’est sans doute pas un hasard si
ce bassin parisien, comme on disait dans les manuels de mon enfance, attire les
hommes, les constructions, crée avec Paris et sa couronne l’équivalent humain
d’une étoile à neutrons si ce n’est d’un trou noir. Julien en lui donnant le
statut de ville impériale, Clovis en interdisant d’y entrer en armes ont fait
de Paris une cité sacrée. Les Capétiens l’ont transformée en capitale
administrative. Il en fallait bien une. Mais ce puits autour duquel
s’agglomèrent des populations de plus en plus nombreuses avec de plus en plus
un gradient de richesse ne se décrète pas. Il faudrait comprendre comment ce
mouvement, cette sorte d’implosion, a commencé. Peut-être avec la construction
de Notre-Dame ?
Pourtant le sacre des rois a continué de se faire à
Reims. Le solstice y était calme, puissant et léger à la fois, et même les
caprices de la municipalité inscrivant sur le petit parvis du portail nord de
la cathédrale une déclaration de justice sociale et d’égalité subreptice ne le
troublaient pas. Certes, les panneaux pédagogiques à l’usage des touristes
tendent à désacraliser les rites et la royauté, mais cela fait plus sourire que
cela ne déclenche la colère, voire carrément éclater de rire quand on lit en
français « Jeanne de Domrémy » et en allemand « Jeanne von
Orléans », mais jamais « Jeanne d’Arc » ! Cela n’empêche
pas de raconter le sacre de Charles VII, comment faire autrement ? Puissance,
légèreté et sérénité : c’est ce que l’on retrouve dans les bulles du
champagne. Un hasard ?