Thursday, July 13, 2006

Poussière d’étoiles (6)


Les travaux de Lovelock, la rumeur qui accompagne ses premiers rapports et le scandale que finit par causer la publication en 1979 de son hypothèse Gaïa sous sa forme la plus métaphysique eurent toutefois le mérite d’attirer l’attention de tous sur l’aspect systémique du vivant, sur les phénomènes de régulation écologique, de variations du milieu, sur les boucles de rétroaction présentes à tous les niveaux de l’univers. L’une des conséquences imprévues de cette prise de conscience fut de rapprocher astrophysiciens et biologistes. L’évolution des espèces devenait d’autant plus banalisable qu’on pouvait l’inscrire dans l’histoire de l’univers et de la formation planétaire. Aujourd’hui, après dix ans d’observation de planètes extra-solaires, dont la première de type tellurique, on a du mal à se souvenir que, encore dans les années 1970, il était de bon ton rationaliste de penser que, si les étoiles abondaient dans l’univers, les planètes devaient être fort rares, la vie un accident de parcours rarissime si ce n’est unique et l’intelligence sans doute si peu probable qu’il n’était pas raisonnable de la postuler en dehors de l’homme. Et quand on demandait en quoi l’hypothèse de la rareté était plus rationnelle ou plus économique que l’application à la vie du principe de banalité, le débat tournait assez vite à l’insulte plutôt qu’à l’argumentaire.

Car il n’y avait aucun argument, sinon que se développait au même moment une mythopoièse de l’extraterrestre adossée à des vécus mythiques, au sens que donne à ce terme l’ethnologue Michel Boccara, que tout cela pour des rationalistes sentait sa superstition populaire et que, si le père Lustucru voyait atterrir des petits bonshommes gris dans son champ de lavande, c’est évidemment qu’il ne pouvait exister d’autre vie que la nôtre. A quoi les rares théologiens catholiques qui daignèrent se pencher sur la question applaudirent bien fort, voyant en d’éventuels E.T. un risque majeur pour la foi puisque ces êtres d’ailleurs n’auraient connu ni Christ ni pape. Pour la papauté, je ne dis pas, il pourrait y avoir quelque secousse sismique – mais la théologie chrétienne est assez vaste pour un univers grouillant de vie[1].

Dans cette même fin des années 1970 circule sous le manteau, en photocopies, le brouillon d’un article du grand physicien John Archibald Wheeler, le découvreur des trous noirs et du bouillonnement du vide quantique à la longueur de Planck. Il y propose, en termes fort mesurés, que peut-être les lois de la nature ont elles aussi évolué au cours du temps ; il y insiste aussi sur le rôle de l’observateur qu’il propose d’appeler plutôt, comme en ethnologie, observateur-participant. Je me souviens avoir tremblé d’excitation en le lisant, tant il ouvrait de portes. Puis l’article fut publié et suscita une intense controverse.

A peu près dans le même temps paraît l’ouvrage d’Ilya Prigogine et Isabelle Stengers[2] sur les systèmes ouverts, les structures dissipatives, l’approche fractale ou non-linéaire du vivant – ce qu’on appelle aujourd’hui les équations de chaos. C’en est fait alors de l’univers déterministe et figé au profit d’une histoire fluctuante et parfois convulsive, d’un monde qui monte en complexité au fur et à mesure qu’il étire l’espace-temps. Comme une réponse au Zarathoustra de Nietzsche, lui qui demande un dieu qui danse.

J’ai retrouvé en ligne une interview donnée par Wheeler à Mirjana R. Gearhart du magazine scientifique Cosmic Search[3]. Il y affirme que la plus grande des découvertes est en cours et qu’il s’agit de la manière dont l’univers, « venant à l’être par le Big Bang, a développé ses lois d’opération », ce qu’il appelle « Loi sans Loi ». A relire aujourd’hui cette expression, j’en frissonne encore, d’autant qu’il continue par ce qui faisait le cœur de l’article, le problème de la mesure puisque, « selon la théorie quantique, le fait de mesurer va influencer ce qui se passe ». Dans ces conditions difficiles, « comment pouvons nous imaginer que l’univers avec toutes ses régularités et ses lois soit issu de quelque chose de totalement à la débandade, pêle-mêle et stochastique ? Ou pour le dire autrement : si vous étiez le Seigneur en train de construire l’univers, comment est-ce que vous vous y prendriez ? » Profonde question, remarque Mirjana Gearhart. A quoi Wheeler répond qu’il s’est inspiré de Darwin, l’évolution étant « une merveilleuse indication du fait qu’on peut atteindre l’ordre en partant du désordre ».

Lorsque, après l’avoir interrogé sur sa rencontre avec Einstein puis sur la découverte du trou noir, elle lui rappelle la question qu’il posait lui-même quelques années plus tôt – « la vie et l’esprit sont-ils sans importance pour la structure de l’univers ou occupent-ils la place centrale ? » – il répond : « C’est une question qui implique le principe anthropique – l’idée que l’univers doit être tel qu’il est, sinon la vie serait impossible. Pas seulement la vie que nous connaissons mais toute vie serait impossible. Et sur quoi peut être construit un univers compréhensible sinon cette demande de compréhensibilité ? » Il cite Robert Dicke : « A quoi sert un univers sans personne pour le regarder ? » puis commente : l’idée n’est pas neuve mais « elle l’est sous la forme que lui donne Dicke. Il a posé que si vous voulez un observateur, vous avez besoin de vie ; et si vous voulez de la vie, il vous faut des éléments lourds. Pour fabriquer des éléments lourds à partir de l’hydrogène, il vous faut la combustion thermonucléaire, laquelle exige un temps de cuisson de plusieurs milliards d’années dans une étoile. Et pour disposer de plusieurs milliards d’années dans la dimension temps, selon la relativité générale, il en faut autant dans les dimensions d’espace. » Conclusion : « Pourquoi l’univers est-il si vaste ? Parce que vous êtes là ! »

Mais sa propre théorie, ce qu’il appelle « principe de participation » dépasse le principe anthropique. « Selon [ce principe], on ne peut même pas imaginer un univers qui ne contiendrait pas d’observateurs quelque part et pour un bon bout de temps parce que les véritables matériaux de construction de l’univers sont ces actes d’un observateur-participant. […] Ce principe de participation se fonde sur un point absolument central de la théorie quantique : Aucun phénomène élémentaire n’est un phénomène avant d’être un phénomène observé (ou enregistré). »

Courageusement, la journaliste diverge vers autre chose.

Un des plus grands physiciens du XXe siècle énonce et dépasse le principe anthropique. Aujourd’hui encore, le principe anthropique suscite plus de réticences que de compréhension et le principe de participation, bien que ses bases soient enfin devenues expérimentales avec la manip d’Alain Aspect à Orsay, reprise et validée désormais partout, a disparu dans les oubliettes. Quelqu’un comme Hubert Reeves qui se fait là l’écho de la tendance écologiste, reprend l’idée anthropique mais s’arrête à la présence de vie et le transforme en principe de complexification, lequel serait inhérent à l’univers, loi plus primitive que les émergences successives qui en dessinent les structures. Ce faisant, disparaît le caractère désordonné et bouillonnant des origines. Mais cela permet au pessimisme écologiste de s’exprimer et de se demander si l’homme n’est pas intrinsèquement le germe destructeur de la planète.

Un seul biologiste, à ma connaissance, semble avoir compris le principe de participation et en avoir tiré une hypothèse qui eut à peu près autant de succès. Mais il est vrai qu’il faisait partie de la liste de diffusion de notre réseau informel d’échange… de photocopies. Ah, si nous avions eu Internet ! Bref, il s’agit de Rémy Chauvin et de son ouvrage le plus important à mes yeux, Dieu des fourmis, Dieu des étoiles.

Chauvin avait depuis longtemps publié sous le pseudonyme de Pierre Duval quelques ouvrages provocateurs s’amusant à relever de manière systématique les énigmes archéologiques et autres cailloux « parapsychologiques » dans les chaussures de l’Union Rationaliste. Spécialiste des insectes sociaux, fourmis, abeilles, il s’était particulièrement intéressé à la façon dont les activités individuelles désordonnées des ouvrières aboutissaient à ce chef d’œuvre d’architecture animale qu’est une fourmilière. Il avait aussi fait connaître les observations de von Frisch sur la communication chez les abeilles[4] et, à la suite d’autres expériences, pouvait écrire dès 1963 que « la ruche est sans doute un organisme véritable, sans métaphore, et l’abeille n’en constitue qu’une cellule sans importance individuelle [5]». Observation qu’il étend à la fourmilière. Mais si les « cellules », cette fois le terme est métaphorique puisque abeille ou fourmi sont déjà des pluricellulaires, peuvent avoir un tel degré d’autonomie, comment l’organisme, ruche ou fourmilière, peut-il fonctionner comme un tout ? Echanges chimiques, langage de communication, cela suffit-il ? Qu’est-ce qui fait que ce tout est plus que la somme des parties et où placer le centre de décision ? Chauvin et son équipe ont surtout démontré que l’individu, abeille ou fourmi, ne saurait survivre isolé ; et déterminer les substances chimiques, vitamines, hormones, etc., qui circulent à l’intérieur de cet organisme éclaté. Mais on ne peut s’empêcher de penser que tout cela, aussi important que cela soit, ne suffit pas entièrement. D’où l’intérêt de « Pierre Duval » pour ces modes plus subtils de communication avec d’autres individus comme avec l’environnement que l’on commençait d’étudier au laboratoire avec toutes les ressources de la psychologie expérimentale, y compris l’expérimentation animale, je veux parler de la télépathie et de la psychokinèse ou PK. Il a d’ailleurs proposé lui-même quelques manips intéressantes.

Aux Etats-Unis, ces recherches, nous l’apprendrons vingt ans plus tard, étaient financées par la CIA. En France, elles ne pouvaient se mener que dans des laboratoires privés, le plus souvent associatifs, avec des appareillages bricolés comme au plus beau temps d’avant 14-18, et ne se publiaient qu’en fanzine ou, pire, en samizdat. Si l’on appartenait à l’Université ou au CNRS, mieux valait utiliser un pseudonyme. Il ne trompait personne mais permettait de sauvegarder l’honorabilité de la maison. Et gare au précurseur ! Un organisme de censure veille. Quelle que soit la discipline, une idée réellement neuve pouvait valoir à son auteur un ostracisme qui briserait sa carrière et si, par malheur, il avait taquiné ce que Chauvin nommait les « curiosités coupables », les ciseaux d’Anastasie se déchaînaient – évidemment dans les colonnes de Science et Vie. Il fallait dix ans de bouteille et un passage par les USA pour qu’une réelle percée soit acceptée par ce quarteron terrible qui servait à la fois de référents à la revue et d’équipe de direction à l’Union Rationaliste[6].

Rémy Chauvin, disais-je, semble avoir compris le discours de Wheeler sur l’importance de l’observateur, mais en tant que naturaliste, il a surtout été sensible à l’absurdité du darwinisme strict dans le monde des insectes : complication des modes de reproduction, formes ahurissantes de certaines espèces et qui ne servent même pas de camouflage, comme les « cornes » de la lucane, organismes collectifs de type fourmilière. Il est vraiment difficile de déceler le moindre « avantage » ni pour la survie ni pour la descendance. Il semblerait plutôt que la nature complique à plaisir la vie de ces bestioles sans profit pour personne – sauf pour les fleurs que les abeilles pollinisent et j’ajoute pour la forêt nettoyée des épines de conifères et autres débris et donc moins en risque d’incendie en cas de foudre. Sans parler de la voirie des cadavres animaux. Nous ne sommes pas loin de l’hypothèse Gaïa, à condition de doter cette dernière d’un solide sens de l’humour[7]. L’âme du monde, comme auraient dit les hermétistes de la Renaissance, l’âme du monde s’amuse.

L’hypothèse Gaïa pourrait représenter, tout comme le principe de complexification d’Hubert Reeves le pôle païen, l’humoristique esprit démiurgique de Chauvin une approche néo-platonicienne (encore que Platon manquasse terriblement d’humour, comme tous les esprits totalitaires), mais tout cela reste fondamentalement panthéiste. Et l’homme, quand il n’excitait pas la méfiance ou la hargne des écologistes, n’a pas d’autre rôle que celui de cerveau ou de conscience de Gaïa. Une nouvelle école a vu le jour depuis quelques années, une école anglo-saxonne bien entendu, qui se veut religieusement neutre mais dont l’inspiration chrétienne ne fait de doute pour personne et qui propose en place de la sélection darwinienne l’hypothèse de l’intelligent design, le dessein intelligent.

Le pasteur Adam Hamilton, chargé de l’Eglise de la Résurrection à Kansas-City, 13 000 membres, résume assez bien le problème : « Je crois que l’évolution est un processus conçu par Dieu lui-même. Je ne vois pas personnellement en quoi l’évolution outrage ma foi pourvu que l’on tienne l’évolution comme un mécanisme et qu’on ne soit pas tenté de dire qu’elle est un processus non téléguidé[8]. » Dans l’activité de lobbying des fondamentalistes américains, le Dessein intelligent a pris la place du créationnisme – avec lequel on lui reproche d’avoir flirté – pour tenter d’arracher aux autorités un enseignement alternatif au darwinisme. Cette incidence politique fausse totalement le problème et offre au néo-darwinisme, par réaction, le ballon d’oxygène dont il avait besoin pour survivre… en tant qu’idéologie.

J’insiste, idéologie. Revenir aujourd’hui en deçà des constats des années 70 sur l’intégration systémique du vivant, l’éco-évolution, avec tous les problèmes inhérents est une mauvaise farce. Or le néo-darwinisme strict n’est pas et n’a jamais été systémique. Le seul moteur reconnu (plus encore par ses disciples que par Darwin lui-même) est, comme chez les néo-libéraux en économie, la compétition. Ce que dément l’observation éthologique.

J’ai sous les yeux un texte issu de défenseurs américains et chrétiens de l’ID[9]. Il est insupportable par sa façon de mélanger Bible et science sans que leurs domaines de pertinence soient définis et un certain triomphalisme, mais si l’on passe par dessus cet agacement, il faut avouer que tous les arguments ne sont pas à rejeter. En particulier l’argument de la complexité irréductible développé par le fondateur de l’ID mérite réflexion[10]. Michael Behe[11] prend l’exemple d’une tapette à souris. Ce piège simpliste se compose de 5 éléments et ne peut fonctionner que s’ils sont présents tous les 5 et correctement placés. De même, le métabolisme des êtres vivants exige des séries de transformation moléculaire, des chaînes enzymatiques. Que l’une manque et la protéine qui doit apparaître en fin de chaîne n’apparaît pas. Pour Behe, de telles séries sont irréductiblement complexes et les systèmes de ce type « sont un grand défi à l’évolution darwinienne. Puisque la sélection darwinienne ne peut choisir que des systèmes qui sont déjà opérationnels, alors, si un système biologique ne peut pas être produit progressivement, il a dû apparaître comme une unité intégrée, d’un seul coup, pour que la sélection naturelle ait quelque chose sur quoi agir ». Behe étudie sous cet angle de nombreux systèmes internes au vivant, dont ceux qui comportent une causalité circulaire comme la duplication de l’ADN, la coagulation du sang ou les flagelles des bactéries.

Une autre remarque intéressante concerne la complexité de la première cellule vivante. Pour être vraiment une cellule, il lui faut un système de captation de l’énergie, photosyntèse ou dévoration d’autres organismes, une membrane qui l’isole du monde extérieur et garantisse son identité métabolique, un système d’enregistrement de l’information génétique et un système de transcription qui lise les instructions du code et fabrique les molécules nécessaires, enfin, un mécanisme d’autoréplication qui lui assure une descendance. Et tout cela doit fonctionner de manière coordonnée.

Darwin avait admis que, « si l'on arrivait à démontrer qu'il existe un organe complexe qui n'ait pas pu se former par une série de nombreuses modifications graduelles et légères, ma théorie ne pourrait plus certes se défendre[12] ». Behe, après avoir examiné toute la littérature présente dans le Journal of Molecular Evolution depuis sa fondation en 1971, en conclut qu’aucun article n’a proposé un modèle suffisamment précis et détaillé de la façon dont un système biochimique complexe aurait pu être produit étape par étape, selon le gradualisme de Darwin et Lyell.

Darwin avait repoussé l’hypothèse d’un dessein intelligent pour des raisons de sensibilité théologique : « Je ne peux pas me persuader qu'un Dieu bienveillant et omnipotent ait pu créer à dessein les Ichneumonidae avec l'intention expresse de les alimenter à l'intérieur des corps vivants des chenilles[13] ou qu'un chat puisse jouer avec une souris. » Ward et Hancock répliquent d’après Dembski : « La réponse de Dembski à cette critique est que le dessein n'a pas à être parfait. Nous reconnaissons que les logiciels des ordinateurs ou les systèmes d'exploitation comme Windows ont été conçus, mais pour la plupart ils sont loin d'être parfaits. Dans une perspective scientifique, Dembski soutient que ce n'est pas parce que la nature ne nous paraît pas parfaite que cela signifie que nous ne pouvons pas y détecter un dessein. La théologie nous raconte que le mal est entré dans ce monde et que ce que nous voyons maintenant n'est pas ce que Dieu voulait initialement, aussi devrions-nous nous attendre à voir une création qui montre l'indication d'un bon concepteur mais aussi l'indication d'une nature pervertie par le mal. »

On comprend qu’à ce retour du péché originel en version augustinienne perfectionnée, les chercheurs du CNRS hurlent.

Il reste tout de même l’argument de la complexité irréductible qui, s’il ne renouvelle pas forcément les preuves anselmiennes de l’existence de Dieu, semble effectivement porter un coup de griffe mortel au gradualisme.

Mais je ne résiste pas. En préparant ce dossier sur l’ID, je suis tombée sur les écrits d’un certain Harun Yahya qui semble un des intellectuels de référence de l’islamisme. On aurait pu penser que l’islam, comme les fondamentalistes protestants, se serait jeté sur les idées de Michael Behe pour les opposer au darwinisme impie. Pas du tout. Et voilà ce qu’il écrit :

« Aucun musulman n'oserait dire, "Il y a un dessein intelligent" au lieu de "Dieu a créé" ! Il y a des partisans de la théorie du dessein intelligent également en Turquie. Cependant, en défendant cette théorie, ils cherchent notamment à imiter le style employé par leurs partenaires occidentaux, et sont prudents de ne pas évoquer toute référence au nom de Dieu. Au lieu de dire, "Dieu a créé l'univers entier et tout ce qu'il y a à l'intérieur, vivant et non-vivant" dans leurs dires, ils utilisent à travers leurs discours, des expressions vagues comme "Il y a un dessein intelligent dans l'univers" donnant l'impression d'éviter délibérément de mentionner le nom de Dieu. Bien sûr, il n'y a rien d'étonnant à ce que des non-musulmans, des athées et des philosophes utilisent une telle méthode. Cependant, il est inacceptable pour quiconque se déclare musulman de constamment éviter de dire "Dieu a créé" et d'utiliser au contraire des termes tels que "une force a créé…" ou bien "le travail d'un dessein intelligent". C'est une approche qu'aucun musulman ne peut adopter, car cela sous-entend, "je ne veux pas dire Dieu, je dis plutôt qu'il y a une force, et un dessein intelligent". Or rien de tout cela n'est compatible avec l'Islam et le coran. Eviter de dire que Dieu a créé toute chose, que tout a été conçu par Dieu, Seigneur des mondes, en disant seulement "Sois", et se référer seulement à un "dessein intelligent dans l'univers", ne peut être que le produit d'une mentalité qui a un manque de foi en l'existence de Dieu. Même les enfants de primaire savent que c'est Dieu, et non pas un "dessein intelligent", qui a créé les cieux, les gazelles, les poissons, les agneaux, les pommes, les bananes, les grappes de raisins et les oranges.

A qui d'autre, à part Dieu, ces expressions telles que "dessein intelligent" et "force intelligente" peuvent-elles se référer ? Avancer l'idée d'un dessein intelligent, en ignorant l'existence de Dieu est excessivement irrationnel et illogique. Après un moment de réflexion, tout individu sensé et qui possède une conscience, comprendra que si la perfection dans l'univers semble être le fruit d'une conception, alors le créateur de cette perfection ne peut être autre que Dieu. Il verra que toutes les entités de l'univers, vivantes ou non-vivantes, sont des manifestations de la sagesse, de la connaissance, du pouvoir, et de l'art créatif infinis de Dieu. Par conséquent, il dira : "Dieu existe; Dieu a créé" plutôt que : "Il y a un dessein intelligent", ou "Il existe une force intelligente".

Comme nous le savons, les païens de la Mecque préislamique ont donné les noms de Dieu aux statues qu'ils ont sculptées de pierre et de bois avant de les prendre comme idoles. Ils maintenaient que ces idoles, auxquelles ils donnèrent des noms tels que al-Lat, Manat et al-'Uzza, les avaient créées, leur avaient procuré leurs subsistances et avaient le pouvoir de les protéger. En bref, ils donnèrent des associés à Dieu en leur attribuant Ses noms. Aujourd'hui, de manière similaire, des gens essaient d'en détourner d'autres de la croyance en l'existence de Dieu en abusant de Ses attributs suprêmes dans des notions telles que "dessein intelligent" et "force intelligente". C'est quasiment la même chose que d'adopter une idole en lui donnant le nom de dessein intelligent. Le Coran nous dit ceci sur les attitudes des païens : Ce ne sont que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres. Dieu n'a fait descendre aucune preuve à leur sujet. Ils ne suivent que la conjecture et les passions de (leurs) âmes, alors que la guidée est venue de leur Seigneur. (Coran, 53 : 23)

Les francs-maçons, utilisant la même logique, parlent dans leurs récits d'une "force absolue" ou d' "une conscience" qui dirige l'univers, mais ce à quoi ils font référence n'est définitivement pas Dieu. Apparemment, les adhérents du dessein intelligent emploient exactement la même logique que l'on trouve chez les dires maçonniques.

[…] Les explications du "dessein intelligent" peuvent être un sérieux danger pour les individus attirés par la religion. Aujourd'hui, au 21ème siècle, le monde entier est en train de se détourner de ces idées matérialistes et athées. Chaque jour qui passe, on comprend mieux que le darwinisme, loin d'être une théorie scientifique, est irrationnelle et invalide ; et il y a une tendance vers une croyance sincère en Dieu. L'un des exemples les plus frappants est celui d'Anthony Flew, le célèbre scientifique qui a passé sa vie à embrasser l'athéisme. Dans une interview qu'il a donnée quelques mois auparavant, Flew a annoncé qu'il avait abandonné l'athéisme pour croire en Dieu. De la même manière, plusieurs scientifiques, artistes et politiciens ont aussi déclaré leur intérêt et leur curiosité vis-à-vis du Coran. Ceci dit, des termes comme "dessein intelligent" qui manque de sincérité et de conscience islamique, pourraient avoir un effet négatif sur les gens qui ont une attirance sincère vers la foi. Des expressions voilées et vagues de ce genre peuvent mener ces gens à tendance religieuse à tomber dans le doute et l'inconsistance, dans la confusion et le trouble.


Le "dessein intelligent" est une autre distraction de Satan. En rejetant une telle déclaration comme celle de l'évolution, on doit être prudent à ne pas devenir la proie d'autres ruses de Satan. L'un des principaux objectifs de Satan est d'empêcher la reconnaissance de Dieu par tous les moyens possibles, et d'amener les gens à ignorer Son rappel. Il y a ceux que Satan n'a pu avoir avec le concept de l'évolution. Mais s'il peut les divertir dans une autre direction, telle que celle du "dessein intelligent" il arrivera de nouveau à ses fins en éloignant les gens du rappel de Dieu. La manière dont Satan apparaît au nom de la vérité et cause la déviation des gens en leur obstruant la vérité est révélée dans le Coran : Puisque Tu m'as mis en erreur, dit (Satan), je m'assoirai pour eux sur Ton droit chemin, Puis je les assaillirai de devant, de derrière, de leur droite et de leur gauche. Et, pour la plupart, Tu ne les trouveras pas reconnaissants. (Coran, 7 : 16-17) On doit savoir que renverser la théorie de l'évolution et révéler que le principe du hasard est invalide démontrent tous deux l'existence de Dieu, qui a tout créé et non pas celle d'un dessein intelligent. Dire, "S'il n'y a pas d'évolution, alors il y a un dessein intelligent" n'est rien d'autre que d'adopter encore une autre fausse idole pour remplacer celle de l'évolution.

Ce qui convient à un musulman est d'adopter le chemin des prophètes et messagers comme il l'est mentionné dans le Coran. Les musulmans ne sont pas obligés de suivre tel ou tel mouvement scientifique, mais ils doivent suivre la voie des prophètes et des messagers que le Coran cite comme modèle, et suivre l'exemple de ces individus bénis. »

Et on veut faire entrer la Turquie dans l’Europe !

Comment se fait-il que nos laïcistes de Sagascience, prompts à s’inquiéter du retour des fondamentalistes chrétiens aux USA, n’aient pas un mot pour signaler l’existence de ce courant anti-scientifique et créationniste pur beurre dans l’islam ?

J’aimerais quand même bien savoir qui est cet Harun Yahya et quel est l’impact réel de sa pensée dans les pays à majorité musulmane. Et, accessoirement, ce qu’en pense Dalil Boubakeur.

(à suivre…)



[1] Je me souviens d’une conférence-débat à la maison de la culture de Chalon sur Saône dans ces années là, quand c’était encore une MC. Le docteur Pierre Geste, psychiatre, qui avait travaillé sur les miracles de Lourdes, voulait en présenter quelques diapositives médicales. C’est le curé de service, un théologien de Lyon assez connu, qui refusa le plus fort, plus fort encore qu’Evry Schatzmann. J’avais avec quelques amis commencé d’entraîner le public à protester contre cette censure et la salle devenait si houleuse que la technicienne de la MC fit signe qu’elle allait lancer le diaporama. Schatzmann accepta d’un signe. Et l’on entendit alors le curé hurler un « Noooon ! » désespéré, reculant sa chaise et se précipitant, inconsciemment, comme pour s’abriter derrière le n°2 de l’Union Rationaliste. C’était tellement disproportionné et tellement signifiant que personne n’a su comment réagir. Et la censure l’emporta, par charité. Je n’ai jamais compris en quoi la vision de ses propres miracles était devenue aussi périlleuse pour l’Eglise romaine.

[2] La nouvelle alliance, 1979.

[3] « From the Big bang to the Big Crunch », Cosmic Search vol. 1 n°4. Le © est daté bizarrement 1979-2004, ce qui suggère que l’interview elle même date de 79, la mise en ligne de 2004. Sur le site http://www.bigear.org/

[4] Les travaux de ce grand naturaliste allemand furent très peu traduits en français et, pour ceux qui le furent, très peu étudiés. Chauvin, dans Les sociétés animales : de l’abeille au gorille, Plon, Paris, 1963, rappelle sa stupeur d’avoir été le premier à couper les pages de ses ouvrages anciens, certains de 1926, à la bibliothèque du Museum. L’opposition ne venait pas tant des biologistes que des linguistes, à cause du terme Bienensprache, langage des abeilles. Or la France était le berceau de la linguistique. Aujourd’hui, ces audaces sont devenues des truismes.

[5] Op. cit. p.66.

[6] Jean Pierre Petit, seul réel spécialiste de la MHD en France, en a fait les frais ; Jacques Benveniste a vu son laboratoire de l’Inserm envahi par… un prestidigitateur hostile, dépêché là par l’UR après ses expériences sur les hautes dilutions, lesquelles sont désormais banales partout dans le monde sauf en France ; Michel Bounias, pour avoir accepté d’analyser les luzernes de Trans en Provence puis s’être intéressé aux biorythmes a fini au placard. Ne parlons même pas de Jacques Ravatin qui se décrivait avec humour comme MAVE – Maître Assistant à Vie Eternelle, ne pouvait disposer de laboratoire et devait se contenter d’enseigner les rudiments de la physique aux étudiants de DEUG. En représailles, il avait fait exprès d’inventer un vocabulaire qui interdisait de rattacher ses travaux au reste de la physique. La bêtise et le ressentiment fleurissaient de tous côtés.

[7] Que Chauvin put repérer car il n’en manque pas lui-même.

[8] Cité par Amy Green, « Histoire des origines : nouvelle théorie avec l’idée d’un Dessein intelligent », EEMNI News, 8 février 2006, http://eemnews.umc-europe.org/ , site de l’Eglise Evangélique Méthodiste.

[9] Ewan Ward et Marty Hancock, « Le dessein intelligent : un défi biochimique à la théorie darwinienne ? », Dialogue Universitaire, 2003, sur le site http://dialogue.adventist.org/articles/ du CEDUA ou Comité pour les Etudiants et Diplômés Universitaires Adventistes. Ce site est conçu par un certain John Wesley Taylor V, ce qui indique l’implantation de cette Eglise dans les dynasties de la côte est.

[10] Michael Behe, Darwin’s Black Box : The Biochemical Challenge to Evolution, Free Press, New York, 1996.

[11] Professeur de biochimie à l’université Lehigh de Pennsylvanie. Ce n’est tout de même pas Harvard.

[12] C. Darwin, L'Origine des espèces, réed. Paris, GF-Flammarion, 1992, p. 241-242.

[13] Ces guêpes pondent dans le corps de chenilles que leur venin paralyse et qui servent de nourriture à leurs larves.

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