Friday, September 08, 2006

Troisième âge

Peu de gens ont conscience que l’expression troisième âge qui s’est imposée dans les textes officiels et les médias avant de rentrer dans le langage courant quand vieillesse est devenu politiquement incorrect renoue avec les racines indoeuropéennes de notre culture. Ce n’est pas le fait de le désigner par un nombre, jeu commun de l’Inde et du monde celtique, cette manière de nommer/compter a traversé toute l’Eurasie et c’est surtout en Chine qu’elle a fleuri. Les Grecs, les Latins, les peuples germaniques, nordiques et autres utilisaient plutôt vieillard, souvent synonyme de noblesse. Mais troisième âge possède un sens précis dans l’hindouisme et, si l’on étudie les usages traditionnels des peuples d’origine indoeuropéenne, il semble que ce sens corresponde à une conception commune de la vie sociale à l’instar de la tri-fonctionnalité dégagée par Dumézil.
Deux traditions vont nous permettre d’aborder cette question sur le plan théorique, celle de l’hindouisme védique et celle de Rome avant l’empire. Ce choix n’est pas arbitraire : ce sont les deux cultures avec écriture qui encadrent le monde indo-européen à l’est et à l’ouest. L’écriture et donc l’appui sur des textes nous apporte un peu plus de certitudes que la tradition orale. Même si nous n’avons l’écho que des représentations normatives, même si le quotidien, dans sa réalité et sa complexité, les a toujours débordées, les écrits nous donnent des points de repères quant aux mentalités. Les extrêmes géographiques sont aussi des extrêmes temporels, des bornes atteintes au terme d’un processus d’expansion culturelle ou de migration qui a pu prendre plusieurs siècles si ce n’est plusieurs millénaires ; on peut supposer qu’à ces extrémités, la déformation par rapport à la souche sera maximale ; de ce fait, les caractères communs ont de fortes chances d’appartenir à la culture racine. C’est la méthode utilisée en linguistique pour la reconstitution d’une ur-langue et Georges Dumézil l’a importée avec succès en mythologie comparée, ce qui lui a permis de dégager une représentation sociale tri-fonctionnelle commune à tous les peuples indoeuropéens. Bien évidemment, de tels résultats ne doivent pas être absolutisés. La même tri-fonctionnalité a débouché aux Indes sur un système rigide de castes, dans l’occident chrétien sur les trois ordres médiévaux, dans le monde scandinave sur une échelle de noblesse et dans le monde celtique sur un enseignement par triades. Pour ce qui concerne les âges de la vie, sans doute faudrait-il un travail aussi précis, aussi exhaustif que celui de Dumézil. Cet article n’a l’ambition que de tracer quelques pistes et de susciter une réflexion sur nos propres usages.
Pour une part importante, les âges de la vie dépendent de la vie même, de la réalité biologique. Toutefois aucune culture, et cela est essentiel, ne se contente du constat de la croissance pré-pubertaire, de la maturité en particulier sexuelle et du déclin des forces. Dans l’Inde védique où de nombreux rites accompagnent le déroulement de la vie, après l’imposition du nom qui reconnaît socialement la naissance, une initiation nommée upanayama opère le passage de la petite enfance, durant laquelle un garçon reste auprès de sa mère et plus généralement des femmes, à la société des hommes et l’enfance d’apprentissage. Elle a lieu vers 7 ou 8 ans. Nous retrouvons ce clivage de l’enfance en deux parties dans les usages romains qui distinguent l’infans laissé aux mains des femmes jusqu’à 7 ans du puer, terme qu’il faudrait traduire par mineur légal. Le fils d’un homme libre en sortira vers 14 ans ; un esclave ou même un serviteur affranchi resteront toute leur vie dans cet état de dépendance. Dans le monde celtique tel que le décrivent les légendes (bien que recueillies tardivement), c’est également vers 7 ans qu’un enfant sera mis en nourriture et passera donc du statut de bébé à celui d’apprenti.
Les textes sont moins prolixes sur le statut des filles. De mauvaises langues suggèreront que c’est parce qu’elles n’en avaient pas mais c’est plutôt parce que, durant toute la période de dépendance et d’apprentissage, elles restent dans l’univers féminin et que l’on ne peut donc pas fixer une limite précise à la fin du stade infantile. Dans le monde celtique où, la plupart du temps, elles sont mises en nourriture à l’instar des garçons, la limite se place aussi vers 7 ans. A Rome, une cérémonie d’abandon des jouets a lieu vers 12 ans, au moment de la puberté mais avant que la jeune fille ne soit légalement nubile. Elle correspond aussi à la sortie de la première enfance pour entrer dans l’apprentissage de la vie de femme.
La seconde étape essentielle, le second âge dans l’Inde védique, est celle du mariage. Au moins idéalement, l’éducation est achevée, le jeune homme possède le métier qui lui permettra de faire vivre une famille, la jeune fille sait accomplir ses propres tâches qui ne sont pas seulement ménagères et, surtout, tous deux sont aptes à célébrer seuls les rites domestiques, à commencer par l’agnihotra, la libation quotidienne de lait cuit dans le feu qui se célèbre au lever et au coucher du soleil. L’âge au mariage n’est pas facile à déterminer, d’autant que la rédaction du Véda s’échelonne sur près d’un millénaire et qu’il a pu notablement varier durant une telle période. Toutefois la complexité des rites et les trois jours de chasteté exigés des nouveaux époux suggèrent une maturité psychologique telle qu’il doit avoir lieu au plus tôt vers 18 ans, plus probablement entre 20 et 25 ans.
Dans l’univers indoeuropéen, avec l’exception notable des Francs ou du moins de leurs rois à l’époque mérovingienne, le mariage semble avoir été assez généralement monogame. Le divorce est possible mais rien ne l’encourage et l’on n’a pas dans les traductions du Véda accessibles en français de rite de répudiation. Il semble toutefois que deux cas de rupture sont prévus, la stérilité et l’adultère.
Rome représente peut-être une autre exception dans la mesure où l’âge au mariage était le plus souvent reculé jusque après 30 ans pour les garçons, entre 18 et 25 ans pour les filles[1]. Entre la sortie de l’âge puéril et l’entrée dans la virilité à partir de quoi le mariage était autorisé, les Romains comptaient deux subdivisions au moins, l’adolescence et la jeunesse.
Enfin, toujours à Rome, la virilité s’achève lorsque l’homme devient, vers 60 ans, un senex. Notre mot sénile qui en dérive a pris un sens péjoratif, celui d’une perte d’intelligence et de maîtrise corporelle mais cette vision de la vieillesse n’est pas celle de l’antiquité[2] puisque, étymologiquement, l’assemblée législative et administrative de Rome, le sénat, est un conseil des anciens, des seneces.
Bien qu’il n’y ait pas de rites pour le manifester, pas plus à Rome ou dans le monde celtique que dans le Véda, le passage à l’âge sénile (au sens romain) représente un bouleversement existentiel aussi important que l’initiation de l’enfant ou le mariage. L’homme se retire de la vie de métier totalement ou partiellement ; son rôle social sera celui d’un conseiller qui transmet l’expérience et le savoir, règle les conflits, édicte les lois. Encore aujourd’hui, l’hindouisme recommande un parcours existentiel en trois étapes : celle de l’étudiant, celle du maître de maison et celle du renonçant. Si la plupart se contentent en ce troisième âge d’abandonner les soucis du métier et de se concentrer sur l’accomplissement des rites et la méditation, il n’est pas rarissime de voir hommes et femmes rentrer dans un ashram, se faire ermites ou moines mendiants et pratiquer l’ascèse. Un enseignement assez commun précise que, lors de la jeunesse et du temps de formation, le jeune reçoit tout de la société ; à l’âge adulte, il paie sa dette en accomplissant ses devoirs de travailleur et de père ou mère de famille ; puis vient un temps où, dette sociale payée, il peut s’occuper de lui-même, c’est à dire de son âme et de sa vie spirituelle.

Le moyen-âge chrétien a retrouvé dans sa pureté la tri-fonctionnalité des origines indoeuropéennes et, du moins en occident, l’a théorisée, distinguant les oratores, ceux qui prient, les bellatores, ceux qui combattent, et les laboratores, ceux qui produisent. Ce retour explicite d’une idéologie peut-être implicite dans la culture racine néolithique ne laisse pas de surprendre dans la mesure où les institutions du regnum francorum, héritières de celles du bas empire autant que des traditions germaniques, ne prédisposaient pas à la constitution des trois ordres. Dans le monde franc, tout homme libre est à la fois un producteur et un guerrier ; si l’on trouve une stratification tripartite, il s’agit comme chez les autres peuples germano-scandinaves d’une échelle de noblesse considérée idéalement comme une échelle d’aptitudes[3]. Dans les institutions héritées de l’empire de Théodose, il existe une multiplicité de statuts semi-libres dont aucun ne correspond vraiment à la vieille tri-fonctionnalité. Par ailleurs, la structure synodale de l’Eglise ne recoupe pas les institutions juridiques malgré tous les efforts des empereurs chrétiens pour transformer les évêques en hauts fonctionnaires.
De même, la pratique tant romaine que franque ne donnait pas au senex le loisir d’une recherche spirituelle. Cela faisait longtemps que de jeunes hommes siégeaient au sénat, le titre même de sénateur était héréditaire depuis la crise du IIIe siècle et, lors de la christianisation de l’empire, on considérait plutôt que la vieillesse relevait d’une question privée, familiale. Pourtant, dès que se révèlent dans l’Eglise des saints non martyrs et que l’on écrit leur vie, une expression revient comme un leit-motiv : « Dès sa jeunesse, il semblait un vieillard par la sagesse. » Le thème du senex sage conseiller, porteur de la sagesse divine, se retrouve en permanence dans les textes hagiographiques et patristiques.
On pourrait penser qu’il s’agit d’une figure de style, un de ces balancements d’opposés chers aux orateurs, aux avocats, puis aux hymnographes. Mais avec le développement du monachisme, dès le IVe siècle et plus encore aux suivants, on voit la pratique suivre les mentalités. Les monastères, dès l’époque mérovingienne, vont assurer deux des tâches traditionnelles et recevoir, en plus des moines de première vocation, si j’ose cette expression, deux classes d’âge : pueri et seneces.
En fait, le manque de maîtres et d’écoles après la chute de l’empire d’occident se faisait fortement sentir. Si les enfants de paysans ou d’artisans pouvaient toujours recevoir un apprentissage des gestes du métier, il n’en allait plus de même de l’écriture et du calcul. Au concile de Vaison de 529, sous la présidence de Césaire d’Arles, les évêques décidèrent que les prêtres chargés des paroisses de campagne prendraient chez eux les jeunes lecteurs célibataires afin d’assurer leur formation. Le même Césaire autorisa les monastères de sa juridiction à recevoir des enfants. Il ne faisait qu’entériner une coutume de plus en plus répandue, celle de donner à Dieu dès la fin de la petite enfance les cadets en surplus[4] ; mais la qualité de l’instruction qu’ils recevaient a vite persuadé les familles héritières de responsabilités administratives de confier aux moines durant quelques années tous leurs enfants, sauf ceux dont le roi prenait en charge l’éducation à la cour. Très vite, il devint d’usage que la formation initiale d’un jeune noble, entre 7 et 15 ans environ, ait lieu dans un monastère tandis que sa formation finale se faisait à la cour ou aula, ce terme désignant alors l’administration fiscale, juridique et diplomatique du regnum. Les filles passaient également le plus souvent leurs années de formation auprès de moniales et ne revenaient dans leur famille que pour être mariées. Cette coutume mal maîtrisée, d’autant plus mal que les mariages, plus le temps passait et plus s’unifiaient les anciennes noblesses romaines et germaniques, devaient recevoir l’aval du roi qui, in fine, décidait presque seul des unions de ses leudes, entraîna un certain nombre de désordres. Des jeunes filles ayant reçu le voile furent tirées du monastère et mariées, parfois contre leur gré ; à rebours, celles que la politique abandonnait dans la clôture et qui n’avaient aucune envie d’y passer leur existence se révoltaient ou revenaient de leur propre chef dans leur famille[5].
Le rapport de la noblesse romano-franque au monachisme fut ainsi des plus ambigu tant qu’il s’agit des années de formation. Tous les historiens s’accordent à noter que la vie monastique exerçait toutefois un réel attrait sur les jeunes gens et les jeunes filles, et plus encore à partir de l’arrivée des Irlandais. En incise : la vie monastique dans les Gaules a deux racines. Celle de Provence dont Marseille et Lérins sont les phares trouve son origine dans la tradition cénobitique de Bethléem et Jérusalem et les usages grecs transmis par saint Jean Cassien ; celle de Touraine, transmise par saint Martin, vient plutôt de la Thébaïde grâce à l’exil du patriarche d’Alexandrie saint Athanase à Trèves. A l’époque mérovingienne, les deux traditions s’étaient mélangées. On distinguait encore pourtant des ambiances, des coutumes, un accent plus érémitique près de la Loire, plus communautaire au sud. Le style monastique recherché par les Francs sera surtout martinien puis irlandais donc, dans les deux cas, de tradition égyptienne. Lérins qui avait rayonné sur tout le siècle précédent entre dans un relatif déclin après l’épiscopat de Césaire. L’arrivée de saint Colomban va donner à la tradition martinienne le versant communautaire, cénobitique, qui lui manquait.
Le monastère redevient l’horizon de la noblesse franque lorsque la vieillesse s’approche, c’est-à-dire lorsque les enfants, devenus adultes à leur tour, se sont mariés ou ont embrassé la vie monastique. La vie de sainte Salaberge, au VIIe siècle, apparaît comme exemplaire. Elle fait partie de ces nombreux enfants de nobles bénis par saint Colomban de passage chez leurs parents et, comme la plupart de ceux-ci, aspire à la vie monastique. Vers 16 ans, elle s’enfuit de chez elle, se rend en pleine forêt des Vosges auprès de saint Romaric et lui demande le voile. Ce dernier accepte le principe à condition qu’elle obtienne d’abord l’accord de son père. Refus de celui-ci. Le roi a prévu un mariage et n’autorisera pas Salaberge à mener la vie monastique. La belle trépigne mais Romaric lui fait remarquer que la principale vertu du moine, c’est l’obéissance. La voici donc mariée. Veuve quelques mois plus tard, elle réitère sa demande et se heurte à un nouveau refus royal. On la marie une seconde fois au comte Blandin. Cette fois, le mariage va durer tant et si bien que Salaberge aura au moins cinq enfants qui tous entreront dans les monastères colombaniens[6]. Une fois le dernier oisillon parti du nid, les deux époux se séparent et rentrent chacun dans un monastère dont ils avaient été les bienfaiteurs laïcs.
Salaberge n’est pas une exception sinon pour sa réputation de sainteté. L’exemple de la reine Radegonde puis l’influence colombanienne vont drainer vers les monastères de nombreux leudes consacrant à la vie spirituelle la troisième part de leur existence, la plupart du temps dans un monastère qu’ils auront eux-mêmes fondés ou dont ils auront été les bienfaiteurs. Cet usage va se maintenir malgré toutes les vicissitudes de l’Eglise d’occident. C’est encore le choix du cousin germain de Charlemagne, le comte Guilhem, duc d’Aquitaine, qui termine sa vie comme ermite dans le monastère de Gellone [7] qu’il avait fondé.
La réforme clunisienne amorce une rupture. Il est frappant qu’au moyen-âge classique ce mouvement ne diminue pas mais les seneces qui rejoignent un monastère restent le plus souvent confinés dans un statut intermédiaire entre le monachisme et le monde, dans ce que l’on appelle alors la familia d’une abbaye. Cluny ne mélange pas les torchons et les serviettes, les jeunes gens que l’on forme à l’esprit de l’ordre et les anciens seigneurs moins malléables. Devant cet accueil mitigé, les sages vieillards en quête de vie spirituelle vont se tourner soit vers les monastères restés indépendants, soit vers d’autres ordres. En dehors des Antonins et de certains hospitaliers locaux du chemin de Compostelle, ils trouveront peu de réelle bienvenue. Le monachisme inspirateur de la réforme grégorienne se transforme en même temps que les structures ecclésiales et, s’il devient pour la papauté une formidable machine de pouvoir, il perd de sa sève spirituelle[8]. On verra plus aisément donner le manteau templier à tel seigneur sur son lit de mort pour en capter l’héritage que répondre à l’inquiétude spirituelle du troisième âge. Cette désaffection de l’Eglise relookée par Hildebrand pour une demande encore très vivace en particulier dans la petite noblesse et la bourgeoisie montante des villes explique en partie le succès des Cathares dans le sud, celui des Vaudois dans les Alpes et les Cévennes, mais aussi celui de Fontevrault et, vers la fin du moyen-âge, celui des béguinages. Les diverses persécutions ou, pour le moins, les tracasseries à l’égard de ceux qui ne quittent pas l’Eglise romaine mais tentent de s’y tracer un chemin vont très vite finir par avoir raison de la tradition des trois âges. Et jusqu’à nos jours les gens vieilliront comme ils pourront.
Il faut tout de même noter une anomalie. La tri-fonctionnalité réaffirmée s’impose à l’époque de la réforme grégorienne ; elle a d’ailleurs failli se cristalliser en un système de castes en occident autant qu’en Inde, surtout en France, en Angleterre et en Espagne. Au moment où resurgit dans les textes, clairement énoncé, le système idéal archaïque des peuples indo-européens, la résurgence vécue qu’était le système des trois âges de la vie sera méprisé puis combattu. Or le processus est à peu près identique aux Indes lors de l’établissement rigide des castes. Le respect des trois âges existentiels viendra de mouvements réformateurs comme celui des Pèlerins.

Au terme de ce tour d’horizon succinct, que conclure ? Le XXe siècle a retrouvé la notion des trois âges sans donner au troisième d’orientation ni de contenu autre que l’immédiateté des envies, avec pour résultat que la cessation du travail, en particulier du travail salarié, a débouché assez régulièrement sur un épisode dépressif. La question des retraites qui se pose de manière aiguë sur le plan financier ne l’a jamais été de manière satisfaisante sur le plan existentiel, d’autant moins que le réseau de relations sociales a tendance à se déliter hors du monde du travail et que la famille est éclatée dans l’espace sinon dans l’affectivité. On a proposé la culture, avec les universités dites fallacieusement inter-âges ; on a proposé le bénévolat associatif. Ce sont de fort bonnes choses qui suggèrent le retour d’un besoin de sens, du besoin d’un temps où, dégagé des obligations sociales, on s’applique à remplir sa vie de ce qui lui donne sens. Dès lors, nous ne sommes pas loin du « stade du renonçant » et de considérer la retraite comme le temps donné par Dieu pour le chercher et faire l’apprentissage de la vie spirituelle.

[1] Il nous en est resté le folklore de la coiffe de sainte Catherine dont on affublait jusque très récemment les filles célibataires de 25 ans. Il semblait entendu que, passé cet âge, une « catherinette » resterait vieille fille toute sa vie. L’usage n’est vraiment tombé que lorsque le mariage lui-même est passé de mode.
[2] On peut même se demander s’il n’y a pas eu, dans la foulée des épidémies, des famines et des guerres qui ont ensanglanté l’Europe à partir du XVIe siècle, quelque virus émergent du type maladie d’Altzheimer.
[3] C’est évident dans la Rigsthula. Le dieu Tyr visite tour à tour trois familles exemplaires et engendre des rejetons dans chacune d’elle. Il commence par les throell, terme généralement traduit par esclaves, mais la suite du poème montre qu’il ne s’agit pas d’une simple catégorie juridique ; le throell serait plutôt l’homme sans qualification, ce qui ne l’empêche pas d’honorer le voyageur divin et d’avoir du cœur. Vient ensuite le karl, le paysan artisan libre, l’homme qui connaît son métier et sait gérer son village avec ses voisins. Au sommet de l’échelle, on trouve le jarl, le noble, capable d’assurer des fonctions de commandement et d’administration. Mais il n’y a pas trace de la tri-fonctionnalité dumézilienne puisque jarl et karl assument à la fois la production de richesses et le service guerrier, et que le dieu visite et reçoit un accueil rituel des trois niveaux hiérarchiques. Le terme karl est assez honorable pour que le second personnage du royaume d’Austrasie, le maire du palais Pépin de Herstal, le donne comme prénom à son fils – lequel deviendra roi grâce à ses conquêtes.
[4] On ne sait pas très bien comment est venue cette coutume. Elle s’appuie sur l’exemple biblique de l’enfance du prophète Samuel, décalquée dans la littérature apocryphe chrétienne par l’enfance de Marie dans le proto-évangile de Jacques. En ce sens le monastère prend la suite du Temple. Mais il n’est pas neutre que ce soit Césaire d’Arles dont on connaît l’augustinisme strict qui ait le premier autorisé cet usage en Gaules car, en effet, la progression de l’augustinisme s’est toujours accompagnée d’une insistance sur l’A.T. et d’un retour à des usages judaïsants, sans qu’on puisse expliquer pourquoi sinon, peut-être, mais ce n’est qu’une hypothèse de ma part, qu’Augustin minimise la lecture symbolique de l’Ecriture Sainte au bénéfice d’une lecture plus littérale. Il semble plus un héritier de l’école d’Antioche que de celle d’Alexandrie.
[5] L’histoire a gardé trace de deux de ces désordres, la révolte d’une partie des moniales de Sainte-Croix à Poitiers après la mort de sainte Radegonde et l’escapade ratée de quelques jeunes filles d’Eboriac (Faremoutiers).
[6] Les cinq moines et moniales sont devenus tous des saints ; nous connaissons leur filiation grâce à leurs biographes. Il n’est pas impossible qu’en plus de ces derniers, il y ait eu des enfants morts en bas âge et d’autres qui aient choisi de rester dans le monde. En dehors des Vies de saints, les sources d’époque sont très lacunaires et l’établissement de généalogies toujours hypothétique.
[7] Actuellement Saint-Guilhem le Désert.
[8] Ce pourquoi les réformes ne cesseront de succéder aux réformes.

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