Sunday, November 23, 2008

Z comme Helbronner et Bergier

Dans l'intéressant petit livre que Marc Saccardi consacre à Jacques Bergier (Amateur d'insolite et scribe de miracles : Jacques Bergier (1912-1978), éditions de L' Œil du Sphinx, Paris 2008), une citation me fait bondir et je regrette beaucoup que Saccardi ne l'ait pas reprise lors de sa conférence au colloque d'hommage à Bergier, le samedi 22 novembre, à la bibliothèque de Saint-Germain en Laye car j'aurais pu la relever et peut-être pu susciter un débat moins littéraire. Dans ce passage, Bergier commente ses travaux de recherches dans le laboratoire d'André Helbronner, dans les années 30 : « Ces expériences [consistaient] à volatiliser un fil métallique par une décharge électrique extrêmement puissante. Helbronner et moi-même avions constaté qu'il se produisait alors une transmutation des éléments. Nous avions fait en particulier de l'or à partir du tungstène et du bois, et du polonium à partir du bismuth et de l'hydrogène lourd1. » Bois est évidemment une corruption, erreur de dictée ou, plus probablement, de copie et il faut lire bore. Effectivement, le Bore, de nombre atomique 5, et le Tungstène, de nombre atomique 74, peuvent donner l'Or, 79, à condition d'avoir déclenché une réaction de fusion. En d'autres termes, à la recherche d'une source d'énergie basée sur la fusion nucléaire, Helbronner et Bergier ont monté l'ancêtre de la Z machine de Sandia et obtenu des effets que les Américains n'ont pas ou pas encore retrouvés, ou qu'ils considèrent comme un effet secondaire négligeable. Si la guerre n'avait pas interrompu les travaux de ce laboratoire ou si Bergier avait pu les reprendre après la libération, où en serions-nous aujourd'hui ?

Rappelons ce qu'est la Z machine. J'écrivais dans l'article Z comme Zorglub présent dans les archives de ce blog : La Z machine est à l’origine un générateur de rayons X par pincement magnétique d’un plasma obtenu en faisant passer un courant électrique de 20 millions d’ampères dans des fils de tungstène très fins. Ce plasma atteint quelques millions de degrés. J’ai sous les yeux un article de décembre 1999 ou janvier 2000, un autre communiqué de presse de Sandia, où ils se congratulaient d’avoir atteint les 1,6 millions de degrés, comparables aux éruptions solaires et très proches des températures de fusion. En remplaçant le tungstène par de l’acier afin d’obtenir des mesures spectroscopiques plus précises, ils ont fait un bond qualitatif autant que quantitatif totalement inattendu : une température de plasma plus chaude que les étoiles, plus d’énergie à la sortie qu’on n’en a envoyé à l’entrée, la température des ions toujours soutenue lorsque le plasma est immobilisé et supérieure à celle des électrons. Une énergie additionnelle imprévue se manifeste. Haines l’attribue à des micro-turbulences engendrées par le champ magnétique dans le plasma.

Un courant de 20 millions d'ampères, c'est exactement ce que décrit Bergier. Leur a-t-il manqué le pincement magnétique exact pour atteindre la fusion lithium-hydrogène et le générateur électrique de petite taille qu'ils espéraient mettre au point ? Comment se fait-il qu'ils aient obtenu des transmutations dont ne parlent pas les gens de Sandia, alors qu'elles sont prévisibles à de telles températures ?

Et surtout, on peut se demander pourquoi ces résultats n'ont pas été repris par les chercheurs alliés. On sait qu'il y eut de nombreuses recherches aux USA, en marge du Manhattan Project. Dont la trop célèbre Philadelphia Experiment que l'on dissimule encore derrière un mensonge diplomatique tellement gros qu'il ne trompera personne ayant quelques notions de physique puisqu'on oppose aux jeunes romantiques épris de téléportation cet argument massue qu'il y eut bien des recherches à la Navy en 1943, qu'Albert Einstein y fut effectivement mêlé mais qu'il s'agissait « simplement » d'obtenir pour les navires une furtivité radar, pas une invisibilité visuelle. Le jeune romantique repartira déçu sans poser d'autres questions, espèrent-ils. Mais moi qui ne suis pas un jeune romantique, j'en pose une. Comment donc obtenir une furtivité radar dans l'eau ? Alors qu'on sait que l'humidité de l'air peut suffire à annuler la furtivité d'un F117 ? Réponse, non pas technique mais théorique : il faut disperser les ondes radar en amont du bateau, donc utiliser un champ électromagnétique ad hoc. Tonton, pourquoi tu tousses ?

J'ajoute que j'ignore totalement si la série d'expériences a eu des effets secondaires aussi spectaculaires que ceux que rapporte le soi-disant Allende dans ses annotations du bouquin de Morris K. Jessup et que la chaise de Montauk me donne surtout envie d'éclater de rire, sauf si j'analyse ce corpus comme un mythe en voie d'émergence ou quelque réminiscence des romans de Van Vogt. Cette affaire montre surtout que les efforts militaires de recherche ne se sont pas limités à la mise au point de la bombe A et qu'il y aurait eu place pour la proto-Z machine d'Helbronner et Bergier. Plus d'un demi-siècle perdu, sans parler d'un génie gâché. Quelle pitié !


1Jacques Bergier, La grande conspiration russo-américaine, Albin-Michel, Paris, 1978, p.99