Saturday, February 11, 2017

Questionnaire intentions de vote Elabe pour BFM TV - Analyse



 http://elabe.fr/intentions-de-vote-election-presidentielle-2017/
Analyse du pdf

Deux difficultés techniques : l’échantillon et le mode de recueil.

Il s’agit d’un questionnaire proposé sur Internet et auto-administré, ce qui signifie qu’il n’y a pas de hot line et que celui qui répond, s’il a un doute sur une question, n’a pas d’interlocuteur.
Un échantillon de 1051 personnes sur lequel seules 961 correspondent au critère pertinent : pour voter, il faut être inscrit sur les listes électorales. Cela signifie que le logiciel fermait le sondage dès qu’il avait le nombre de réponses qui théoriquement permettait d’avoir 1000 interviewés répartis selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession, répartition géographique) qui passent le filtre. Le logiciel était un peu serré. La première vague, du 4 au 6 février, avait permis de trouver 993 réponses pertinentes sur 1053 questionnaires acceptés. 993 au lieu de 1000, c’est dans la marge acceptable ; 961, soit presque 40 de moins, augmente forcément le risque d’erreur.

On ne nous dit rien des contrôles, ce qui signifie que les quotas reposent sur la sincérité des répondants, non seulement sur leurs opinions mais sur eux-mêmes : sexe, âge, profession, lieu d’habitation. Un enquêteur au téléphone décelait d’emblée les ados qui se faisaient passer pour des adultes pour s’amuser ou les gens incapables de répondre de manière cohérente. Les contrôles par rappel de l’interviewé permettaient de limiter les erreurs de recueil.

Le second filtre permettait de différencier les interviewés à partir des intentions de vote. Seuls 600 à 700 personnes se sont déclarées certaines ou quasiment certaines d’aller voter. Que signifie cette marge de 100 interviews quand on nous dit que « Les rapports de forces électoraux présentés dans ce document sont calculés sur la base des personnes ayant exprimé une intention de vote et se disant certaines ou quasiment certaines d’aller voter, soit 600 à 700 personnes selon les hypothèses présentées dans ce document. » ? La possibilité d’infléchir les pourcentages ou les interprétations ?

Les commanditaires, bfm TV et l’Express, présentent les pourcentages secs. Or sur son site, ELABE précise bien : « Ainsi, pour un pourcentage observé de 25%, la marge d’erreur est au maximum de +/-3,2 points avec un niveau de confiance de 95%. Ceci signifie que pour un résultat à 25% il y a 95% de chances pour que le résultat réel soit compris entre 21,8% et 28,2%. » Mais 6 points de différence, ce n’est pas rien, cela peut faire basculer l’élection.
25%, c’est presque exactement le pourcentage attribué à Marine Le Pen (25,5%) si Bayrou se présente. Sans lui, elle monte à 26%. 

Mais la composition de l’échantillon retenu laisse encore plus perplexe. Déjà, je suis un peu étonnée de la taille de certains quota. Autres inactifs, ce qui signifie rentiers ou femmes au foyer, 55 interviewés sur 374. Où sont les 6 à 700 annoncés ? Et cela devient encore plus étrange quand on a les réponses politiques. Pour classer les résultats, on demande toujours dans ce type d’étude pour qui l’interviewé a voté au premier tour des présidentielles précédentes, ici 2012. Voici le tableau :
Jean-Luc MELENCHON : 62
François HOLLANDE : 70
François BAYROU : 68
Nicolas SARKOZY : 68
Marine LE PEN : 76
Total : 344. D’où sort ce total et pourquoi les partisans de Marine sont-ils surreprésentés dans ce sondage par rapports aux résultats connus ? Très simple : l’appartenance politique antérieure ne fait pas partie des quotas. Cela signifie que les partisans de Marine ont eu davantage que les autres envie de répondre – mais cela introduit un biais supplémentaire.
Crédibilité de ce sondage, une fois réinterprété par les commanditaires ? Très moyenne, bien que non nulle.

Une fois évaluée la crédibilité, voyons les résultats. Ce qui est intéressant, c’est le degré de solidité des intentions de vote. Marine bénéficie d’un socle dur – qui s’explique peut-être par la proportion de ce noyau historique dans l’échantillon. Fillon en bénéficie également : 78% de son électorat potentiel se déclare sûr de son vote. Le lynchage aura solidifié ses partisans. Pour tous les autres,  on peut s’attendre à de fortes fluctuations et le plus fluctuant, à 50/50, reste Macron. Ce qui veut dire que la bulle qu’on nous gonfle peut tout simplement éclater dans l’isoloir.

Monday, February 06, 2017

Dégouts électoraux et des couleurs en berne




Jamais campagne électorale n’a ramené tant de remugles d’égouts. Même au XIXe siècle qui ne craignait ni l’insulte ni l’invective, on s’échangeait des noms d’oiseau mais sur l’avenir, sur les programmes et les propositions. Ce qui me frappe dans le cirque actuel, c’est l’énergie mise par les journalistes à fouiller le passé des candidats sans s’intéresser à ce qu’ils proposent pour la suite, c’est à dire sans s’intéresser à la politique qu’ils remplacent le plus souvent par de la moraline gélatineuse à l’usage d’internautes adolescents. Le détournement de générosités est plus rentable que celui des avions et cela, par contre, n’est pas d’aujourd’hui. 

Ainsi, les stratèges de je ne sais trop quelles officines, Open Society de Soros, CFR ou autres structures de connivence oligarchique, ont exporté en France le système américain des primaires. Mais ce système, aux USA, joue sur fond de partis vidés de toute substance idéologique pérenne ; si aujourd’hui le parti démocrate représente un clan libéral-libertaire et cosmopolite, il n’en était pas de même à sa fondation. Cette rivalité vide permet de remplir la structure avec les oppositions du moment, dont chacun sait qu’elles évolueront au cours du temps. Il s’agit de choisir des hommes autant et plus même que des idées, toujours périssables. Or en France, les partis ont un contenu, voire plusieurs grâce au droit de tendance et les guerres de clan qui se jouent à l’intérieur comme entre eux sont largement des conflits idéologiques. Demander aux militants et sympathisants de trancher entre les candidats potentiels ne peut qu’exacerber les rancœurs des évincés de la candidature. 

Mais il y a pire. Les journalistes, nouveaux clercs qui se veulent les faiseurs d’opinion, orchestrés en sous-main par les clubs de réflexion – pensons au Siècle ou à Terra Nova – avaient depuis la fin du règne de Mitterrand réussi à imposer leur choix aux électeurs. Or aujourd’hui le peuple vote presque systématiquement contre leurs poulains. Hillary Clinton l’a appris à ses dépens : les péquenauds du Montana ou de l’Oklahoma ont aussi une vision du monde, bien différente de celle des politiciens, des hommes d’affaire et des universitaires de la côte est, mais aussi consciente et respectable. On ne persuadera plus les électeurs de Trump de se laisser guider par les esprits « éclairés » d’une pincée de grandes villes. Même rejet en France des candidats imposés – voire imposables, sans jeu de mots – tant à « droite » qu’à « gauche » : la presse roulait pour Juppé, les « militants de base » ont imposé Fillon ; à gauche, Valls semblait le seul sérieux face à des trublions sans envergure, la base a imposé Hamon. Et aujourd’hui, malgré le déchaînement des médias, Fillon reste debout et Hamon ne s’est pas démis en faveur de Macron comme on l’y invitait. L’inconscient collectif, soumis à trop de manipulations, a-t-il fini par générer des anticorps psychiques ?

L’argumentaire utilisé contre Trump et contre Hamon est à peu près le même : le manque d’expérience politique et de crédibilité. Comme ils s’éloignent du consensus de la côte est ou de Saint-Germain-des-Prés, ils ne peuvent être que de naïfs utopistes, chacun dans son genre ! Celui qu’on développe contre Fillon pose d’autres questions. Sous couleur de morale jamais explicitée, on fait appel à l’une des plus basses passions humaines, l’envie, la jalousie. L’accusation d’avoir volé l’argent des contribuables se fonde, sur les réseaux sociaux, sur la disparité du salaire versé à une attachée parlementaire et de celui que touche par exemple une infirmière. Que cette disparité choque et pose question, soit – mais on ne peut accuser un homme, quel qu’il soit, d’avoir utilisé les moyens légaux mis à sa disposition dans le budget de l’État. La conclusion logique devrait être qu’il faut revoir le système de rémunération des élus, au lieu de quoi l’on fait crier « haro » sur un baudet dont le principal tort est de ne pas avoir été choisi par d’autres que les électeurs. Et je le dis avec d’autant plus de sérénité que je ne suis pas fillonniste.