Wednesday, October 07, 2009

Bouc, cerf et bouquetin

Autre message paru dans un forum aujourd'hui disparu. Je répondais à une série de considérations sur les mythes archaïques.
Le bouc m’intéresse car on le retrouve dans un contexte très ancien : les « diablotins » paléolithiques de Teyjat, un os gravé d’une grotte de Dordogne, sont des capridés. Bouc ou bouquetin, même animal qui danse sur les rochers et entraîne le chasseur à quelques acrobaties. Quand on discute avec de vieux chasseurs de chamois ou d’isard, il y en a encore quelques uns vivants, on s’aperçoit qu’il y a, dans leur relation à l’animal, quelque chose de passionnel et de sacré qu’on ne retrouve pas chez les tireurs de lapins ou de faisans du dimanche. Pourtant, à ma connaissance, le bouquetin ne figure pas parmi les animaux qui, dans les contes ou les mythes, entraînent le chasseur vers l’autre monde magique. Mais n’a-t-il pas été remplacé par le cerf dans ce rôle de guide malicieux dès lors que les capridés étaient en partie domestiqués ? Vraie question, que je ne suis pas sûre de résoudre car il y a un hiatus géographique.
L’aire archaïque du bouquetin, bouc, chèvre d’or et autres caprins est assez aisément repérable dans les contes, les traces archéologiques et les rites (même édulcorés en folklore). Grosso modo, un pourtour méditerranéen élargi, qui rejoint l’Atlantique en Aquitaine, au Portugal et au Maroc, qui s’enfonce jusqu’à l’Afrique subsaharienne encore que la « frontière » soit très floue et jusqu’à la Mésopotamie, au moins dans les zones montagneuses du nord mais, par contre, le bouquetin est peu discernable en Egypte. Le cerf se retrouve surtout dans les cultures issues de La Tène et de Hallstadt. C’est plus au nord, c’est plus tardif, les zones de recouvrement sont assez courtes, sauf la Grèce mais cerf et bouquetin n’y appartiennent pas au même ensemble mythique. Avec le cerf, nous sommes chez Artémis et Apollon ; avec les capridés, chez Pan ou Dionysos. On peut penser une opposition sémantique autant qu’une unité fonctionnelle. L’ensemble « bêtes à cornes et sabots » n’est pas simple à pénétrer.
Avant de savoir si tel dieu ou tel ensemble mythique est indoeuropéen, question qui a son importance mais ne me taraude pas plus que ça, j’essaie plutôt de comprendre comment il était perçu par les peuples qui nous en ont laissé l’image, comment cette perception a évolué au cours du temps et quelles sont les équivalences/oppositions que l’on peut établir avec d’autres figures comme avec d’autres réalités : constellations du ciel nocturne, mode de vie, problèmes intellectuels dominants. Il y a toujours beaucoup d’hypothèses et de conjectures, surtout quand on généralise, mais les énigmes sont passionnantes.

Dialogue sur l'écologie

Ce message est tiré d'un forum aujourd'hui défunt mais me semble intéressant à ne pas laisser partir totalement dans les limbes. J'y dialoguais avec un partisan pur et dur de la décroissance.

Est-il de l’intérêt de l’écologie de se lier à un mouvement politique ? Si je regarde en arrière, les Verts ont eu un petit succès électoral à partir du moment où ils ont laissé tomber les questions purement écologiques pour faire du socialisme gentillet. Ce qui a eu quelque impact, c’est d’une part le travail scientifique qui permet de mieux connaître les grands cycles vitaux, celui de l’eau, celui de l’azote, etc. ; d’autre part les médias et leurs vulgarisations thématiques, télévision, articles, livres. Auxquels il faut ajouter les petits futés qui ont vu l’intérêt économique d’une gestion écologique bien comprise. Exemple : ceux qui se sont lancés dans le recyclage à petite ou grande échelle. Ou les architectes qui proposent des maisons en matériaux naturels, avec énergies renouvelables, etc., des choses fort sympathiques et qu’on a envie d’habiter. On les applaudit bien fort : ils agissent. Et, clin d’œil impertinent qu’on me pardonnera, j’espère, leur activité fait grimper le taux de croissance…

Lancer un mouvement politique signifie présenter des candidats aux élections, rentrer dans un jeu de tractations diverses et variées – de tractation tout court puisqu’il faut bien mettre des professions de foi dans les boîtes à lettres (aïe ! mes arbres !), bref dans un jeu dont les règles furent écrites par et pour d’autres. Et cela renforce aussi la dérive vers l’idéologie et le système de croyances, dérive que je ne cesse de dénoncer depuis quelques années. Dans cet ordre d’idées, je garde un souvenir cauchemardesque d’une intervention de Brice Lalonde à la fin des années 70 dans un meeting soi-disant contradictoire où il s’opposait à un ingénieur d’EDF qu’en plus, pour parachever le désastre, je connaissais assez bien comme syndicaliste sincère. Ce meeting s’inscrivait dans la controverse locale autour de la construction du surrégénérateur du Val de Saône, juste après Maleville. J’étais une des opposantes actives. La salle était bourrée de gamines de 14-15 ans, de professeurs des lycées, plus quelques trentenaires qui se sont vite demandé ce qu’ils fichaient là. Dès que Lalonde a ouvert la bouche, j’ai été atterrée. Il sortait une ânerie scientifique par phrase, de celles qu’un élève de seconde aurait pu rectifier. L’ingénieur n’a pas eu de mal à l’enfoncer mais… mais c’était sans compter ces demoiselles les groupies adolescentes. Les quelques adultes qui posaient des questions (et Dieu sait qu’elles ne cassaient pas trois pattes à un canard) ont failli se faire lyncher, sans parler de l’ingénieur qu’il a fallu faire sortir discrètement par la porte de derrière. Les amis musiciens qui devaient assurer la partie festive après le meeting se sentaient très mal aussi. Et c’est ainsi que la centrale du Val de Saône gagna à sa cause la presse locale évidemment présente. Ce soir là, j’ai compris que mélanger écologie, discipline sérieuse et qui demande de la finesse et de la rigueur intellectuelle, et vedettariat ou politique politicienne, ou même simplement appel à la croyance et à l’incantation, ne pouvait mener qu’à la catastrophe. Et je me suis souvenue que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Voynet ou Mamère ne valent pas mieux. Yves Cochet me semble très idéologue – bien qu’il soit certainement mille fois plus sincère et instruit des problèmes que les chasseurs de prébendes électorales.

Les idées bien exposées, les réalités peuvent avoir un impact et progressivement transformer le monde. Ce n’est pas si loin, les années 70 : 30 ans à peine. A l’époque je n’aurais pas osé parier que l’on aurait 30 ans plus tard généralisé les poubelles de tri et le recyclage de plusieurs types de déchets ménagers. C’était juste le moment où l’on cessait de consigner les bouteilles en verre ! Ce ne sont pas les tracts des Verts qui ont fait avancer la conscience de « l’environnement » mais un petit journal non politicien d’éveil à la nature pour enfants et ados : La Hulotte (rien à voir avec Nicolas). Et tout un travail de lobbying auprès des décideurs, en particulier des chefs d’entreprise.

J’ai dit plusieurs fois que je me refusais à poser les questions en termes de croissance/décroissance, ce dont certains ont conclu que j’étais forcément pour le libéralisme et le consumérisme. En d’autres termes, si vous refusez un dilemme dont l’interlocuteur représente un des pôles, c’est donc que vous représentez le pôle opposé – raisonnement dont la logique m’échappe un peu, pour tout dire.

Prendre au niveau local des décisions telles que station d’épuration biologique (concrètement, quel est le système ?), recyclage des déchets, aménagement des zones de circulation selon le véhicule, j’appelle cela de la gestion intelligente et je ne peux qu’applaudir. Et je suis bien d’accord que ce type de décision n’a pas besoin d’être soumis au tampon de quelque autorité centralisée. Mais en quoi serait-ce de la décroissance, si l’on s’en tient à la définition économique de la croissance, définition fondée sur le PIB ?

Il n’y a que sur la limitation de la circulation automobile que je mettrais un bémol pour avoir vu dans des villes que je connais bien, à commencer par Paris et à continuer par certains coins de province, les bonnes intentions paver l’enfer sans faire baisser d’un poil le taux de CO2 ou d’autres polluants. Si vous l’avez fait intelligemment, bravo. Le contre exemple type, c’est Paris, les boulevards des maréchaux au sud où la construction du tramway (mille bravos) s’est accompagnée d’un rétrécissement des voies laissées aux automobilistes tandis qu’étaient aménagés de larges et magnifiques trottoirs de promenade. Résultat concret : c’est toujours l’embouteillage, le périph’ s’engorge un peu plus, et les piétons ne viennent pas plus qu’avant flâner sous les arbres parce qu’ils n’ont rien à faire là, ni leurs courses, ni leur travail s’ils sont parisiens, et que c’est trop loin des monuments s’ils sont touristes. Bilan : autant de CO2 que d’hab, sinon plus et un surcroît d’énervement, sans oublier que ces gigantesques trottoirs, c’est glacial en hiver, brûlant en été, venté à décorner les bœufs. Bref, l’idéologie « écologiste » n’a pas fait avancer d’un poil la convivialité ni régresser les gaz à effet de serre mais a coûté cher pour compliquer la vie d’une partie des usagers. Par contre, tout cela fait monter le taux de croissance de la ville, comme n’importe quelle réalisation.

Il ne suffit pas que la décision soit prise au niveau local, il faut encore que les décideurs aient trois sous de bon sens et c’est peut-être ce qui manque le plus à notre époque d’idéologies entrecroisées et de responsabilité diluée.


On me recommande l'Abécédaire du développement.

Citation :

«Vous, les Développés, portez des masques avec des oreilles inexistantes et une large bouche, tandis que nous, Africains, développons d'immenses oreilles et laissons notre bouche s'atrophier.»

???? L’art de la palabre – et de la dispute au besoin – me semble pourtant très africain, si j’en juge par ce que j’entends dans le RER !

Et les « ailleurs du développement », qu’es aco ? Est-ce que ça les ennuierait de parler en français plutôt qu’en langue de bois ? Rien que pour ce paragraphe, cet abécédaire commence à m’agacer. Dès la lettre A… ça augure mal de la suite.

L’article « besoins » s’attache à une critique de la théorie de la rareté. Fort bien. Cette théorie est d’ailleurs controversée parmi les économistes, pour ce que j’en sais. Mais on attend encore une analyse réelle de la notion de besoin.

Au bout de cinq articles, j’arrête. Une critique n’aurait aucun sens, car un tel ouvrage n’est pas discutable. On nous balance des affirmations comme s’il s’agissait d’évidences et surtout du rejet des autres visions du monde sur le mode ironique plutôt qu’argumenté. Il n’y a pas de discussion possible si l’interlocuteur a tort par principe. C’est un ouvrage écrit pour que les militants se fassent plaisir entre eux. Exactement le type de littérature dont j’ai horreur, quelle que soit l’idéologie sous-jacente.

Je n’achèterai pas ce livre.

A vrai dire, de tout ce que je viens de lire, un seul article me parait frappé au coin du bon sens :

« Ontologie (sorte d') : Ensemble de valeurs-clé qui nous viennent des Lumières. Notamment, cette prise de distance relevée par Kant, reprise par Foucault, ce recul par rapport à soi comme société, comme époque qui est au fondement des sciences modernes. Pourquoi donc un passé, celui des Lumières, ou un autre, antérieur, n'aurait-il plus rien à dire aux hommes du XXIe siècle ? Quel rôle pour les passeurs d'époque, pour ceux qui cherchent à transmettre et non pas seulement à informer ? Ne faut-il pas s'interroger sur ce que l'on veut conserver, sur ce que l'on ne veut pas perdre, sans se laisser intimider par les illuminés de l'innovation qui perpétuellement poussent par derrière comme s'ils possédaient la clé de l'énigme du futur ? Donc, qu'est-ce qu'on garde du XVIIIe siècle, quelle partie de l'héritage assumer, revisiter, se réapproprier, liquider, adapter ? Au moins se poser la question. »

Je poserai seulement une question annexe : qui est « on » ? Qui va décider du tri de l’héritage ? C’est le point aveugle d’un paragraphe qui par ailleurs ne manque pas d’intérêt. Autre question annexe : pourquoi l’héritage ne remonterait-il pas au delà des Lumières et du 18e siècle ? La renaissance n’a-t-elle plus rien à dire ? Ou le moyen âge ? Ou la mémoire paysanne qui remonte parfois au néolithique ?

Ce qui m’ennuie dans ce livre, c’est le parti pris sous-jacent, inexprimé, selon lequel les autres visions du monde occidentales seraient à combattre tandis que les visions du monde des autres cultures seraient forcément enrichissantes, voire salvatrices. Mais comme c’est du filigrane, on ne peut guère en discuter sereinement. J’en garde le sentiment de la réduction d’un héritage complexe, celui des cultures européennes et nord-américaines, à quelques traits caricaturaux où l’on ne met en lumière que l’haïssable en oubliant le reste, et de l’idéalisation de cultures tout aussi complexes dans l’héritage desquelles les héritiers auraient aussi à trier. L’oligarchie du G8 est sans doute haïssable, mais la tradition de l’excision en Afrique me fait frémir. Or si l’Afrique ne se résume pas à l’excision, l’Europe en tant qu’ensemble de cultures n’est pas superposable au G8.

Tuesday, October 06, 2009

Poème qu'on m'a envoyé et que j'avais oublié de poster

D'un cercle de feutre tu fis ce chapeau,
cône où l'ombre des futaies

s'enroule.

Cerclant ta tête pleine de nocturnes romances,
il pointe son sommet vers un ciel étoilé, tandis que

d'un feu vacillant
ta lanterne illumine sa base.

Quel luxe pour qui loge
en cette tour bercée par tes pas tranquilles :

vœux abrités des bourrasques et
bienheureux présages, piaillant dans ce nid
vagabond.

Ecoute, sous ton chapeau, nos âmes
louer la patrie où tu les emportes.


Jacques Tallote Botelli.

Wednesday, September 23, 2009

Actualité de Trevor Ravenscroft

Nous avions vingt ans, l'Eglise romaine nous débecquetait (1) et l'état de conscience borné de madame Michu nous donnait envie de lancer des coups de pieds dans les murs. D'ailleurs nous les avons donnés, ces coups de pieds, mais ils furent très vite récupérés par des politiques qui ne s'intéressaient qu'à la répartition de l'avoir, à la circulation des marchandises et ne nous concédaient que le droit de céder sans remords à n'importe quelle démangeaison sexuelle. Il ne restait de pur que Maurice Clavel, les royalistes et les hippies, pour tout dire. Nous que l'avoir ne comblait pas, nous cherchions désespérément l'être. Presque naturellement, dans cette quête, nous avons rencontré les marchands d'orviétan – ceux-ci plus faciles à reconnaître car âpres au gain matériel – et, plus périlleux, les marchands d'abîme. Ces derniers avaient en main des appâts bien étudiés, du romantisme pour les romantiques, des exercices plus poussés que le hatha yoga qui fleurissait un peu partout et réellement opératifs, des mythes qui résonnaient immédiatement dans les âmes mais recélaient un mortel poison. Certes, ils abattaient les murs mais pour offrir un labyrinthe sans issue où se réverbéraient les échos éclatés d'un message traditionnel sans jamais que sa cohérence fasse sens. Nous avions vingt ans : nous sommes entrés d'un pas ferme dans l'antre du Minotaure, ignorant que nous allions ainsi passer de déception en déception spirituelles.
Parmi les guides qui contribuaient à nous égarer dans une errance sans repère, il y eut un certain nombre d'auteurs publiés chez Laffont, Albin Michel ou dans la collection rouge des éditions J'ai Lu. Sous couvert de nous offrir l'univers et ses maîtres de sagesse, les dessous magiques du pouvoir ou quelque accès au sacré, ils nous entraînaient le plus souvent dans des impasses mais, au passage, tentaient de nous dérober ce que nous avions retenu de positif de notre enfance, à commencer par le discernement des esprits. L'attaque était d'autant plus insidieuse que les éditeurs, ne voyant là que littérature de gare sans importance, s'autorisaient à tronquer les textes, à les édulcorer et les amputer de ce qui aurait pu permettre de reconnaître le mufle de la Bête. Il n'en restait que le venin enflaconné comme un philtre magique de supermarché.
Puis la mode passa chez les éditeurs qui n'avaient sorti ces collections où le pire côtoyait le meilleur qu'à cause du succès imprévu de la revue Planète. Foin désormais d'archéologie mystérieuse, de civilisations enfouies ou de secrets de pouvoir, ils allaient donner dans la psychologie en kit et les médecines douces façon mère-grand. On ne soignait plus que les cors aux pieds, les scolioses et les mauvaises relations parentales. Castaneda laissait place à Maïté. Mais les livres ont plusieurs vies. Ceux qui nous avaient si mal nourris se retrouvaient, toujours tronqués et amputés, chez les bouquinistes ou dans les vide-greniers, accessibles pour trois sous aux jeunes gens avides d'être de la génération suivante.

Je force le trait ? A peine.

Si nous avions eu dans les mains des traductions fiables et complètes au lieu de versions griffonnées sur un coin de table pour tenir les délais, aurions-nous reconnu l'intention cachée derrière certains romantismes ? Ce n'est pas entièrement sûr, on a toujours encore un peu de naïveté à vingt ans mais du moins nous aurions été armés pour le faire, surtout si le traducteur s'était donné la peine de lire aussi les réfutations parues ici ou là. C'est pourquoi je salue l'initiative des éditions Camion noir (2) de rééditer l'un des ouvrages les plus sulfureux de la célèbre collection rouge, La lance du destin de Trevor Ravenscroft, en version complète et annotée. Le traducteur qui signe Tahir de la Nive et le préfacier mystérieusement Vlad D sont de bons compères en cette entreprise. Vlad D nous met de suite dans l'ambiance : ce livre présenté comme le résultat d'une investigation ne tient pas debout dès qu'on le confronte au réel. Il réécrit l'histoire. Pourquoi, alors, le republier ? Vlad D nous donne trois raisons : son immense influence en Angleterre, comparable à celle du Matin des magiciens en France ; qu'il ait renforcé l'idée qu'Hitler fut l'antéchrist tel que le décrit Anne-Catherine Emmerich ; enfin que la diabolisation du nazisme avait commencé avant guerre « au travers de publications commandées ou traduites par les services de renseignement français » et britanniques. Le faux essai et vrai roman de Ravenscroft s'inscrit ainsi dans une série initiée bien en amont puisqu'il paraît en 1972 en Angleterre, à une époque où le péril nazi n'a plus vraiment d'actualité. A ces raisons données par le préfacier, j'en ajouterai une que l'on pourra prendre comme l'acquiescement du lecteur. Il était temps. Le thème de la Lance, plus ou moins déformé par rapport à l'original de Ravenscroft (petite ferme des corbeaux, quel nom !), revient en force avec au moins une BD et deux romans publiés en français depuis deux ans.
Quant à Tahir de la Nive, il revient sur les coupes sombres opérées par son collègue de 1973, « les passages soumis au couperet étant naturellement les plus ardus à traduire parce que généralement les plus intéressants, ceux qui exigent du traducteur consciencieux un effort majeur de recherche et de précision, un choix judicieux de termes, une expression qui soit intelligible au lecteur sans pour autant trahir l'auteur. » Le résultat de cette exigence est un livre de plus de 500 pages, avec des notes abondantes, tant de l'auteur que du traducteur, aussi fluide à lire que la version de gare mais qui donne à réfléchir autant sinon plus qu'à rêver.

Je voulais comparer les deux traductions avant de rédiger cet article mais j'ai égaré l'ancienne. Je ne sais donc pas exactement ce qui fut coupé à l'origine. Mais, est-ce le recul de l'âge et de l'expérience, est-ce la qualité indéniable du traducteur, dès les premières pages me saute aux yeux ce qui ne m'avait pas frappée dans les années 70. J'avais bien vu alors que Ravenscroft balançait des affirmations comme des vérités premières, sans jamais les étayer d'une référence ni les questionner, ce qui s'apparente à une propagande plus qu'à un travail d'historien. J'avais senti sa fascination mêlée d'horreur pour Adolf Hitler, une fascination non politique mais qui évoque le vertige que l'on ressent en certains lieux sinistres et puissants, certaines chutes d'eau sur de sombres rochers, certaines grottes. Le romantisme puis le symbolisme avaient flirté avec ces vertiges, que l'on pense au Huysmans de Là-bas, à Barbey d'Aurevilly, à Nerval mais sans franchir certains garde-fous qui ne le furent que par des mages noirs comme Aleister Crowley ou Theodor Reuss. Ravenscroft oscille en permanence autour de cette limite mais, s'il induit le vertige chez le lecteur, lui-même semble toujours en retrait : en retrait derrière le professeur Walter Johannes-Stein (1891-1957) qui, selon lui, fut son mentor et aurait du écrire ce livre, en retrait derrière la condamnation officielle du nazisme, etc. A propos de Johannes-Stein, notons que Ravenscroft finit par avouer au journaliste Eric Wynants qu'il ne l'avait jamais rencontré mais « lui avait parlé par le biais d'un médium ». Toutefois ce patronage allégué n'est pas neutre, Johannes-Stein étant un disciple fervent de Rudolf Steiner, passionné par la légende du Graal auquel il consacre plusieurs livres, dont The Ninth Century and the Holy Grail et Death of Merlin: Arthurian Myth and Alchemy.
Avec quelques petites phrases comme : « Justinien, sorte de bigot absolutiste » ou « l'astucieux Constantin [...] eut l'audace de promulguer et d'imposer à l'Eglise le dogme de la Trinité », Ravenscroft annonce tout un courant de pensée que l'on retrouvera dans les ouvrages anglo-saxons dédiés à l'affaire de Rennes le Château, déjà dans le Holy Blood, Holy Grail de Baigent, Leigh et Lincoln puis plus clairement encore chez Picknett et Prince, Andrews et Schellenberger, l'autre racine de cette relecture du christianisme se trouvant chez Robert Ambelain qui se contente d'accuser l'apôtre Paul d'avoir transformé un maquisard juif en avatar de Dieu. Est-il anodin qu'Ambelain et Ravenscroft publient leurs ouvrages presque en même temps ?
Si cette malveillance à l'égard des empereurs chrétiens (qui ne s'étend pas à Théodose, pourquoi ?) ouvre le livre, on trouve vers la fin, aux pages 426-434 un résumé allégué des croyances de Steiner à propos du Christ : « L'incarnation du Christ dans la chair et le sang de Jésus fut la descente de l'Esprit Solaire dans le calice de la Lune, configuration qui devint le symbole du Saint Graal au Moyen Age ». Notons que cette descente a lieu lors du baptême dans le Jourdain. C'est du pur Nestorius si l'on exclut les allusions soli-lunaires, lesquelles n'ont même pas l'excuse de correspondre à la symbolique alchimique. Mais il y a mieux encore lorsque Ravenscroft évoque le coup de lance de Longinus : « Le Sang se répandait sur le sol et, coulant de la blessure faite par la Lance, constituait le véhicule de l'Esprit Solaire s'incarnant dans le corps de la Terre même. C'est le coup de lance de Longinus qui provoqua la naissance du Christ cosmique comme Esprit de la Terre. » Là, c'est très fort. Assimiler Gaïa au Christ, on n'avait pas encore osé ! Notons avec un brin d'humour que celles qui reprochent au christianisme d'avoir rejeté la Terre-Mère et toute féminité se voient ainsi préventivement retirer le tapis de sous les pieds !
Plus loin encore, au chapitre 22 (pages 441 et sq.), Ravenscroft aborde la thématique du Double , le Doppelgänger, terme qu'il attribue à Goethe mais qui semble en usage un siècle plus tôt, contrepartie ténébreuse de l'Ego ou de l'Esprit et nous annonce froidement que, si Hitler fut possédé par Lucifer, Heinrich Himmler incarnait le Doppelgänger du Monde ou Anti-Esprit de l'humanité. La caractère profondément dualiste de cette doctrine n'échappera à personne mais, plus subtilement, notons que Ravenscroft la publie au moment où l'on s'intéresse en physique aux symétries, aux antiparticules et à l'antimatière. C'est dire qu'il transpose un langage à la fois familier de par les médias et chargé de l'aura d'une discipline de haut niveau, la physique quantique, que d'aucuns s'accordent à rapprocher des grandes écoles spirituelles comme le taoïsme ou le bouddhisme. Evidemment, l'exposé clair et précis de cette doctrine, qu'elle soit ou non anthroposophe, ne figurait pas dans la version de gare.

Merci donc à Tahir de la Nive. S'il ne faut évidemment pas lire Ravenscroft au premier degré et croire tout ce qu'il raconte, l'ouvrage représente un document d'importance pour l'histoire des mentalités et plus précisément celle de l'occultisme.

1. Avant Vatican II, nous l'avions vécue comme une machine à briser les ailes et bien tasser dans le moule étroit de la pensée petite-bourgeoise (Flaubert : « J'appelle bourgeois tout ce qui pense bassement » et les curés sur ce point valaient les boutiquiers – où était Bernanos, où était Léon Bloy ?) ; après Vatican II, c'était pire, les dominicains couraient derrière Marx tout habit retroussé, les autres s'aplatissaient devant nous sans plus rien nous proposer. Pouah

2. www.camionnoir.com





Thursday, September 17, 2009

Visite au Père-Lachaise



L'autre jour, j'ai visité le cimetière du Père Lachaise avec un spécialiste des vampires. Je ne suis pas une mordue de cette thématique où je vois surtout une formule littéraire, un romantisme d'auteurs assez éloigné des mythes funéraires spontanés tels qu'on les rencontre dans l'étude du folklore ou des rites mais il est toujours intéressant d'écouter un érudit passionné, surtout lorsqu'il retrouve l'influence de la littérature vampirique dans certaines tombes d'un lieu aussi chargé d'histoire que le Père Lachaise et je me promettais de faire ici quelques réflexions inspirées par cette promenade parisienne. Il faisait beau, sans doute l'un des derniers jours d'été, ce qui ne gâte rien : le romantisme a moins de goût sous la pluie.

Pourtant le plaisir escompté s'est mêlé de colère et c'est dans la série des coups de gueule que ce message prendra place. Si la tombe d'Allan Kardec est toujours fleurie et entretenue par les disciples de ses disciples, la conservation de nombre de monuments ou de chapelles funéraires d'avant 1914 laisse plus qu'à désirer. Le calcaire blanc dans lequel la plupart furent réalisés noircit de pollution, les sculptures sont rongées, les vitraux cassés, les portes rouillées et jamais repeintes et si l'on ne voit pas courir de rats entre les concessions, c'est que ces bêtes ont des mœurs nocturnes et que les visiteurs sont obligés aux activités diurnes. Tombes ordinaires que les familles n'entretiennent plus ? C'est parfois vrai, encore qu'elles pourraient fournir à des spécialistes du XIXe siècle la matière d'une bonne centaine de thèses, qu'il s'agisse d'histoire de l'art ou de démographie, de mentalités, si ce n'est d'humour macabre car on en trouve aussi. Mais que la tombe de Balzac, inscrite à l'inventaire, soit depuis des mois entourée d'une barrière de plastique orange comme un chantier sans qu'aucun vrai travail de réfection n'ait eu lieu, ce n'est pas acceptable. Juste en face, la statue de femme enveloppée de voiles qui orne celle de Casimir Delavigne a perdu la main qui tenait la couronne de lauriers. Quant à l'urne qui surmonte la colonne de Gérard de Nerval, sa noirceur galopante en fait plutôt un vase aux poisons !

A côté de Leymarie, disciple de Kardec au dolmen aussi faux que celui du maître mais tout aussi entretenu, on trouve un témoin rare de l'égyptomanie de la Belle Epoque, la tombe Caron, mausolée surmonté d'une tête de pharaon portant l'uræus et qui met un doigt sur ses lèvres comme pour exiger le secret de l'arcane. Mais le premier mort de la famille tomba en 1914, deux autres en 1917, le dernier en 1934 : trop récents pour les mesures de conservation théoriquement prises pour les tombeaux d'avant 1900. Ailleurs, on trouvera une croix retirée d'une tombe et posée à l'envers sur une autre couverte de mousse mais de 1916, des blocs de pierre jetés en vrac sur une troisième de date forcément illisible. Quant à la stèle envahie de végétation derrière sa grille rouillée, elle ne montre plus ni nom ni portrait, on en devine seulement la trace.

Mais la mairie de Paris entretient le cimetière, me dira-t-on : elle rénove... le pavage des allées !

Avant de pousser ce cri, j'ai regardé comment le Père Lachaise apparaît sur la Toile. On trouve de tout, beaucoup d'amoureux du lieu, de résumés historiques, de discussions érudites mais tous les sites ont un point commun : ils présentent des photos bien léchées, des chapelles en bon état au toit juste assez moussu pour induire une nostalgie de bon aloi. Seul le site « Amis et passionnés du Père Lachaise » ose poser (le 17 janvier 2006) un questionnaire sur la protection du lieu. On y apprend nombre de choses intéressantes mais le venin coule aussi entre les lignes... je me permets de le citer ici et de le commenter.

« Le cimetière du Père-Lachaise est soumis à plusieurs mesures légales et réglementaires de protection, tant au titre de l’environnement que de la culture.

La partie la plus ancienne du cimetière, soit environ la moitié de la superficie totale (43,2 ha), est classée comme site remarquable au titre de la loi du 2 mai 1930 sur les Monuments naturels et les sites (arrêté ministériel du 17 décembre 1962)

Ce même périmètre, avec quelques adjonctions et quelques restrictions, est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, pour tous les tombeaux antérieurs à 1900, au titre de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques (arrêté ministériel du 21 mars 1983).

Douze monuments compris ou non dans ce périmètre, ont été classés « Monuments Historiques » au titre de la loi du 31 décembre 1913 précitée (arrêtés ministériels 1983-1995).

L’ensemble crématorium-columbarium a été inscrit à l’inventaire supplémentaire par arrêté ministériel du 17 janvier 1995.

Par ailleurs, deux cahiers des charges applicables aux zones ci-dessus protégées ont été instituées par arrêté municipal du 13 février 1995. »

Notons qu'on ne nous dit rien de ces cahiers des charges : s'agit-il de l'entretien des allées, de la nourriture des chats ou de l'élagage des arbres ? Notons aussi que l'inventaire supplémentaire s'arrête en 1900 alors qu'une bonne part des tombes intéressantes du point de vue artistique ou historique date de la Belle Epoque si ce n'est des années 30. Il faudrait au moins pousser cette inscription jusqu'à la seconde guerre mondiale.

« Le cimetière possède-t-il un plan de gestion comprenant une politique de conservation ou un programme incluant le nettoyage, la restauration et la réparation des stèles et monuments abîmés ou usés par le temps ? Si oui, comment le processus est-il financé et qui fait/supervise le travail ?

Réponse : Les monuments funéraires étant, aux termes de la loi française, des propriétés privées, il appartient légalement aux propriétaires de ces monuments de les entretenir, réparer et restaurer. L’administration des cimetières ne peut intervenir que sur les monuments qui appartiennent à la Ville de Paris.

S’agissant de ces derniers monuments, ils peuvent bénéficier de travaux de restauration décidés et financés par une commission d’Architecture Funéraire créée en 1984 et dotée d’un budget approprié par la Ville de Paris. Les travaux sont ensuite suivis par l’administration des cimetières. »

Foutaise ! La dernière modification de la loi celle du 20 décembre 2008, comporte cet article :

« Art.L. 511-4-1.-Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique.
« Toute personne ayant connaissance de faits révélant l'insécurité d'un monument funéraire est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure prévue aux alinéas suivants.
« Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret, met les personnes titulaires de la concession en demeure de faire, dans un délai déterminé, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au danger ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les monuments mitoyens.
« L'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est notifié aux personnes titulaires de la concession. A défaut de connaître l'adresse actuelle de ces personnes ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune où est situé le cimetière ainsi que par affichage au cimetière.
« Sur le rapport d'un homme de l'art ou des services techniques compétents, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté.
« Lorsque l'arrêté n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure les personnes titulaires de la concession d'y procéder dans le délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois.
« A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande.
« Lorsque la commune se substitue aux personnes titulaires de la concession défaillantes et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais.
« Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux personnes titulaires de la concession défaillantes, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. »

Evidemment, quand rechercher les héritiers demanderait un effort et comme restaurer a un coût, il est plus facile de détruire, oubliant que des tombes anciennes sont un patrimoine irremplaçable. Il est tout de même rageant de voir avec quel zèle on chante la découverte archéologique de tombes anciennes, de l'homme de Tautavel aux Mérovingiens, et avec quelle légèreté on démolit ce qui ne vient que de 3 ou 4 voire 5 générations en arrière. Notons qu'il faut tout de même une ordonnance de référé. Je ne suis pas si sûre que l'on y ait eu recours si souvent pour les destructions du Père Lachaise. On semble préférer l'abandon.

Mais revenons au questionnaire. Je passe sur l'affirmation selon quoi 80% des actes de vandalisme seraient dus aux admirateurs de Jim Morrison. Un point intéressant concerne les nouvelles attributions : « Il n’y a plus d’espace disponible au Père-Lachaise depuis 60 ans. En revanche, la loi permet depuis 1924, de reprendre des concessions anciennes abandonnées ainsi que de ré attribuer ces concessions reprises à de nouveaux bénéficiaires. Cette procédure permet de ré attribuer environ 300 concessions par an en moyenne.

Il n’y a pas de critère particulier pour être enterré au Père-Lachaise. En France, les privilèges funéraires ont été abolis en 1790 et les règles sont les mêmes pour tous. La loi place tous les défunts sur un pied d’égalité, sans considération de fortune, de titres ou de notoriété. Pour être enterré au Père-Lachaise, il faut, soit appartenir à une famille qui y possède déjà une concession, soit être décédé à Paris (sans considération de nationalité ou de domicile), soit domicilié à Paris au moment du décès : dans ces deux derniers cas, l’accueil au Père-Lachaise dépend des disponibilités du moment en fonction des reprises effectuées au cours de l’année. »

Eh oui, mais une concession est tout de même payante et coûte même une somme coquette. On voit ainsi pourquoi la conservation du passé ne vient pas au premier rang des préoccupations.

A la question d'un registre de visiteurs, l'agacement devient sensible : « Réponse : Le cimetière du Père-Lachaise n’est pas un lieu touristique. Sa vocation est d’accueillir des défunts dans un espace funéraire, bien que celui-ci soit ouvert à la promenade publique. Le rôle du personnel du cimetière n’est pas de tenir des statistiques touristiques (il y a des organismes qualifiés pour cela) mais d’enterrer les morts ou de les incinérer au crématorium, de gérer des concessions et des exhumations, d’assurer le bon entretien du site : voirie, espaces communs, propreté, plantations. Pour un cimetière, les visiteurs autres que les familles des défunts et les promeneurs discrets, c’est-à-dire les touristes voyants, sont une gêne car ils dérangent fréquemment tous ceux qui travaillent dans le cimetière à un titre ou à un autre. En outre, ils sont une source de dépense importante alors qu’ils n’apportent aucune recette, contrairement à ce qui se passe dans les musées et les véritables sites touristiques.

Il n’y a donc aucun registre dénombrant les visiteurs car le personnel a d’autres tâches, à commencer par l’accomplissement de ses obligations légales prioritaires.

Les raisons de la visite des touristes sont variables et multiples, depuis la recherche de l’esthétique, de la beauté des lieux et de leur charme romantique et historique, jusqu’à ceux qui s’imaginent se trouver dans un parc de loisirs et pouvoir y commettre des actes délictueux comme si le cimetière était une zone de non-droit. »

C'est moi qui souligne. Cela se passe de commentaire. Depuis 60 ans, on démolit 300 caveaux par an pour revendre l'emplacement et comme on ne peut pas faire payer les visiteurs attirés là par l'art ou l'histoire, on les tolère avec hargne. Mais il y a mieux. Questionnés sur l'existence de plans et sur l'indication possible des tombes de personnalités : « Les défunts étant en vertu de la loi française, tous égaux devant la mort, il n’existe pas de « personnalités » proprement dites dans les cimetières même si la coutume et l’usage ont consacré cette présence et cette catégorie de défunts.

L’administration des cimetières n’ayant pas qualité pour déterminer qui est ou qui n’est pas une « personnalité », elle se contente d’éditer un plan général signalant une centaine de « sépultures parmi les plus demandées » par le public. Deux autres plans, thématiques, sont consacrés aux Monuments de la Déportation ainsi qu’au circuit de la Commune de Paris qui rassemblent des monuments emblématiques. »

Gare aux morts qui n'ont pas la bonne couleur politique ? Quand je parlais de venin... In cauda venenum, comme de juste !


Une rumeur court selon laquelle l'actuel maire de Paris, emporté par son zèle écologiste, aimerait transformer le Père-Lachaise en jardin, utilisant l'espace des 300 démolitions annuelles pour y planter des arbres, ne gardant à terme que les monuments classés. Je n'ai pas pu trouver de confirmation sur Internet. Mais si c'est en projet, j'espère que mon coup de gueule lui donnera un coup de frein.

Un bon petit site pour visiter sans se déplacer, d'autant que les photos sont belles :

http://membres.lycos.fr/blg/index.html

Les miennes seront sans doute moins touristiques.



Thursday, July 30, 2009

Beslan

Des amis m'envoient cette annonce :

ENFANTS DE BESLAN EN FRANCE DU 18 AOUT AU 3 SEPTEMBRE.



16 enfants de 12 à 14 ans (9 filles et 7 garçons), survivants de l'attentat terroriste de Beslan, arriveront à Roissy le 18 août 2009 à 09 heures.

Ils séjourneront pendant deux semaines, dans des colonies de vacances de la Fondation les Enfants du Métro de la RATP ainsi que dans des centres

de vacances du CE de la RATP.

Ils partageront les activités des petits français de leur âge. Ainsi se construit l'Europe de la paix et de la solidarité.

Ils visiteront Paris et participeront aux cérémonies du 5e anniversaire de la tragique prise d'otage de Beslan, qui fit plus de 300 morts, le mardi 1er septembre à 19 heures sur le parvis des Droits de l'Homme au Trocadéro de Paris.



La population parisienne est invitée à venir leur témoigner sa tendresse et sa solidarité.



Dons, adhésions, partenariats, parrainages d'enfants, sont les bienvenus.

Visitez notre site et notre blog.

www.beslan.fr

beslan.hautetfort.com



Christian Maton

Vice Président

Solidarité Enfants de Beslan

06.71.40.79.87

Sunday, June 14, 2009

Un colloque sur l'enfance maltraitée

Une amie me demande de prévenir de l'existence de ce colloque qui lui tient à cœur. Voici donc :

Prévention des violences intrafamiliales,
vers la grande cause nationale en 2010 ?
Législations comparées en France et en Europe





Sous le patronage de M. Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
Avec le parrainage de Madame Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer, de Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé et des Sports,

ainsi que de Maryse Wolinski, journaliste et écrivain.
Avec le soutien de la Région Ile de France



Pour recevoir le programme du colloque au Sénat et s’inscrire (35 Euros) ou pour réserver votre Passeport complet « pièce + colloque » (53 Euros) : ladies.worldwide@laposte.net
Attention : pour des raisons de sécurité, l’entrée au Sénat est nominative, sur inscriptions à l’avance et sur présentation d’une pièce d’identité.



Avant-programme provisoire résumé


(D'autres intervenants pressentis vont nous donner leur réponse, ce programme pourra évoluer au fil du temps).




Samedi 27 juin, matin




9H – Ouverture par la personnalité invitante : M. Philippe Richert, Sénateur du Bas Rhin et Questeur du Sénat.

9H15- Présentation générale de la problématique par Me Laurent Hincker, avocat à Strasbourg et Paris, Président de L’Atelier Européen.



Présentation des 25 associations partenaires par Soria Soria, coach certifiée, journaliste, écrivain, Secrétaire Générale de L’Atelier Européen et Sandrine Porcher, présidente de l'AVIP (Aide aux victimes de violences psychologiques).
L’Atelier Européen, pilote du projet est en partenariat avec les 24 associations suivantes pour le colloque et la pièce de théâtre associée : Ladies Worldwide International Network, AVIP (Aide aux victimes de violences psychologiques), le CFVI (Collectif français des victimes de l’inceste), Femmes 3 000, Club Image, Girls@Work, No Human Toys, LéO & LéA contre l’inconcevable, AVPE, Association pour la protection de l’enfance, Vaincre le silence, Lagoon, SEMAFORCE (SOS Enfants Mamans Force), SOS Les Mamans, SOS Inceste pour revivre (Eva Thomas), Institut pour la Justice (association initiatrice de la pétition à 150 000 signatures sur les dysfonctionnements de la Justice des victimes en France), Le Soleil Blanc, ADCHM (Yvonne Poncet-Bonissol), L’Enfant d’abord, ENDIS 911, Aquero, Association Caldeira, Sophia Théâtre et Innocence en Danger, ONG mondiale de protection de l’enfance reconnue par l’ONU.


Intervention de Madame Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur et de l'Outre-mer (sous réserves de sa disponibilité) ou de l'un de ses représentants.

9H30 – Table ronde : Harcèlement moral et violences dans le milieu familial, bilan et perspectives.



Interventions de :



- Dr Geneviève Reichert-Pagnard, psychiatre, psychanalyste et victimologue, auteur de l'ouvrage de référence "Crimes impunis, Néonta ou l'histoire d'un amour manipulé" chez Prime Fluo Editions (http://www.primefluo-editions.com/ ) : portrait du manipulateur destructeur dans le couple.


- Yvonne Poncet-Bonissol, psychologue clinicienne et psychanalyste, écrivain, présidente de l'ADCHM (Association de défense contre le harcèlement moral): le harcèlement moral dans le milieu familial.


- René Vogel, directeur de l'association Regain : les enfants témoins de violences conjugales, enjeux et répercussions (de nouveaux travaux, pionniers en France).


- Nadine Grandjean, conseillère conjugale, cabinet Raphaël : l'expérience du terrain, peut-on négocier avec un pervers narcissique lors d'une séance de conseil conjugal ?


- Un Juge aux Affaires Familiales (JAF) : le pervers narcissique face à la Justice dans les séparations parentales conflictuelles.




- Me Laurent Hincker, président de L'Atelier Européen : violences psychologiques dans le milieu familial, comparaison des législations en France et en Europe.




- Sous réserves : un responsable des questions concernant la famille au Conseil de l'Europe, un député français de la mission d'étude parlementaire sur les violences conjugales (réforme de la loi de 2006).




Animation de la table ronde : Marie-France Chatin, journaliste à Radio France International.




Débat avec la salle.




Déjeuner libre




Samedi 27 juin après-midi

Et les enfants dans tout cela ? Syndrome de l'alinéation parentale (SAP), expertises et Justice.


14H- La prévention des abus sexuels et des enlèvements d'enfants : M. Fournier, président de l’association ENDIS 911, réalisation et distribution de fascicules de prévention dans les écoles sous forme de bande dessinée interactive, en collaboration avec le ROTARY CLUB et GLENAT PRODUCTION. Parrainé par le Ministère de l’Education Nationale.

14H15 - Présentation générale de la problématique par Me Laurent Hincker.



Intervention de Homayra Sellier, présidente d’Innocence En Danger : les abus sur les enfants, un enjeu de santé publique.



Intervention de Madame Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de la Santé et des Sports (sous réserves de sa disponibilité) ou de l'un de ses représentants.




15H - Paroles de victimes : des adultes, victimes d'inceste dans leur enfance, témoignent.




15H30 - Table ronde SAP, expertises et Justice, avec les interventions de :


- Christel Petit-Collin, psychothérapeute et écrivain : comment se défendre en Justice face à un manipulateur qui veut obtenir la garde exclusive de ses enfants pour profaner l'innocence ?



- Dr Traube, psychiatre suisse, membre d'Innocence En Danger : le Syndrome de l'aliénation parentale, dogme ou réalité ? Théorie et expérience clinique.




- Un criminologue de l'Institut pour la Justice : le traitement pénal des agressions sexuelles sur mineurs et de l'inceste en Justice, faits et chiffres.




- Françoise Storz, anthropologue et travailleuse sociale : l'interdit de l'inceste, de Levi-Strauss à nos jours, pourquoi notre société ne parvient-elle pas à résoudre les cas d'inceste en Justice ? (le comité scientifique du colloque a demandé à Madame Storz de porter à ce sujet sur notre société française un regard objectif et distancié d'anthropologue, comme si nous étions une peuplade étrangère et qu'elle nous observe...).




- Cynthia Fleury, philosophe et enseignant chercheur : violences sur les enfants, les enjeux philosophiques.




- Serge Garde, journaliste et écrivain, auteur du livre "Enquête sur une société qui consomme des enfants" : pédocriminalité et inceste, la complaisance de la société française.




- Un Juge des Enfants témoigne de son expérience quotidienne.




- Sous réserves : un responsable du Traité international du Conseil de l'Europe sur les Abus sexuels envers les enfants, un pédopsychiatre.




Modérateur : Sandrine Porcher, présidente de l'AVIP, chef d'entreprise, psychologue et conseiller prud'homal.


17H- Débat avec la salle.


18H - Synthèse juridique : les juristes, les parlementaires, les psychiatres et les responsables associatifs, qui sont déjà intervenus au cours du colloque, donnent chacun une ou deux propositions phare de réforme concrète ou des pistes de recherche.

Propositions concrètes d’orientations pour une réforme des lois françaises sur les violences conjugales et les abus sur les enfants, car les deux sujets sont reliés.

Cette synthèse, à laquelle participe la salle, donnera lieu à la publication d’un LIVRE BLANC diffusé aux médias et aux pouvoirs publics, dans l’optique de la création d’un Observatoire Européen indépendant sur les violences intra-familiales.

Modérateurs : Sandrine Porcher, conseiller prudhommal, présidente des Ladies et de Femmes 3000 Rhône Alpes, présidente de l’AVIP et Me Laurent Hincker.


19H - Clôture par Me Laurent Hincker.

Repris de :
http://veritelibre.blogspot.com/2009/04/programme-du-colloque-au-senat-le-27.html


Tuesday, June 09, 2009

Impressions de Razès

Ce qui m'a le plus frappée lors de ce voyage de quelques jours en Razès, c'est la verdeur. L'herbe de ce pays sec n'a pas commencé de jaunir et les fleurs poussent à profusion tout comme les fougères sur les pentes qui mènent au pech de Bugarach. J'ai connu des mois de juin plus râpés dans ma Bourgogne natale.

Rennes-les-Bains : un village qui meurt. Toutes les maisons offrent des chambres d'hôtes – mais l'on trouve à loger à l'Hôtel de France sans avoir retenu. L'épicerie fait dépôt de presse mais on n'y trouve ni piles ni bloc pour écrire. S'il n'y avait les passionnés de l'abbé Boudet et quelques randonneurs, de quoi vivraient les gens ? L'agriculture se réduit à presque rien, un peu d'élevage pour la gastronomie. On a du mal à imaginer que ce fut une ville d'eaux courue avec des messieurs en frac et des dames en robe à tournure, des calèches et des mondanités. L'église est fermée, le cimetière terriblement banal. La tombe de l'abbé Jean Vié se délite doucement, celle du vicomte de Fleury, reconstituée à partir de ses deux monuments, fait piètre figure et bientôt l'on ne lira plus les inscriptions qui s'écaillent. Il en est quelques autres des débuts du XXe siècle que Gérard de Sède n'a pas utilisées dans son jeu de piste – sans doute lui semblaient-elles trop tardives malgré leurs décors floraux.
Les eaux n'ont pas du perdre leurs qualités médicinales ; d'où vient que l'activité de cure ait cessé ? Diktat de la Sécu qui répugne de plus en plus à les rembourser, pressions des grandes firmes pharmaceutiques auprès des médecins en faveur des molécules de synthèse, des gélules et des pilules ? Concurrence de la thalasso ? Allez savoir !
L'église est fermée et c'est exceptionnel, semble-t-il, qu'on y dise encore la messe. Les horaires affichés sur la porte renvoient les paroissiens le plus souvent vers Couiza si ce n'est Quillan. Les prêtres romains d'aujourd'hui ressemblent à ceux du IVe siècle qui vivaient en communauté autour de leur évêque et couvraient ou non de vastes terroirs ruraux en plus des villes. Mais quand chaque village avait son curé, au fond, quel était leur travail ? La messe du dimanche avec confessions et vêpres le samedi, une douzaine de mariages à l'an et autant d'enterrements ou de baptêmes. Et le reste du temps ? Rien d'étonnant, avec tant de loisirs, que beaucoup d'entre eux se soient piqués d'érudition, de recherches historiques ou se soient entichés du magnétisme animal et surtout du somnambulisme lucide, de botanique, d'entomologie, d'archéologie. Dans ce contexte, la Vraie Langue Celtique de Boudet ne fait pas tache. Quelles furent les marottes de Jean Vié ? Celles de Saunière au delà de la rumeur de trésor ? A quoi rêvait un curé de campagne ?

Bugarach. Il pleut, il fait froid comme en montagne « du nord », les nuages viennent voiler le roc. Il aurait fallu m'habiller en randonneuse, pas en conférencière, mais baste ! Le colloque de l'ARTBS ne manque pas d'intérêt, simplement de « couloirs » où échanger plus librement, merci la pluie. Je me sens très « pièce rapportée » dans ce milieu castelrennais où tous se connaissent. Et, comme toujours, pas assez de temps pour développer une thématique complexe. Mais il y a la montagne, le pech, présence incontournable comme un appel. Montagne à légendes, habitée de puissances plus archaïques que la tragédie grecque ou l'humour celte. Le rencontrer par un ciel d'orage avant de le voir illuminé, transfiguré par le soleil couchant fut sans doute un privilège : la montagne par beau temps trompe son monde, par mauvais temps raconte ses légendes, ses maléfices et ses élémentaux.

Rennes-le-Château, juste une halte pour un repas en commun, le dernier de ce week-end. Le paysage toujours à couper le souffle. L'église se dégrade de jour en jour, les lieux sauniéresques sont presque inaccessibles mais le village s'enrichit de boutiques « d'art » façon Couvertoirade ou Cité de Carcassonne. On distille aux touristes du Saunière et du trésor au compte-gouttes, à peine de quoi faire rêver, et l'on titille leurs envies de consommateurs. La belle histoire se transforme doucettement en mémoire hameçon – mais où sont les conteurs d'antan ?

Sunday, May 03, 2009

Coup de colère à Saint-Sulpice

Je me trouvais hier dans l'église Saint-Sulpice à Paris. La façade de Servandoni – partie la plus laide à mon sens – est en réfection. Tant mieux. Il faut dire qu'elle menaçait depuis 1999 de tomber par morceaux sur la tête des passants et que ça fait désordre. Mais une fois à l'intérieur, on ne peut qu'osciller entre tristesse et colère. En dehors des peintures de Delacroix et de celles d'Abel de Pujols consacrées à la vie de saint Roch qui ont été nettoyées et sont à peu près correctement éclairées, les autres chapelles restent plongées dans l'obscurité, de larges pans des fresques s'écaillent et l'enduit même qui les soutient disparaît. Le site officiel de la paroisse reflète cet abandon.

http://www.paroisse-saint-sulpice-paris.org/visite.aspx

Il mentionne comme « intéressants » la nef, « avec la chaire et l'autel », le gnomon dit aussi méridienne et que les ignares prennent pour un méridien matérialisé, la chapelle de la Vierge tout au fond, « avec une statue de Jean-Baptiste Pigalle, la sacristie et ses boiseries Louis XV, les peintures de Delacroix et le grand orgue de Cavaillé-Coll. Foin du reste ! Un Signol, un Emile Bin, c'est de la « peinture académique », n'est-ce pas, avec tout le mépris dont les cuistres de notre temps sont capables dès qu'il est question du XIXe siècle, surtout du second empire.

Wikipedia, plus ouverte, signale au moins les fresques de Victor Mottez, un élève d'Ingres, consacrées à saint Martin, les quatre Signol du transept et le décor de la chapelle de Saint-François-Xavier, peint en 1859 par Jacques-Emile Lafon. Il cite aussi Pigalle pour les bénitiers qui nous feraient croire Paris en bord de mer. Faut-il ajouter que Maurice Denis considérait « inoubliables » les fresques de Mottez à Saint-Sulpice ? Seule la couche de crasse qui les recouvre aujourd'hui reste dans la mémoire du visiteur, si même il les a remarquées.

Toutes ces fresques, et j'en oublie, furent des commandes d'Etat dans le cadre du concordat. Elles devinrent plus encore ses « pupilles » lors de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Qui donc a sculpté la pietà ? Dans celle des sacristies qui ne se visite pas, il y aurait des tableaux du XVIIe et du XVIIIe siècle. Au moins ne risquent-ils pas trop de s'abîmer dans une pièce sèche et close. Mais le baiser de Judas de Signol que je retrouve à chaque fois plus écaillé dans les hauteurs ? Mais les vitraux dont les verres peints se brisent et qu'on remplace par de la vitre de bazar ?

Cette église a vu passer sous ses voûtes saint François de Sales, saint Vincent de Paul et sa disciple Louise de Marillac, Louis-Marie Grignon de Montfort, Jean Eudes et tant d'autres. Le séminaire créé par Olier a connu un rayonnement mondial. Dans son Journal de guerre, Ernst Jünger en parle à plusieurs reprises pour dire son étonnement devant la qualité du lieu, sa capacité à porter la prière et le mystère profond de l'être.

Qu'on ne me dise pas qu'elle n'est pas classée ! Alors que font les Monuments Historiques ? Pourquoi exposer de temps à autre des œuvres contemporaines discutables, ce qui coûte cher en général, si c'est pour laisser se détruire le patrimoine existant ? A quoi utilise-t-on nos impôts si l'on n'est pas fichu de faire au moins les interventions d'urgence ?

Vous avez dit coup de colère ?

Monday, April 20, 2009

Salon du livre de Genève

Reçu des éditions Xénia :

Les éditions Xenia seront présentes au Salon du Livre de Genève 2009 avec des auteurs et des publications qui ont largement contribué à l'actualité du livre en Suisse et au-delà durant l'année écoulée.
Ce sera aussi l'occasion de présenter les deux nouveautés du mois: le très attendu
Alcatraz numérique
de Sébastien Fanti ainsi que le livre surprenant et dévastateur de Gabriel Fuchs,
La Comédie du Management.

Stand Xenia: E 721-zone 10 (diffusion OLF)
.
Des invitations sont encore disponibles en nombre limité. Pour les obtenir, il suffit de nous écrire (info@editions-xenia.com) ou de nous appeler (+41 21 921 85 05).



Donc, si j'ai des lecteurs suisses ou frontaliers, je ne saurais trop leur suggérer de se rendre sur ce stand.

Sunday, March 29, 2009

Des bandes d'adolescents et de leur bon usage

Après les violences du lycée de Gagny, notre présidenticule eut une idée aussi géniale que médiatique : une loi qui punirait de trois ans de prison l'appartenance à une bande créée dans l'intention de nuire aux biens et aux personnes. Bravo ! Mes amis avocats apprécieront les belles occasions de plaidoirie que cette mesure ne manquera pas de leur offrir. La preuve juridique de l'appartenance à un groupe informel et celle des buts qu'une telle association poursuit promet de superbes empoignades juridiques et l'on peut déjà subodorer qu'une institution au moins en France ne sera pas touchée par le chômage : la cour de cassation. Je commente peu l'actualité dans ce blog mais il arrive qu'un excès de bêtise me fasse sortir de mes gonds. Que Nicolas Sarkozy compense sa petite taille par une enflure d'égo qui confine au gigantisme, qu'il se ridiculise autant qu'il communique, c'est son problème et la France en a supporté d'autres sans se disloquer ; ce n'est pas ce qui provoque mon ire. Pour la politique quotidienne, voilà bien longtemps que je ne me reconnais que dans le Parti d'en rire fondé par l'immortel Pierre Dac. Non, c'est sur le fond que le bât blesse, la criminalisation de l'appartenance à une bande. Il existait déjà tout un arsenal législatif visant le crime organisé, arsenal que l'on pouvait ressortir du placard pour les mafias contemporaines. Un nouveau texte ne s'imposait guère dans la lutte contre les violences urbaines.

Les bandes de jeunes mâles semblent un phénomène universel, transculturel en tout cas, attesté dès la plus haute antiquité. Sans doute remonte-t-il à l'invention de la chasse en groupe par homo erectus, précédant même notre humanité. La plupart des civilisations l'ont reconnu, encadré, lui ont trouvé quelque utilité en général guerrière, parfois idéologique comme les gardes rouges de Mao, en ont fait un rite de passage ou lui ont donné une structure éducative, pensons au scoutisme de Baden Powell. Cela dure quelques années jusqu'à ce que les jeunes gens se marient et prennent leur place dans le monde adulte. Le phénomène, de plus, semble exclusivement mâle. Si une fille se mêle à une bande, c'est qu'elle la commande. Mâle et hiérarchisé. On retrouve toujours une structure de type militaire : un chef, ses adjoints et la piétaille. A se demander si ce n'est pas un vieux reste de socialisation animale qui revient temporairement avec la puberté des garçons.
Une de ces bandes de jeunes mâles trouve place dans la mythologie de l'Inde védique : ce sont les Marut dont le nom signifie « brillants, immortels », fils du taureau Rudra, puissance de la tempête qui rugit et dévaste le monde, et de la vache Prishni selon la plupart des variantes, compagnons d'Indra. Dans une version du Mahâbhârata, leurs noms témoignent d'un humour certain, peut-être aussi d'une bonne connaissance des sobriquets que se donnent les jeunes puisqu'ils se nomment Mrigavyadha, Tueur de Biches, Sarpa, Serpent, Nirriti, Malchance, Ajaekapada, Bouc à un seul pied, Ahirbhudnya, Serpent de mer, Pinakin, Archer, Dahana, Incendiaire, Ishvara, Seigneur, Kapali, Porteur de crânes, Sthanum, Arbre sec et Bhaga, Fortuné. Lucien Febvre, dans un compte-rendu pour les Annales (1951, vol 6 n°3) d'un article de Dumézil, « Les Archanges de Zoroastre et les rois romains de Cicéron », décrit Indra comme la force brute « d'où résulte victoire, butin, puissance » et poursuit : « Un brillant et bruyant cortège, celui des Marut, est la projection mythique dans l'atmosphère de ces sociétés de jeunes guerriers dont nous connaissons l'existence réelle dans le monde indo-iranien. »
On retrouve ces sociétés de jeunes guerriers chez les Burnyas de Nouvelle-Guinée où ils deviennent les « chiens » d'un héros magique, l'aoulatta, comme chez les Indiens des Plaines, Cheyennes, Arapahos, Lakotas ou Pieds-Noirs. Curieusement, chez les Cheyennes, la plus célèbre des sociétés de jeunes guerriers était celle des Hotaminio, ce qui signifie soldats chiens. Et comment ne pas penser alors à Cuchulain, le Chien de Culan, héros par excellence de la mythologie irlandaise ? Pourquoi les chiens, même si nous comprenons bien qu'il s'agit de ces bêtes hargneuses qui montent la garde et que l'on peut lancer contre des agresseurs ? Le chien, tout comme le loup, autre canidé, chasse en meute.
Sans même parler des classes d'âge africaines, toutes les civilisations semblent avoir prévu et encadré par des rites et des appels à l'excellence la grégarité de l'adolescence des garçons. Même la Grèce antique les regroupait dans des chœurs et des équipes de gymnastes. La constitution de bandes « sauvages » que nous observons tant aux Etats-Unis qu'en Europe aujourd'hui témoigne d'un manque criant, celui de rites de passage entre l'enfance et l'âge adulte, d'initiations réelles que les adolescents pourraient reconnaître comme telles. Jusqu'à son abolition, le service militaire a joué ce rôle en France républicaine, bien que son institution ait répondu à de tout autres préoccupations, ce qui a d'ailleurs empêché de reconnaître officiellement son importance réelle. On pourrait gloser à l'infini sur les illusions idéologiques et les intérêts financiers à courte vue qui nous ont amenés là. Il me semble surtout urgent de combler ce manque.

Sunday, March 15, 2009

Naissance d'un mythe

Puisque ce n'est plus la saison et que je n'ai pas envie de donner dans le marronnier de printemps qui occupe deux de nos hebdomadaires, à savoir l'influence des « frangins » sur la politique française, il me semble temps de m'interroger sur le Père Noël. Pourquoi ce personnage né de la presse anglo-saxonne et de la publicité pour Coca-Cola est-il devenu une véritable figure mythique, le centre d'un mythe auquel personne ne « croit » à la façon d'un dogme mais que chacun alimente ne serait-ce que de caricatures ?
Prenons sa filiation avec saint Nicolas, évêque de Myre. Il ne s'agit que du légendaire tardif et purement occidental de ce saint homme, le conte des trois enfants dans le saloir, conte qui ne saurait guère remonter au delà des famines qui suivirent la Grande Peste. Mais c'est bien cette histoire qui justifie les cadeaux faits aux enfants, au moins les bonshommes de pain d'épices qui, eux aussi, suggèrent de dater cette coutume du XVe siècle. Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Lorraine, Allemagne, Autriche, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Suisse et Croatie : le territoire de saint Nicolas s'identifie à celui du Saint-Empire Romain Germanique. Les reliques du saint évêque parvinrent en Francia Orientalis au Xe siècle mais ce n'est qu'au XIIe qu'il devint le protecteur des enfants et distributeur de friandises et plus tardivement encore qu'il se vit accompagner d'un personnage négatif, punitif, le Père Fouettard.
Avant de nous intéresser à la transformation tardive de ce couple hivernal dans les pays anglo-saxons, il convient de l'examiner plus avant. L'iconographie populaire de saint Nicolas le revêt d'une cape épiscopale rouge à parements d'or et d'une mitre de même couleur sur une aube blanche, couleurs qui perdureront dans le costume du Père Noël. Certains folkloristes ont pensé à une métamorphose d'Odin mais le vieux borgne porte un manteau bleu, de ce bleu profond du ciel qui s'assombrit avant la nuit tandis que S. Nicolas arbore les couleurs de l'aurore. A moins que ce ne soit du crépuscule. Le 6 décembre, on aurait pu songer à quelque puissance lumineuse des hautes latitudes, lorsque le jour se réduit à une aube suivie de crépuscule avant la nuit polaire. Mais le territoire que parcourt le saint évêque juché sur sa mule est plus au sud. Son accompagnateur, le Père Fouettard en Lorraine, porte en Autriche et en Bavière le nom de Krampus, crochet1, en Allemagne celui de Ruprecht ou Knechtruprecht2, en Alsace celui de Hans Trapp3, tandis qu'il devient Zwarte Piet, Pierre le noir, aux Pays-Bas où il porte visage noir et costume soit noir et blanc soit bigarré4 et Schmutzli, bouseux, dans les cantons suisses. Impossible de ne pas rapprocher Zwarte Piet de tous les récits hagiographiques où les démons apparaissent sous forme de petits hommes noirs, d' « Ethiopiens ». Traditionnellement, S. Nicolas apporte pains d'épice ou sucres d'orge, tandis que son compère n'offre dans son sac que charbon, cendres ou pommes de terre. Autant l'évêque symbolise l'abondance sans laquelle il n'est pas de friandises, autant son valet semble représenter la misère si ce n'est la famine. Pourtant, son fouet met une note d'espoir paradoxale : Zwarte Piet apparaît au moment où, dans le Frioul, les Benandanti vivent des rêves rituels de combat contre les sorciers stérilisant la nature qu'ils chassent en les fustigeant de branches de fenouil. On sait que les cas frioulans étudiés par Carlo Ginzburg ne sont que la partie émergée d'un iceberg beaucoup plus vaste et qui semble aussi s'être répandu au moins sur l'Europe centrale sinon sur l'ensemble du Saint-Empire. Ils opéraient aux Quatre Temps donc, pour la période qui nous intéresse, entre le troisième et le quatrième dimanches de l'Avent, donc aux alentours de la mi décembre. Nous sommes toujours dans la période préparatoire au solstice d'hiver, lorsque la nuit devient si pesante qu'il faut l'illuminer de fêtes et raviver la fécondité du monde.
Au début du XVIIe siècle, lorsque les Hollandais s'installèrent en Amérique du Nord et fondèrent la ville de Nieuw Amsterdam qui deviendrait New York en 1664 à l'arrivée des Anglais, les colons acclimatèrent leur folklore et saint Nicolas, Sinta Klaas, finit aussi par s'angliciser en Santa Claus. Lors de cette anglicisation, il perdit sa date de fête au profit du 24 décembre. En 1821, il allait perdre le dernier lien qui le rattachait au saint évêque de Myre et devenir Father Christmas, le Père Noël, dans un conte écrit par le pasteur Clément Clarke Moore dont on peut supposer qu'il n'appréciait pas ce résidu de papisme ! Il perdit aussi sa mule traditionnelle au profit d'un traîneau tiré par huit rennes. En 1860, le dessinateur Thomas Nast lui donna un costume rouge bordé de fourrure blanche, un long manteau remplaçant la chasuble liturgique puis en 1931, lors d'une publicité pour Coca-Cola, Haddon Sundblom le vêtait d'une tunique et d'un pantalon rouges inspirés du costume traditionnel des Inuits. En 1939 enfin, dans un conte de Robert L. May, les huit rennes deviennent neuf, attelage guidé par Rudolf au nez rouge lumineux. Notons au passage que ce renne lanterne (en attendant d'être simplement enrhumé) rappelle par son nom le valet Ruprecht5.
Et le mythe a pris corps. Avec sa fabrique de jouets où s'affairent les lutins au pôle Nord, le Père Noël a phagocyté Julenisse, le lutin des fermes norvégiennes qui portait les cadeaux aux enfants à l'approche de Jul, la fête solsticiale. Il faut dire que ce gnome changeur de forme en avait déjà tous les attributs, il suffisait de teindre son costume en rouge, ce qui fut fait en 1881. Lui même avait remplacé la chèvre de Jul, donneuse de présents plus traditionnelle et plus ambiguë puisque elle eut d'abord un rôle de croquemitaine, encore assumé au XVIIe siècle où les fermiers se déguisaient avec un masque et une peau de bouc pour effrayer leurs voisins, particulièrement les enfants. Ce n'est qu'au XIXe, encore le XIXe, qu'elle devint débonnaire et porteuse d'abondance.
Depuis le début de cet article, nous tournons autour d'une opposition abondance/famine où la fête propitiatoire vient nier ou euphémiser la nuit hivernale. Au solstice, selon ce que furent les moissons et les récoltes, les paysans savaient s'ils pourraient ou non passer l'hiver mais aussi qu'il fallait que la jeunesse le passe, sous peine de n'avoir plus d'avenir collectif. A la fin du XIXe siècle où la famine semble un spectre du passé, la fête change. Elle s'oppose toujours à la nuit et à l'ennui mais on éloigne la part d'ombre et Ruprecht le fouettard devient Rudolf le guide aux clochettes tintinnabulantes. Pourtant, derrière l'euphémisation du traîneau rempli de jouets et de sucreries, c'est peut-être encore la chasse gallerye qui parcourt les cieux obscurs. Au fond, le Père Noël n'a pris que parce qu'il se nourrit aux racines les plus profondes des mythes germaniques et, par delà, des cultes du néolithique dont nous ne connaissons plus que quelques figures comme le bouquetin, le loup ou le géant6.
Même euphémisé jusqu'à la niaiserie parfois, laquelle appelle la dérision, ce retour aux sources les plus archaïques ne laisse pas d'inquiéter comme un signe d'une angoisse collective latente plus profonde qu'on ne veut bien le dire. On ne fête jamais tant l'abondance que dans la sourde peur du manque. Le décor des illustrations de ce Noël païen, de ce Nouveau Soleil qui ne dépasse pas l'aurore, notons le, est passéiste. Ce ne sont que villages aux maisonnettes pimpantes, villages sans pauvres et sans ruines où toutes les cheminées fument, où tous les intérieurs respirent l'aisance cossue plutôt que le luxe. En d'autres termes, c'est le monde paysan idéalisé dont sont nostalgiques les adeptes de la décroissance, un monde qui déjà commençait de disparaître lorsque l'on imprimait les premières cartes de vœux.
Il reste que le Père Noël s'oppose de manière presque frontale au Noël chrétien. La hotte pleine de jouets exalte l'abondance quand on est censé fêter la naissance de l'enfant Dieu dans une grotte servant d'étable, couché sur la paille d'une mangeoire, pauvre parmi les pauvres au moins pour cette nuit. Aux esprits de la nature que sont les lutins répliquent les puissances célestes, les anges. Au thème du feu que rappelle, outre la couleur rouge de ses vêtements, le passage du Père Noël par la cheminée répond dans l'icône et le légendaire de la nativité celui de l'eau contenue dans une sorte de grande coupe où la sage-femme va baigner le nouveau-né. On peut penser que cette opposition traduit le caractère consumériste de notre temps mais allons plus loin. Les rites de fêtes et de cadeaux solsticiaux n'ont pas cessé avec la christianisation de l'Europe mais, dans la mesure où l'équilibre était gardé entre abondance et crainte de la pauvreté, récompense des efforts et sanction des abandons intérieurs, cette opposition frontale avec le Noël chrétien n'existait pas. Il s'agissait plutôt, plongeant aux mémoires archaïques, d'une sorte d'anticipation eschatologique de la fin des temps. Ce n'est qu'avec l'euphémisation systématique et la négation forcée de l'angoisse nocturne que cette opposition se fait jour. Elle devrait nous alerter. Le Père Noël déverse sa hotte de jouets sur les enfants mais on oublie le miracle de la naissance. C'est une abondance d'où la fertilité est exclue. Et, avec la fertilité, l'avenir ?

1.On reconnaîtra sa transposition dans le célèbre pirate qui capture les enfants dans le conte de Peter Pan.

2.Ruprecht, c'est le même nom que Robert ou Rupert, de Hrodberht (hrod = gloire + berht = brillant). On traduirait normalement par lumière de gloire, cf. le xvarnah iranien. Quant à knecht qui signifie valet, il faut l'entendre au sens médiéval de valet d'armes. Ce valet porte les mêmes attributs que l'évêque, comme s'ils étaient les deux faces d'un même être.

3.Il s'agirait du fantôme d'un seigneur réel nommé Hans von Trotha. mais on peut aussi penser à un dérivé du moyen-haut-allemand trappe, niais.

4.On a évoqué plusieurs explications évhéméristes à l'apparition du Père Fouettard au XVIe siècle, comme le souvenir d'un seigneur alsacien cruel, du siège de Metz par Charles-Quint brûlé en effigie, de serviteurs maures abandonnés sur place lors du retrait des Espagnols à l'indépendance des Pays-Bas. Ce ne sont bien entendu que des rationalisations après coup.

5.Rudolf vient de Hrod, gloire et de Wolf, loup. C'est donc un loup de lumière, avec la même ambiguïté que l'Apollon de Délos.

6.Voir la série d'articles que j'ai écrits en collaboration avec Pascal Pastor et publiés dans Liber Mirabilis, en particulier « Le genou gauche de l'initié ».


Thursday, February 26, 2009

En douce France, on n'est plus à un scandale près...

Louis Dalmas, président de l'association Vérité et Justice et directeur du mensuel B.I. me prie de diffuser largement ce qui suit :

A la suite d’un concours organisé par la Société de l’amitié serbo-russe pour les enfants

serbes du Kosovo âgés de 7 à 14 ans, un album de 230 de leurs dessins, choisis parmi des

centaines de contributions, a été publié par le groupe de presse belgradois Vecernje Novosti.

Ces dessins sont particulièrement émouvants car ils ne représentent que bombardements,

incendies, pillages, enceintes de barbelés et armes en tous genres. La vision du monde d’une

génération entière traumatisée par la guerre et la haine ethnique.

Notre association “Vérité et Justice”, fondée en 2003, a sélectionné 50 de ces dessins et a

conçu le projet d’en faire une exposition destinée à sensibiliser le public français sur la

situation de ces enfants qui vivent dans de véritables ghettos, en butte aux exactions d’un

entourage décidé à effacer toute trace de présence serbe dans la région, et à leur procurer

quelques ressources supplémentaires dont ils ont grand besoin.

Nous avons été rejoints dans la réalisation de ce projet par l’association “Solidarité-Kosovo”

qui organise depuis des années des distributions de secours et de cadeaux aux enfants dans les

enclaves serbes du Kosovo, et en est à sa huitième mission sur le terrain.

Le projet d’exposition est donc, par sa nature même, exclusivement humanitaire et caritatif.

Par lettre du 13 janvier 2009, accompagnée du dossier complet à remplir, le Directeur général

de la mairie du XVIIe arrondissement de Paris, M. Pierre Bourriaud, nous a confirmé la

concession de la salle des fêtes de la mairie pour deux journées, les 20 et 21 février 2009, au

cours desquelles devaient avoir lieu :

1) le vendredi 20 après-midi et soir, le vernissage de l’exposition et deux comptes rendus

illustrés de projections des voyages caritatifs effectués sur place ;

2) le samedi 21 toute la journée, la signature de leurs ouvrages par treize auteurs, dont

des personnalités comme Me Roland Dumas ou Me Jacques Vergès.

Par la suite, Mme Joelle Racary, représentante de Mme le Maire Brigitte Kuster, nous a

indiqué que la mairie consentait à ce que l’exposition des dessins se tienne dans le hall du 1er

étage du 16 au 28 février 2009. Elle nous a autorisé officiellement à accrocher à l’entrée de la

mairie deux “kakemonos” (grandes affiches de 2 m 50 de haut et de 1 m de large) annonçant

cette exposition ; elle s’est engagée à mettre à la disposition du public des “flyers” (tracts)

reproduisant cette annonce et donnant le programme des deux journées de rencontres ; elle

nous a indiqué que l’accrochage des 50 dessins pouvait se faire dès le vendredi 13 février.

Tout cela a été réalisé comme prévu sous son contrôle et avec son accord.

Sur la foi de ces engagements, nous avons procédé de plus à des dépenses et entrepris une

importante campagne de promotion.

Dépenses. Nous avons fait reproduire les 51 dessins aux dimensions requises pour

l’exposition, nous les avons fait encadrer sous verre, nous avons fait imprimer le matériel

d’information (kakemonos, flyers, cartes postales, invitations, etc.), nous avons passé

commande des boissons et amuse-gueules pour le buffet du vernissage, nous nous sommes

assurés le travail d’un professionnel des relations publiques, etc.

Promotion. 2.500 journalistes ont été informés par e-mail de la tenue de l’exposition.

L’annonce a été reproduite sur de nombreux sites internet. Les 1.770 abonnés du journal B. I.

ont été avertis et un certain nombre d’entre eux projettent de venir de province pour visiter

l’exposition. 72 invitations individuelles ont été envoyées à des personnalités de la

diplomatie, de la politique ou des médias, parmi lesquelles les ambassadeurs de 36 pays. Les

flyers ont été distribués en différents endroits et déposés dans plusieurs librairies. Les éditeurs

des treize auteurs ont été prévenus, et les dispositions ont été prises pour la livraison des livres

le vendredi après-midi.

A la demande de Mme Racary, parlant au nom de Mme le Maire, nous avons supprimé deux

panneaux qui situaient l’exposition, au strict niveau des faits, dans le contexte historique et

actuel du Kosovo, un panneau de présentation de l’association “Vérité et Justice” qui ne

faisait que mentionner la publication des trois livres des éditions du Verjus, et un dessin

d’enfant représentant un soldat de la KFOR tenant en laisse la colombe de la paix. La raison

invoquée était que ces éléments “politisaient” la manifestation. En les supprimant, nous

avons prouvé notre accord avec le maintien de l’exposition au strict niveau caritatif.

Le 16 février, un coup de téléphone de Mme Racary nous annonçait que Mme Brigitte Kuster

interdisait l’exposition et exigeait le décrochage immédiat des dessins et le retrait des

annonces. Cette scandaleuse décision – aux conséquences extrêmement dommageables – a été

confirmée par une lettre officielle en date du 16 février. Elle témoigne du racisme antiserbe de

Mme le Maire du XVIIe arrondissement de Paris et de son mépris pour les souffrances que

cette exposition humanitaire s’efforçait de soulager