Saturday, May 05, 2012

Une toute petite objection...

Je n'ai pas envie de commenter ici la campagne électorale d'un point de vue politicien, cela n'a jamais été la vocation de ce blog, mais il faut avouer que, dans le feu du discours (même écrit à l'avance par des "plumes"), les vedettes de la politiques en sortent souvent de plus grosses qu'eux. La dernière en date qui a fort esbaudi l'historienne des religions que je suis encore, malgré tout, nous vient du sieur Mélanchon affirmant que "le premier mai a toujours été rouge".
Toujours ? Nous ne devons pas avoir le même sens du long terme. Parce qu'enfin, avant les grèves, les défilés ouvriers et autres grondements de foules, le premier mai s'est nommé Beltaine : l'une des 4 fêtes celtiques majeures, porte de l'été comme Samain, au premier novembre ouvrait sur l'hiver. Et si l’Église romaine n'a jamais tenté de la christianiser comme elle avait fait des trois autres, Samain devenant la Toussaint en gardant le sens des retrouvailles avec les ancêtres, Imbolc au 2 février se transformant en Chandeleur et Lugnasad au début août en fête de la Transfiguration, la coutume des villages fut longtemps que les jeunes gens plantent un arbre en l'honneur des jeunes filles nubiles, de celles qui deviendraient leurs épouses et les mères de leurs enfants. Comme à Samain, il s'agissait de célébrer la continuité des générations en laquelle s'enracine un peuple mais en se tournant vers l'avenir, l'espérance de fécondité, la joie de vivre et de fonder ce qui nous survivra.
Pourquoi Beltaine n'a-t-elle pas été christianisée en occident ? Pourquoi même a-t-elle fait l'objet de méfiances et d'une véritable inversion de sens avec le folklore germanique de la nuit de Walpurgis ? Puissante question, pour laquelle j'ai des pistes de réflexion mais pas encore de solution.
L'une de ces pistes serait le double emploi avec la fête mobile de Pâques et sa signification eschatologique. Il semble difficile de bénir la simple continuité familiale alors que l'on vient d'entrevoir, au travers de la résurrection, le renouvellement de toute chose, la recréation de l'univers. Une autre tient au primat donné à la virginité sur le mariage par les moines à la suite de l'apôtre Paul et, il faut l'avouer, des philosophes néoplatoniciens. Faire du mois de mai celui de la Vierge et y interdire le mariage -- ce qui revient à prolonger une forme de carême jusqu'à Pentecôte et même parfois au delà -- c'est affirmer une autre fécondité que celle des corps et des cultures, à tous les sens du mot culture. Ces éléments de réponse ne suffisent pas à expliquer l'absence de christianisation officielle alors que la coutume populaire se maintenait vivace.
Ce que j'accorderais toutefois à monsieur Mélanchon, c'est que depuis la révolution française, les plus enragés jacobins ou montagnards et leurs successeurs marxistes ont tenté régulièrement de s'emparer de cette fête et d'en détourner le sens par un glissement étonnant de la fécondité à la violence, des rites de passage à l'âge adulte et de la continuité des paternités au meurtre au moins symbolique du père, du sang des noces à celui des guillotines.
Que l'on me pardonne: je préfère Beltaine.