Wednesday, August 27, 2014

Tradition, tradition…


Enfin, je suis parvenue à lire jusqu’au bout deux ouvrages de Parvulesco, La spirale prophétique et Le retour des grands temps ; jusqu’ici, sa prose me tombait des mains tant son style grandiloquent si ce n’est ampoulé me repoussait. Quel contraste avec la sobriété d’un Guénon ou la phrase incisive d’un Julius Evola, pour ne citer que d’autres chantres de la tradition ! Ce qui m’a permis de passer outre, c’est de me souvenir que le français n’était pas sa langue maternelle, qu’il avait dans l’enfance parlé roumain, pensé en roumain ; or on retrouve cette même tentation des périodes et des effets de toge chez d’autres auteurs exilés comme Mircea Eliade, Ioan Couliano voire Cioran, même si Parvulesco la pousse à l’extrême. Puis j’ai retrouvé dans un recoin de ma bibliothèque un autre livre que je n’avais pas ouvert, L’astrologie et le destin de l’occident, de Didier Hadès. Saines lectures, diront certains de mes amis ; lectures, surtout, qui me ramènent à la question des cycles, de ces quatre âges que l’on trouve aussi bien dans les Upanishad que chez Hésiode ou dans le Livre de Daniel. A ma connaissance, ce sont les seules occurrences de cette doctrine quaternaire. Les Amérindiens comptent cinq étapes ou « soleils », le mythe germano-scandinave prédit une fin dramatique et une recréation du monde, tout comme l’eschatologie chrétienne et, dans ce dernier cadre, l’Apocalypse de Jean la rythme par septénaires calqués sur le Poème de la création en Genèse1. Mais ce soir, ce sont les quatre âges que j’aimerais explorer en dehors de toute polémique.

Hadès fait remarquer une chose intéressante : « Si l’on représente l’ensemble du Manvantara par le nombre 100, nous avons : âge d’or 40 ; âge d’argent 30 ; âge d’airain 20 ; âge de fer 10. » En d’autres termes, chaque âge représente une fraction du précédent et si l’âge d’or valait 1, l’âge d’argent en serait les ¾ ; puis l’airain serait les 2/3 de l’argent, le fer ½ de l’airain. Il y a là comme l’amorce d’une gamme musicale pythagoricienne : par rapport à la fondamentale que serait l’âge d’or, l’airain représente l’octave, le fer l’octave encore supérieure. On pourrait même admettre un accord de quarte, 4/3, entre l’âge d’or et l’âge d’argent considéré à son tour comme fondamentale et une quinte (3/2) entre l’argent et la fondamentale de l’airain. Le fer, quoi qu’on fasse, ne vibrera qu’à l’octave de l’airain, à l’octave encore supérieur de l’or, sauf si on le rapporte à l’âge d’argent, où il apparaît comme Sol par rapport au Do de l’octave précédente – du précédent « Manvantara » ? Si on l’envisage ainsi comme musique cosmique, on voit que le jeu des résonances est plus complexe qu’il n’y paraissait au premier abord. Juste un point à rectifier, avant de continuer nos réflexions : Hadès confond le Manvantara avec le Mahâyuga ou ensemble des 4 âges qui vaut, nous dit-on, 4 320 000 années solaires ; il faut compter 71 de ces tours d’horloge cosmique pour obtenir un Manvantara de 306 720 000 années solaires. Même s’il s’agit d’années sidérales plutôt que tropiques, quand on jongle avec les millions d’années, on est vite rejoint par les incertitudes de la paléontologie. On trouve tout de même quelques coïncidences intéressantes. 8 mahâyugas font 34 560 000 ans, c’est le moment où, du fait de la dérive des continents, l’Eurasie apparaît sous la forme d’un croissant ; elle est totalement réunie il y a 4 mahâyugas ; et il y a 2 mahâyugas, l’Afrique vient la lester et les îles de l’ouest forment la péninsule ibérique ; mieux, c’est le début de l’émergence de l’Amérique centrale. Au début de notre mahâyuga, on voit selon les paléontologues la « radiation des australopithèques » qui couvrent l’Afrique avant de laisser place aux espèces proprement humaines dont on commence à voir qu’elles sont apparentées de plus près qu’on ne le croyait il y a encore dix ans. Ce qui, entre parenthèses, repose la question du Sphinx et des conciles réunis : qu’est-ce que l’homme ?

Si ces chiffres ont quelque pertinence, ils donnent pour les 4 âges des durées tout aussi intéressantes :
Or ou Krita yuga : 1 728 000 ans
Argent ou Trêta yuga : 1 296 000 ans
Airain ou Dvâpara yuga : 864 000 ans
Fer ou Kali yuga : 432 000 ans.
En d’autres termes, le Kali yuga aurait commencé avant l’apparition de l’homme moderne que les paléontologues fixent aux environs de 100 000 ans BP. Si nous sommes, comme le croient nombre de spiritualistes, à la fin de cet âge, il aurait commencé avec Néandertal, voire même avant. Or, la domestication du feu apparaît vers 500 000 ans BP. C’est dire que toute civilisation proprement humaine se placerait à l’intérieur du Kali yuga. De quoi conforter les écologistes radicaux qui voient dans l’homme le fléau de la planète ! L’âge d’airain nous mènerait vers 1 296 000 ans BP, soit à l’époque où coexistent Homo Ergaster et Homo Habilis. 
Il est impossible d’opérer une transposition exacte entre les nombres traditionnels indiens et les datations des paléontologues, ne serait-ce que parce que ces dernières sont approximatives et représentent surtout un ordre de grandeur, compte tenu des marges d’erreur des différentes mesures (C14, comparaison des strates géologiques, carottages, etc.) mais on voit que cette musique du temps garde sa pertinence lorsqu’on la confronte aux traces du lointain passé.
Il est tout aussi évident qu’Hésiode, en donnant à ses âges le nom des métaux dans l’ordre de leur découverte nous parle d’une période beaucoup plus réduite. Or les philosophes hindous ont toujours affirmé que ce schéma cyclique était fractal et que l’on retrouve en chacun des yugas la même division inégale en 4 temps. Alors tentons un calcul et une interprétation.

Ce Kali yuga qui aurait commencé avec la domestication du feu se subdiviserait en 4 âges civilisationnels dont les durées serait encore proportionnelles :
Petit Krita : 172 800 ans
Petit Trêta : 129 600 ans
Petit Dvâpara : 86 400 ans
Petit Kali : 43 200 ans
L’homme dit moderne, biologiquement s’entend, commence à s’exprimer culturellement au début du petit Dvâpara, mais nous ne disposons encore que d’ossements et de silex taillés. Mais cela correspond, vers 100 000 ans BP, date très approximative, à une extinction massive puisqu’il n’a du rester que 2000 hommes sur toute la planète, selon Lynn Jorde, généticien à l'Ecole de Médecine et Henry Harpending, anthropologue, tous deux à l'Université d'Utah. Stanley Ambrose, paléoanthropologue à l'Université de l'Illinois, a mis en relation ce phénomène avec l'explosion du supervolcan Toba de Sumatra, qui développa autant d'énergie que l'éruption simultanée de 1000 volcans comme le St. Helens, ce qui correspond à une éruption VEI8. Bien que la date exacte de cette catastrophe soit encore largement débattue, on estime que le super volcan Toba explosa voici 74000 ans. C'est la plus importante éruption volcanique que connut la Terre au cours des deux derniers millions d'années. Elle couvrit le continent indien de 15 cm de cendres volcaniques.
C’est dans le petit Kali que prennent place toutes les manifestations artistiques et religieuses reconnaissables, grottes peintes dont l’une des plus anciennes serait la grotte Chauvet, flûtes d’os, pierres sonores et rhombes ou le site de Wandjina Man en Australie, que certains datent de 50 000 ans BP avec ses êtres humains dont la tête est nimbée de rayons quasiment solaires. Et nous sommes encore loin des métaux d’Hésiode alors continuons. Durées du cycle dans le cycle :
Or ou Kr :17 280 ans soit pour le commencement 43200 BP
Argent ou T : 12 960 ans soit 25920 ans BP – une grande année platonicienne
Airain ou D : 8640 ans soit 12960 BP
Fer ou Ka : 4320 ans soit 4320 BP
Là, nous avons des repères précis pour les deux derniers âges puisque nous datons les débuts du néolithique aux alentours de 12000 BP et que chaque nouvelle fouille en remonte la date et que 4320 ans BP, soit -2300 environ BC, correspond à la généralisation du bronze, au début des royaumes et des guerres. De plus, 12900 ans BP correspondrait à l’impact sur la Terre d’une météorite amenant un retour de la glaciation et une large extinction d’espèces vivantes dont mammouths, mastodontes, paresseux, chevaux et chameaux, ainsi que des oiseaux et des mammifères plus petits1. C’est l’unique extinction de masse repérée dans le pléistocène. 

Si réellement, comme l’affirme Guénon, nous sommes à la fin d’un Manvantara, cela signifie que convergent l’humanité depuis les premières expressions artistiques, l’humanité depuis l’usage du feu et la vie depuis 4,3 MA soit depuis la radiation des australopithèques, plus loin encore depuis 306 720 000 années solaires BP, bien avant la fin des dinosaures. Or, il y a 250 MA, un autre supervolcan « a failli détruire la vie2 » : « L'équipe de Lindy Elkins-Tanton avance des chiffres effarants: 9000 milliards de tonnes (Mt) de sulfure, 8500 Mt de fluor et 5000 Mt de chlore, se seraient échappées dans l'atmosphère au cours de cette méga-éruption. Ces gaz toxiques pourraient donc avoir été beaucoup plus abondants et meurtriers qu'on ne le pensait jusqu'alors. » On constate effectivement vers cette date l’extinction de 90% des espèces vivantes, extinction qui marque la fin du permien. Nous serions là devant une fin de Kali yuga à peu près parfaite pour l’ampleur des destructions et le petit reste à partir duquel tout repart. Ce décalage, comme celui que l’on observe avec l’explosion du Toba et l’absence de l’extinction des dinosaures vers 73 MA dans le comput me fait douter que nous soyons réellement à la fin des fins, même si la thématique de la fin du monde se fait pressante sur Internet. 

Hadès affirme que l’âge de fer a commencé il y a 16000 ans et tend à s’achever de nos jours. Avec ses proportions, cela donnerait un âge d’airain vers 48000 ans BP, un âge d’argent vers 96000 ans BP, soit pratiquement l’apparition de l’homme moderne, et un âge d’or vers 160'000 ans BP. Ces dates ne correspondent pas à grand chose en préhistoire. Mais s’il avait raison, comment pourrait-il avoir la moindre notion de la tradition primordiale ? De la période comprise entre 160'000 ans et 96'000 ans, nous ne savons rien. Nous n’avons que quelques outils de pierre et des traces ténues de campement, pas assez pour reconstituer l’organisation sociale ou les idéaux des hommes de ce temps. Lorsque, ensuite, Hadès nous décrit le monde traditionnel en simplifiant à outrance les hiérarchies du moyen-âge, j’ai envie de lui rappeler que dans les textes des Pyramides déjà, ce qui ne rajeunit personne, certains nous expliquaient qu’il n’y avait plus de jeunesse, plus de saisons et plus de bons petits gâteaux secs comme avant-guerre. On a toujours cru le monde au bord de l’abîme.

Nous sommes sans aucun doute à la fin d’une civilisation. Peut-être, mais c’est moins net car l’épreuve pourrait se surmonter, à la fin de notre humanité dans la mesure où les biologistes, comme l’explique parfaitement le Dr. Dickès, sont à deux doigts de créer de nouvelles espèces y compris de nouvelles humanités par manipulation génétique3. Déjà Craig Venter, en mai 2010, a inventé de toutes pièces un unicellulaire, une bactérie baptisée Synthia pour « vie synthétique », en démontant et remontant autrement l’ADN, celui du noyau comme celui des mitochondries, comme on joue avec un meccano ou les figures du Tangram. Il n’a pas créé les molécules de base mais bel et bien une nouvelle espèce vivante, capable de se nourrir, de se reproduire, de conserver son existence. La prochaine étape pourrait être un pluricellulaire. Dans le règne minéral, les nanotechnologies nous ont déjà permis de synthétiser des matériaux stables qui n’existent pas dans la nature. Et l’utérus artificiel est en bonne voie, inventé pour sauver les grands prématurés, avec un liquide amniotique de synthèse, lui aussi.
Imaginons… Imaginons une humanité née sur mesure, avec tous les canons de l’eugénisme – ou de la mode ; des hommes sans père ni mère, issus du seul génie génétique, peut-être asexués, peut-être androgynes ; des chimères ou des cybrides qui matérialiseraient les sabots et les cornes de chèvre de Pan, des centaures, des sphinx… ou même des formes plus exotiques, moins animales, destinées à la conquête spatiale. Tout a déjà été exploré par la SF, si l’on se souvient de L’île sous cloche de Xavier de Langlais ou du merveilleux et terrible Demain, les chiens de Clifford Simak. Les rêves adolescents des transhumanistes ont toutes les chances de se réaliser dans quelques années, à condition que nous ne soyons pas balayés auparavant par les hordes des grands déserts ou l’explosion de quelques mégatonnes. Je ne crains pas l’Afrique ; ce sont gens qui aiment la vie. Je redoute la culture de mort, pour reprendre l’expression de Jean-Paul II et, aujourd’hui, ceux qui la propagent se trouvent à la fois chez les fanatiques islamistes et chez les idéologues fortunés de notre occident. 

Sommes nous à la fin du Kali yuga – ou d’un Kali yuga ? Et que seraient alors les regermées d’un nouvel âge d’or, d’une nouvelle ère des Hamsas ? Une nouvelle humanité ? Autre chose me frappe. La déréliction des temps de la fin et l’aube des Hamsas se ressemblent sur un point dans le mythe hindou : dans les deux cas, il n’y a plus de caste héréditaire. Mais la nuit finale efface les repères pour une déshumanisation qui ne laisse surgir que les passions nerveuses, les plus mortifères, le mélange de l’égoïsme, du sexe, des drogues et de la haine ; tandis que l’aube serait synergique, orientée vers l’exaltation de la vie.
1 R.B. Firestone et al., « Evidence for an extraterrestrial impact 12,900 years ago that contributed to the megafaunal extinctions and the Younger Dryas cooling », PNAS, 9 octobre 2007, vol. 104, n°41, pp. 16016-16021, www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.0706977104
2 Yves Miserey, « Une éruption volcanique en Sibérie a failli détruire la vie », Le Figaro, 16 décembre 2010.
3 Jean-Pierre Dickès, L’ultime transgression : refaçonner l’homme, Editions de Chiré, 2013

Wednesday, August 13, 2014

Une approximation de la question des cycles à partir du I Jing





De Pascal Pastor, avec un peu de ma collaboration. 

Les Chinois ont donné un sens très spécial à la causalité puisqu’ils s’intéressent au processus de transformation lui-même beaucoup plus qu’à la nature propre des “entrées” et des “sorties”. Dans la science contemporaine, on ne peut aborder cette question sans référence à l’expérience d’Aspect, qui fait émerger au laboratoire, et non plus par de simples expériences de pensée, une rétroaction du temps et une causalité complexe. Cette causalité complexe prend la forme de coïncidences porteuses de sens et mathématiquement prédictibles.
La rétroaction du temps est sans doute ce qui choque le plus le sens commun. Depuis le XVIIe siècle, une grande part de l’effort technique des occidentaux a été consacré à la mise au point d’horloges régulières. Comme se développe à notre époque un véritable “culte” des images, à partir tout d’abord de la généralisation du cinéma, puis de la prégnance de la télévision dans tous les foyers, et maintenant des progrès de l’informatique et de la mise au point des images de synthèse, un phénomène du même ordre à entouré entre le XVIIe et le XIXe siècle les progrès de l’horlogerie. Les découvertes de Galilée sur le pendule ont permis aux artisans hollandais la mise au point d’horloges au mouvement régulier. D’abord énormes machineries réservées aux monuments publics, aux beffrois urbains en particulier, ces mécaniques à mesurer le temps se sont progressivement miniaturisées. Elles ont d’abord trôné chez les puissants, rois et seigneurs, puis gagné les foyers particuliers. L’horloge à balancier dans le salon bourgeois ou la grande salle de ferme devint un élément du décor familier. Enfin, au XVIIIe, la montre à gousset permettait d’emporter l’heure avec soi, même en dehors des demeures. Cette miniaturisation et cette vulgarisation équivalaient à un apprentissage collectif du repérage du temps par intervalles réguliers et successifs et de son lien avec une mécanique. Le temps, de ce fait, n’était plus lié dans la conscience collective à un rythme cosmique, diurne ou saisonnier, mais au mouvement “sans fin” d’une série d’engrenages dépendant d’un ressort. On remontait la montre de façon à ce que ce mouvement ne s’arrête jamais. De ce fait, la conception d’un temps linéaire s’imposait à tous. Elle devait amener une notion nouvelle de la causalité, dont la puissance semblait s’exercer en raison inverse du temps écoulé. Plus une cause était proche, temporellement parlant, et plus elle provoquait des effets mesurables. Plus elle s’éloignait dans le passé, et plus on supposait son action insensible ou négligeable. La pensée collective s’était rendue esclave du temps linéaire. Toute la physique classique s’est construite à partir de là.
Nous savons désormais que la réalité n’est pas descriptible entièrement comme linéaire, mais pas davantage comme non linéaire. Prenons l’exemple des théories de la lumière. A l’époque de Pascal et de Newton, et de leurs travaux sur l’optique, la propagation de la lumière était conçue comme émission de corpuscules le long de rayons, c’est à dire à partir de la géométrie euclidienne des droites. Cette conception a prévalu jusqu’aux expériences de Young, mettant en évidence des phénomènes d’interférence. On en est alors arrivé à une théorie ondulatoire où la lumière se manifestait en halo autour d’un point. Un rayon, vu en coupe transversale (par exemple en interposant un écran), montre une zone circulaire intense au centre, puis des cercles alternativement sombres et clairs, de plus en plus mal décelables, comme les rides à la surface d’une mare dans laquelle on vient de jeter un caillou. Avec la physique quantique, il a fallu admettre que la lumière combinait onde et corpuscule. Ces théories correspondent à une approximation de plus en plus fine du réel. Le rayon droit décrivait l’expérience immédiate de l’optique. Les conceptions ondulatoire pure, puis corpusculo-ondulatoire correspondent à des phénomènes de moins en moins perceptibles par l’expérience quotidienne.
Il en va de même du temps et de la causalité. La perception immédiate engendrée par l’habitude de l’horloge serait celle d’une droite, d’une dimension linéaire euclidienne. Une approche plus subtile montrerait des récurrences, des cyclicités de nature ondulatoire et suggérerait une “propagation” différente de la simple linéarité. Si l’on considère ainsi l’évolution temporelle de chaque élément du réel, on peut mettre en évidence des phénomènes d’interférence et des nœuds de possibilités. A ces nœuds, le choix de l’orientation du comportement futur, du destin si l’on veut, serait possible, mais pas de manière continue sur un temps linéaire. L’image la plus parlante serait celle d’une autoroute. On peut bifurquer aux sorties mais, si l’on rate une porte, il faut attendre la suivante. La causalité linéaire et le déterminisme correspondraient au trajet entre deux portes. Au moins le vivant, et donc a fortiori le psychisme, disposerait aux portes d’un certain degré de liberté. Cette conception du temps n’en fait plus une simple dimension, d’ailleurs, mais une réalité physique opérant par quanta et connue comme théorie du chronon. Elle a été complétée dans les années 60-70 par une théorie corpusculaire de l’espace-temps afin de la rendre cohérente avec la Relativité et la mécanique quantique.
Comment concevoir le comportement du vivant (et du psychisme) dans les états que nous avons comparés à des portes ou des sorties d’autoroute temporelle ? Si nous envisageons alors que se présentent des possibilités, des “lignes de temps” différentes, chacune à son tour en engendre d’autres au “nœud” suivant. On aboutit à une notion fractale des temps potentiels. Certains physiciens en ont conclu à la formation, à chacun de ces nœuds, d’univers divergents bien que coexistants, notion qui a d’ailleurs inspiré plusieurs écrivains de science-fiction.
Si, par contre, nous restons dans une perspective linéaire et triviale du temps, alors l’avenir est entièrement déterminé, et cela signifie que tout est écrit, mektoub, sous la tyrannie des horloges. Ce fut d’ailleurs un des arguments de la querelle entre les premiers physiciens des quanta et Einstein, auquel ils reprochaient une vision hyperdéterministe de l’univers, évacuant trop aisément l’indéterminé au niveau de la particule, l’accidentel dans le monde macroscopique et la liberté chez l’homme. Même un physicien attaché théoriquement au déterminisme strict doit, de fait, constater que tout n’est pas prévisible, que des événements peuvent survenir sans se faire annoncer, en invités surprises. Mais tout ce qu’on oppose d’ordinaire au déterminisme absolu se borne à une autre façon de garder la linéarité du temps, penser tout en termes d’aléatoire, de hasard et de probabilités générant parfois des structures stables. Au niveau du psychisme, cette hypostasiation du hasard dans le temps linéaire engendrera les philosophies existentialistes, dans lesquelles la liberté, absolue à l’origine, se pose à elle-même des contraintes en s’exerçant, jusqu’à la définition finale d’une “essence” totalement déterministe et figée.
Aucune de ces dernières théories ne décrit complètement ce que l’on peut appeler le croisement de la liberté et de la ou des destinées. Il faut prendre en compte d’une part la fractalité du temps, que confirment les théories grand unifiées les plus récentes, d’autre part les degrés de liberté de chaque élément du réel, qui sont fonction de sa complexité systémique propre. Un chimpanzé dispose de plus de choix potentiels de comportement qu’un annélide, et l’homme de bien davantage qu’un chimpanzé, mais cette liberté n’est jamais absolue autrement qu’en abstraction. Concrètement, même l’homme ne pourra pas devenir pilote de ligne à trois mois, en admettant qu’il le désire !

Réflexions sur la soucoupe volante 2



Celui-ci, je le concocte à partir de plusieurs pièces et morceaux retrouvés sur le même CD de 2003 ou 2004.
Je me suis fait avoir exactement comme Jacques Vallée avec la machine de Turing. Quand il a fait ses études et commencé à aborder l’informatique, c’était encore l’époque héroïque des cartes perforées et la version officielle, répercutée par l’université, voulait que Turing n’ait fait que des expériences sur le papier. Il a fallu attendre le bouquin d’Anthony Cave Brown, Bodygard of lies (La guerre secrète : le rempart des mensonges), en 1975 pour entendre parler d’Enigma et apprendre que Turing avait mis en pratique ses théories sur l’information. Le document confidentiel qui a circulé en 77 sur les essais russes de 76 ne parlait pas de tentatives antérieures. J’ai cru, Chauvin a cru, Michel a cru, Guérin a cru, sans doute Vallée aussi, sans parler de Marie Thérèse de Brosses et de Meessen, etc., etc., que c’était le premier essai en vraie grandeur, même si les Russes avaient du passer quelques années auparavant à déchiffrer les notes assez sibyllines laissées par Tesla et tâché d’élaborer une théorie fiable. Je me souviens même d’une lettre d’Aimé Michel où il me faisait part de ses doutes, affirmant que les Russes avaient 10 ans de retard sur les Américains et qu’il ne les croyait donc pas capables de manipuler les climats comme l’affirmait le document. Il a fallu la fin du régime communiste et l’ouverture des archives du KGB pour que quelqu’un mette dernièrement sur Internet un historique de ces recherches montrant que les premiers essais dataient des années 50, ce qui rendaient plus crédibles des résultats même non maîtrisés vingt ans plus tard. Cela fait partie des choses que j’ai récupérées ces derniers mois. A partir de là, je me suis demandé ce qui était vraiment nécessaire pour « fabriquer » une SV modèle standard, puis modèle élaboré jusqu’à la RR3 ou 4, un machin susceptible d’engendrer le schéma d’enlèvement de Betty et Barney Hill, donc quelque chose qui puisse non seulement catapulter en l’air un disque argenté ou lumineux mais surtout avoir des effets électromagnétiques puissants en dehors des labos, agir sur le cerveau, etc.  Plus les outils de calcul et de modélisation. Et c’est là que… ô horreur… mais dès la fin de la guerre, peut-être même avant…
Un exemple. Je me suis intéressée très fortement dès mes premières années de fac au rêve nocturne et à ses prolongements dans le psychisme à l’état de veille. J’ai toujours appris en ce domaine que les premières découvertes sur le sommeil paradoxal venaient de travaux réalisés dans les années 50 par Kleitman et Dement aux USA et Jouvet en France à partir de l’électroencéphalogramme, technique toute nouvelle, blabla, patin, couffin. C’est dans tous les manuels universitaires de la fin des années 60 (et j’ai passé mon bac en 65, donc…), sauf qu’aujourd’hui on remonte la date de découverte de l’EEG à 1929, Berger, Allemagne. Mais à partir du moment où on possède l’EEG en 1929, on peut découvrir les rythmes cérébraux de la veille et du sommeil bien avant les années 50. On sait donc au moins en gros quelle gamme de fréquences utiliser pour agir sur les cerveaux en modulant des ondes électromagnétiques à partir d’un champ pulsant, champ qu’on sait obtenir depuis qu’on connaît la bobine à induction (Ruhmkorff 1851). Kleitman et Dement auraient du y penser lors de leurs recherches sur le sommeil et le rêve — ils en ont fait subir d’autres à leurs cobayes volontaires, et de plus dangereuses ! — ils n’y ont pas touché, du moins officiellement. Pourquoi ? A-t-on utilisé la découverte de Berger avant les recherches américaines des années 50 ? A-t-on cherché à en tirer des techniques de manipulation mentale ?
Le problème, c’est que les recherches militaires ou des services secrets échappent totalement au jeu normal de la recherche scientifique. Il n’y a pas d’évaluation par les pairs, pas de débat théorique, pas de reprise des expériences par des labos indépendants, bref aucun des outils nécessaires à l’élaboration d’une vision cohérente du réel. C’est normal : ils s’en foutent. Tout ce qu’ils veulent, ce sont des armes, des recettes de destruction ou d’asservissement qu’on puisse cacher à l’adversaire, des savoir-faire et non des savoirs. En France, quand un universitaire s’inquiète, comme on le respecte encore un peu, on lui fait faire une visite de lieux bien proprets où il ne se passe rien. Il va donc répercuter aux chers collègues, à ses assistants et ses étudiants des propos lénifiants. Aux USA et en Angleterre, on lui brandit sous le nez la loi sur le secret défense et, de toute manière, on le considère comme un tâcheron remplaçable. Ce qui m’a frappée et profondément choquée dans le scandale qui entoure le suicide du Dr Kelly, c’est le mépris des politiques et des militaires pour les hommes de science. Des guignols comme le directeur de l’office de presse du ministère anglais de la défense, interrogés dans le cadre de l’enquête Hutton, traitent Kelly de « fonctionnaire relativement subalterne ». Bon sang, entre le background de journaliste ou de publicitaire qu’il faut pour diriger un office de presse et les études et travaux nécessaires pour former un expert mondialement reconnu des armes biologiques et chimiques, y a pourtant pas photo !
Aucun scientifique ne détient la science infuse. Mais il faut tenir compte de deux faits dont le premier est incontournable quel que soit le régime politique : 1, la somme des connaissances humaines est telle aujourd’hui qu’elle dépasse les capacités d’apprentissage et d’analyse d’un cerveau individuel ; 2, la recherche coûte cher et, désormais, les chercheurs à de très rares exceptions près ne travaillent plus grâce à leur fortune personnelle mais sur des fonds publics ou grâce à des fondations. Conséquences : 1, il n’y a pratiquement plus de généralistes de la science, il faut se spécialiser et cela ne fait guère que 10 ans qu’on commence à reconnaître les bienfaits du travail transdisciplinaire ; 2, les recherches font l’objet de contrats assez cadrés avec soit une autorité de tutelle, soit une fondation, soit une branche industrielle ; en d’autres termes, ceux qui payent décident et décident en particulier de ce qui sera publié, dans quel support et quand. Si tu mets ensemble l’intérêt économique, la lourdeur bureaucratique et le secret défense…
Un autre effet pervers, c’est le fossé qui se creuse de plus en plus entre les chercheurs confinés dans leurs laboratoires et le reste du peuple. Ce fossé, c’est la mort de la démocratie, car il ne peut y avoir de démocratie réelle que si chaque citoyen est suffisamment informé — il n’y en a plus si on distingue une France d’en haut et une France d’en bas. Et le pire, c’est que dès que tu sors un chercheur de sa spécialité, il se retrouve dans la France d’en bas, avec les mêmes ignorances et les mêmes doutes que tout un chacun. Or ce fossé vient largement du manque de vulgarisation correcte. On ne trouve pratiquement pas de manuels de base, dans aucune discipline. Il y a un hiatus immense aujourd’hui entre les ouvrages de vulgarisation conçus en général pour des enfants de 12 ans et à partir desquels il est impossible d’aller plus loin, et les articles ou études spécialisés, pointus, écrits pour ceux qui ont déjà les bases et un peu plus. Et les bases, on les trouve où ? Uniquement dans les cours de Deug, à condition de pouvoir les suivre.
Mais revenons à nos coquecigrues.
Il y a quelque chose de démentiel dans la soucoupe, c’est que tout pourrait être un montage scientifique des petits génies ressortis du projet Manhattan, des gens de Princeton ou du MIT et des récupérés de Peenemünde, tout depuis Arnold en tout cas. L’autre jour, pour tout autre chose, je vérifiais sur le Quid les dates de certaines inventions touchant à l’électromagnétisme et à l’informatique. Je me suis aperçue qu’elles remontaient toutes plus haut que je ne le pensais, toutes aux années 30 et 40 en fait et que donc les militaires américains auraient pu jouer à la soucoupe depuis le début de la guerre froide. Douche de la même température sur mes neurones. On a pu nous mentir par omission sur beaucoup de choses, sur des observations classées comme OVNI et qui relevaient d’expériences secrètes, même des cas classiques. On a pu construire en 1952 l’HET comme une couverture commode. Tout est possible dès le départ, alors que je croyais que ce cirque n’avait débuté qu’en 76. Sauf que le phénomène d’aujourd’hui ressemble à ceux des époques non industrielles où les expériences militaires et la CIA n’expliquent rien, sauf aussi que certains phénomènes connexes nous renvoient à un jeu de balancier sur le temps que ces inventions n’expliquent pas non plus. Et voilà qui nous renvoie à la case départ ? Pas tout à fait.
Nous pouvons enfin aborder les faits en étant débarrassés de l’image a priori du vaisseau spatial instillée depuis 1952 au moins. Maintenant il va falloir nous débarrasser de la même façon de l’image a priori du folklore et du mythe. Il va falloir faire ce par quoi on aurait du commencer : des mesures ou tout au moins des estimations quantitatives. Ce qui démolit l’ufologie ou, du moins, la fait stagner et l’empêche de se constituer vraiment comme science depuis plus de 50 ans, c’est qu’on a mis le plus souvent la charrue avant les bœufs. On a cherché des hypothèses globales (HET, HPS) au lieu d’étudier patiemment et humblement ce qui pouvait l’être. A de rares exceptions près dont Vallée, Hynek, Poher, Bounias et Meessen. Leur travail n’était pas parfait ? La belle affaire ! Depuis quand un travail scientifique est-il parfait du premier coup ? Il a fallu deux siècles pour passer du phlogistique à la physique des plasmas. Et alors ? Seulement, si on n’avait pas persévéré dans la mesure et l’estimation quand le phlogistique ne permettait plus d’expliquer les faits, on n’aurait jamais abouti aux plasmas.
Oui, il faut douter, oui, il faut se poser des questions. Il faut aussi reprendre ce qu’on sait déjà pour cerner les questions à poser ensuite. Si Meessen a découvert que le flou dans les photos de la vague belge ne vient pas de l’émotion des photographes mais d’un rayonnement à une fréquence bien précise dans l’infrarouge, c’est parce qu’il est physicien et qu’il a pensé à faire des mesures et des simulations. Admettons qu’un petit futé parvienne à reconnaître un objet connu, un avion par exemple, sur une de ces photos. Cela ne signifierait pas que Meessen est un « krank », cela signifierait que l’avion en question émet des infrarouges bien précis — ce qui pourrait intéresser un espion industriel, d’ailleurs. Vallée proposait en 1966 d’étudier les photos d’OVNI certes pour éliminer les trucages mais aussi, quand trucage il n’y avait pas, pour établir des profils de luminosité et des isophotes pour savoir s’il y avait ou non objet matériel. En fait, c’est ce qu’on fait pour savoir s’il n’y a pas un montage du genre enjoliveur de roue jeté en l’air. Mais a-t-on comparé les profils obtenus ? A-t-on fait ne serait-ce qu’une étude statistique des photos non truquées ? Là je peux répondre : non, parce que pour les partisans de l’HET, ce serait du blasphème et pour les partisans purs et durs de l’HPS, ce serait inutile puisque chaque cas ne vaut que pour lui-même.  Je pense à la critique des stats de Poher par Maugé. Poher s’est planté dans le catalogue ? Fort bien. Cela invalide ses résultats ? Pas sûr, cela dépend si l’erreur est systématique ou pas. On peut avoir le même type de courbe avec 710 cas qu’avec 825. Le phénomène obéit-il aux lois de l’optique ? Maugé ne peut pas le dire mais ne peut pas le nier non plus, puisqu’il a négligé de refaire le travail, qu’il s’est contenté de le critiquer d’un point de vue méthodologique. Cela, c’est effectivement un travail démolisseur, mais pourquoi ? Parce que Maugé a remplacé un préjugé (HET) par un autre (HPS). Je l’avais assez engueulé en direct à l’époque pour pouvoir le redire.
Quand je disais que je croyais que tout avait débuté en 1976, je parlais de l’utilisation de la soucoupe volante et de la mythologie ET comme cache-pot pour les expériences militaires. Les diableries elles-mêmes, on pourrait les faire remonter à l’origine de l’homme, voir les silhouettes humaines lardées d’épieux retrouvées gravées sur certaines grottes magdaléniennes. Pour ce qui est du nucléaire, de la chimie, etc., et surtout l’électromagnétisme et l’informatique, les années 40 et 50, oui, c’est ce qu’on nous dit — mais ce qui m’a mise sur le cul l’autre jour, c’est de m’apercevoir que les principales découvertes, sauf le maser/laser et encore, remontent en fait aux années 30 et parfois aux années 20, soit dix à quinze ans avant ce qui est officiellement et officieusement raconté. Et là, ça change complètement la donne parce que des machins dont nos parents et grands-parents ne disposaient pas dans leur vie quotidienne pouvaient très bien exister déjà à quelques exemplaires chez un milliardaire comme Rockefeller ou dans les hangars des armées.

Réflexions sur la soucoupe volante





Encore une vieille lettre gardée pour en tirer un article. Eh bien, c’est fait, et en dix ans il n’a pas pris une ride, juste une ou deux corrections à apporter parce que la science a continué sa route.
Premier point : que sait-on de sérieux sur la soucoupe volante, depuis celle de grand papa (je veux dire Kenneth Arnold) jusqu’à nos jours si l’on écarte les deux mythologies dominantes, celle de l’ET et celle du tout psychosociologique ? Trois choses, qui reviennent en permanence et traversent tous les folklores : c’est lumineux, il n’y a pas d’effet sonore ou alors de type bourdonnement/sifflement à la limite d’audition humaine, tous les effets physiques qui ont pu être décrits ou parfois mesurés sont de type électromagnétique. Ces trois effets sont cohérents avec une hypothèse de champ électromagnétique (em). Voir à ce propos les conclusions du projet Magnet (1950-1954) et celles de Bounias sur Trans-en-Provence en évitant de leur faire dire autre chose que ce qu’ils disent.
Second point : le cerveau est une superbe machine em. On en avait un indice depuis Galvani, on s’en doutait depuis la fin du XIXe siècle, on le savait depuis les expérimentations de la fin du XIXe siècle puis les premiers EEG des années 50, mais la mode intellectuelle et le poids de gens comme Changeux l’ont fait oublier au bénéfice de la version chimique de son activité. Les militaires n’ont jamais cessé de s’y intéresser mais avec de gros sabots, uniquement dans le but de le perturber gravement. Actuellement, les chercheurs civils sont en train de comprendre qu’il est sensible à d’infimes variations des champs environnants. Merci pour Yves Rocard qui l’avait déjà mis en évidence il y a quarante ans. Conclusion : un phénomène em, peut-être assez intense pour bousiller les luzernes de Trans en Provence, a forcément un effet sur le cerveau des êtres vivants, homme compris. Pas seulement sur le cerveau, d’ailleurs. La sensibilité aux champs magnétiques semble une composante essentielle du vivant. Et quand je parle de sensibilité, il ne s’agit pas que de perception, il s’agit d’en être affecté en profondeur.
Troisième point : Une planète comme la Terre, porteuse de vie, est aussi une superbe machine em. En dehors de la rotation autour du soleil, effet de la gravitation, pratiquement tout ce qui s’y passe à l’échelle macroscopique, des climats aux séismes et aux cycles écologiques, de la couche d’ozone aux ceintures de Van Allen, a quelque chose à voir avec l’électromagnétisme, directement ou indirectement. Et l’on sait que le champ terrestre est complexe, qu’il évolue dans le temps. On sait que sporadiquement, ses pôles s’inversent. Or, il y aurait deux remarques à faire en étudiant la courbe des inversions telle qu’on a pu la reconstituer. Primo, il y a eu au moins deux périodes très longues (plusieurs millions d’années) durant lesquelles les pôles n’ont pas bougé. Lorsque, ensuite, se produit une inversion, elle coïncide avec une extinction massive d’espèces vivantes et donc le renouvellement de tout l’écosystème. Deuzio, l’espèce humaine a peut-être déjà connu une de ces inversions ; pas l’homme moderne mais celui qu’il est convenu d’appeler prénéandertalien, depuis qu’on s’est aperçu que les beaux classements darwiniens des paléontologues ne collaient pas avec les études génétiques.
Quatrième point : Depuis les travaux de Tesla et malgré son échec commercial, on n’a pas cessé de s’intéresser à la maîtrise de ces champs. Le projet HAARP n’est que la pointe actuelle de l’iceberg. Les risques sont immenses, mais les potentialités aussi. Les militaires cherchent un moyen de rendre des populations entières, censément hostiles, plus cruches. Rien n’empêcherait de jouer sur les mêmes méthodes pour augmenter les performances de l’espèce.
Cinquième point : le champ magnétique terrestre n’est pas isolé dans l’espace. Il est englobé dans le vent solaire et dans une sorte de danse énergétique entre au moins Soleil et Jupiter, avec leur pulsation fondamentale de 11 ans et des broutes. Au delà, on ne sait pas, car nos bons astrophysiciens n’ont pas encore cartographié l’univers de ce point de vue : on sait ce qui se passe aux abords de points singuliers comme les trous noirs, ou dans ces protogalaxies que seraient les quasars, mais c’est à peu près tout. Et comme on n’a pas encore de théorie grand unifiée qui tienne la route pour faire le lien entre électromagnétisme et gravitation, on se contente de lister et d’étudier les objets exotiques qu’a révélés le télescope spatial.
Sixième point : l’histoire. L’évolution de l’univers, du vivant et des connaissances humaines peut se placer sur la même courbe globalement exponentielle, une exponentielle d’ailleurs très serrée, à la limite d’une factorielle (non seulement ça va de plus en plus vite, mais de manière vertigineuse). Le paradoxe, c’est qu’une activité libre comme l’invention humaine s’inscrive au bout du compte sur une courbe qui régit entre autres la naissance des étoiles. Mais peut-être faut-il prendre en compte la réception sociale de l’invention. Les Eléates avaient tout entre les mains pour inventer le calcul différentiel et intégral, c’est évident quand on relit Zénon, et ils s’intéressaient au mouvement, fût-ce pour le nier. Bref, Copernic et Newton auraient été parfaitement concevables dans la Grèce présocratique. La confiture n’a pas pris. Pourquoi ? J’ai longtemps pensé que c’était faute d’un formalisme mathématique, d’un langage en a, b, c, x, y, +,-,= et ( ). J’avais tort. Les Grecs ne l’utilisaient pas pour écrire leurs traités mais ils faisaient leurs calculs avec un formalisme de ce type. De plus, leur mythologie ne divinise pas sérieusement les astres : Zeus et Héra n’arrêtent pas de placer des mortels parmi les étoiles, ce qui est très bien pour des fables mnémotechniques de marins mais ne risque pas d’empêcher un philosophe d’étudier le mouvement des planètes.
Septième point : l’histoire, comme lieu d’incarnation de la pensée mythique, le plus souvent inconsciente. Un exemple : le consensus lors de la première guerre du Golfe. Personne n’était dupe, sauver le Koweït signifiait surtout contrôler le pétrole. Mais il y avait dans ce consensus et son immédiateté quelque chose de plus irrationnel que la simple propagande ne l’aurait permis. Mais c’est P. G. qui m’a fait remarquer que cela correspondait exactement à l’une des prophéties du Livre de Daniel telle qu’on la trouve dans les Bibles protestantes : « Un bouc venait de l’occident en rasant toute la surface de la terre sans la toucher… il frappa le bélier et lui brisa les deux cornes, sans que le bélier eût la force de lui résister, il le jeta par terre et le piétina et il n’y eut personne pour délivrer le bélier de son pouvoir. » (Daniel 8, tout le chapitre est à relire) Comme ensuite la corne du bouc se brise et se transforme en 4 cornes, tous les exégètes voient dans ce passage les conquêtes d’Alexandre et la formation des royaumes hellénistiques. Il n’empêche que c’est devenu comme un modèle mythique inconscient de la politique menée environ 2300 ans plus tard — or il est question de 2300 soirs et matins dans cette prophétie. Cela ne valide pas forcément Daniel, mais ça montre comment fonctionne l’inconscient collectif. On en trouverait d’autres exemples, lors d’événements majeurs.
Huitième point : la patrouille du temps. On ne peut envisager un voyage spatial purement spatial, il y a forcément une composante temporelle. Je me suis demandé comment un historien pourrait mettre en évidence un tripatouillage de l’histoire par des acteurs temporels, puisque nous savons qu’aucun Superman ne s’est présenté es qualités à des témoins crédibles comme Pline le Jeune ou Louis XIV ! Une piste ténue : les répétitions convergentes. La théorie mathématique du chaos, ou les systèmes dissipatifs de Prigogine : un tourbillon se forme et s’entretient. Ouais, mais dans une rivière, pour qu’il demeure dans le paysage, il faut qu’une pierre divise le flot. Cherchons les tourbillons un peu trop stables, ils suggèrent la présence d’une pierre ou de son équivalent. J’en ai au moins repéré un, qui dure depuis le Xe siècle : par six fois, l’union de la France et de l’Angleterre a été souhaitée, préparée, et empêchée au dernier moment, sauvant ainsi la langue et la culture anglaises ; et par 11 fois, ce qui n’est pas rien, l’implantation ou la prééminence française sur ce qui allait devenir les USA a été ratée. Cela fait beaucoup d’événements pour entretenir le tourbillon qui prépare depuis Charles le Chauve l’hégémonie américaine actuelle et peut-être future. Et l’ennui, c’est qu’il y a au moins une irruption paranormale impossible à cacher dans cette affaire : Jeanne d’Arc. Atypique parmi les héros politiques et atypique parmi les saints, ce qui fait beaucoup pour une seule donzelle. J’en avais beaucoup discuté avec Aimé Michel qui faisait la même lecture que moi : les Anglais devraient élever des statues à Jeanne, elle a sauvé leur langue et leur culture. Mais à ce moment, je n’avais pas encore vu, et lui non plus, que 17 événements répartis sur un millénaire concouraient à alimenter le tourbillon. C’est d’autant plus frappant que ces 17 ratages se sont le plus souvent produites contre le souhait des acteurs ou d’une grande partie des acteurs.
Il y a d’autres événements où la volonté des acteurs semble submergée par une situation devenue incontrôlable. En général, on peut  repérer qu’un ou plusieurs mythes sont à l’œuvre, comme dans le cas de la guerre du Golfe. Mais impossible ici et, plus étrange, le mythe de Jeanne d’Arc a été bâti à l’inverse de la portée réelle des événements, comme un masque (Jeanne a sauvé l’indépendance française — faux, elle a sauvé l’indépendance anglaise ; Jeanne a seulement obéi aux voix célestes — ouais, alors pourquoi sa venue était-elle préparée depuis deux ans par des prophéties de circonstance ? Etc.).
Le problème, c’est que j’ai démontré l’existence d’un tourbillon, d’une structure téléonomique pour le dire en langage acceptable par la Sorbonne, mais si ce tourbillon suggère une pierre cachée dans le courant, je n’ai aucune idée de la nature réelle de cette pierre. C’est le même problème que Vallée avec son système de contrôle. C’est vrai que le rythme des vagues d’OVNI ressemble à celui d’un apprentissage comportementaliste et même à la courbe d’activité d’un thermostat. On peut supposer que quelque chose est à l’œuvre sur une échelle temporelle assez vaste mais quoi, pourquoi et à quelle échelle ?
Neuvième point : l’une des performances recherchées avec le programme HAARP, c’est la possibilité de moduler des ondes à ultimes basses fréquences de manière à ce que le cerveau serve de récepteur radio. En d’autres termes, des populations entières pourraient entendre des voix dans leur tête. Les militaires qui pensent en termes de guerre classique, peuple contre peuple, voient là un moyen de propagande ou d’affaiblissement d’une armée (difficile de piloter un jet en entendant des voix qui te donnent des consignes stupides, par exemple celle de te crasher sur ton propre aérodrome), mais on pourrait aussi cibler un récepteur unique ou un tout petit groupe de récepteurs. Pour l’instant, on ignore si le principe pourrait fonctionner aussi pour créer une « télévision cérébrale » ou l’immersion dans une réalité virtuelle poly-sensorielle.  Disons que le futur de cette technologie rejoint étrangement des événements du passé, par exemple les voix de Jeanne.
Dixième point : les cartes marines anachroniques. On ne parle plus beaucoup de Piri Reis en ce moment, ni des travaux de Hapgood sur d’autres portulans du XVe siècle manifestement copies de copies… d’originaux assez antiques pour que les tracés des côtes représentent exactement la terre telle qu’elle était vers –11 000 à –9000, à la sortie de la dernière glaciation, à l’aube du néolithique. C’est à dire à une période où, malgré toute l’explosion culturelle qu’elle représente, on ne possédait ni satellite ni avion ni montgolfière, ni appareil photo, ni même chronomètre de précision pour le calcul de la longitude. Or les portulans étudiés par Hapgood, une fois retrouvée leur grille de projection, sont sur de larges portions aussi exacts en latitude/longitude que nos actuelles cartes marines, et se mettent à dérailler dans d’autres zones, comme si le modèle exact manquait ou comme si l’adaptation de deux fragments à la même échelle avait rencontré des difficultés. C’est sans doute plus rassurant de passer les travaux de Hapgood aux oubliettes, le problème qu’on ne voit pas et le livre qu’on ne réédite pas n’empêchent pas de dormir. Mais rien n’est résolu.
Onzième point : Pourquoi l’Australie a-t-elle été évitée des navigateurs tant asiatiques qu’européens depuis le paléolithique jusqu’au XIXe siècle, alors que le détroit de Torrès qui la sépare de la Nouvelle Guinée fait moins de 200 km, avec deux îles s’il est besoin d’étapes, et que les pirogues mélanésiennes permettent de naviguer sur plusieurs milliers de km ? Pourquoi sa faune marsupiale n’a-t-elle pas eu de concurrence alors que le plateau continental est tel qu’aux époques de niveau de la mer plus bas qu’aujourd’hui, toutes ces îles étaient d’un seul tenant, en particulier Australie et nouvelle Guinée — laquelle n’a plus de marsupiaux ? Les hommes sont passés, sinon pas d’aborigènes. Pas les animaux, pratiquement pas les plantes. Pourquoi ? S’il y avait un interdit implicite (puisqu’on n’en a pas trouvé, à ma connaissance, d’explicites dans les cultures régionales), qu’est-ce qui le maintenait ? Qu’est-ce qui a rendu une terre aussi grande quasiment invisible alors que les Portugais au XVIe siècle puis les Français, les Anglais et les Hollandais au XVIIIe cartographiaient le moindre bout de caillou du genre Galapagos ?
Les éléments ne s’emboîtent pas encore de manière cohérente et toutes les pièces du puzzle ne sont pas encore sur la table mais on devine un paysage possible. Le moins qu’on puisse en dire, c’est qu’il semble plus exotique que ne le voudrait la frilosité intellectuelle de notre temps.