Monday, August 01, 2016

Réflexions autour du martyre du père Jacques Hamel



Un prêtre vient d’être égorgé devant l’autel pendant qu’il célébrait la messe. Il ne s’agit pas seulement d’un attentat de plus dans une période qui les voit pousser comme des champignons après la pluie. Le choc nous atteint plus profondément, ébranle l’inconscient collectif, l’égrégore de la France. Quand je lis et que j’entends les réactions des uns et des autres, je suis frappée par leur inhabituelle sévérité qu’on n’avait jusqu’ici rencontrée que dans des milieux restreints de militants identitaires ou nationalistes. En particulier se dessine un consensus pour fermer les mosquées salafistes, renvoyer leurs imams à leurs pays d’origine, refuser de reprendre sur le territoire français ceux qui sont partis en Syrie se battre aux côtés de Daesh. J’ignore si le gouvernement de Manuel Valls ira jusqu’au bout de telles mesures mais la vox populi l’exige.
A terme, l’historienne en moi me chuchote que la persécution d’une croyance religieuse n’a le plus souvent servi à rien, sinon à retarder sa diffusion. L’empire romain n’a pas éradiqué le christianisme, pas plus sous Dioclétien que sous ses prédécesseurs ; l’empire chinois n’a pas plus éradiqué le bouddhisme, à peu près à la même époque. Celles qui ont disparu, comme les écoles gnostiques, se sont le plus souvent reconstituées sous d’autres noms, manichéisme, dualisme cathare, ecclésioles néo-gnostiques créées au sein de la franc-maçonnerie. Certes, mais, dans l’urgence, une telle mesure donnerait au moins un temps pour respirer et s’organiser. Ce n’est pas la panacée, c’est simplement inévitable si l’on tient à rester cohérent. Et qu’on ne me dise pas que l’islam est davantage une doctrine politique qu’une religion, les choses ne sont pas si simples dans le cas de l’affirmation d’un idéal théocratique lequel, dans le contexte d’un monothéisme strict, ne saurait être que totalitaire. C’est une religion de la loi. Rome avait bien fait une déesse de la Justice, dans le sens le plus juridique de ce terme !
Religion vient du latin religare, relier. Mais à quoi se relie-t-on, individuellement et collectivement ? Répondre à cette question fut essentiel pour nos ancêtres. Aujourd’hui, les manipulateurs y répondent par l’absurde, réduisant le pain mais exaltant les jeux. Invite à rester à la surface de soi-même et du monde. Mais que vienne un choc dans l’inconscient collectif comme celui qui vient d’avoir lieu et l’absurde laisse un goût de cendres. La colère qui se réveille a des allures d’explosion d’un volcan que l’on croyait éteint. Nul ne peut prédire jusqu’où iront les laves. Le pire serait sans doute qu’on tente de remettre le couvercle et de le fixer plus hermétiquement, pour des visées électoralistes… Ce serait le meilleur moyen de préparer le chaos.
Or je suis frappée par la façon très sûre dont les enfants perdus de Daesh et, avant eux, les agents d’al-Qaïda manipulent nos symboles et frappent à coups précis les points sensibles mais consciemment oubliés des égrégores d’Europe. Guénon rattacherait sans doute cette habileté à la contre-initiation, les cathos tradi y verraient plutôt la griffe du Malin ; étiquettes peut-être valides mais qui ne doivent pas nous dispenser de les interroger. Il s’agit d’analyser plutôt que d’estampiller. Comment le culte de la Loi permet-il que le trait soit acéré et la cible si bien définie, alors que le mode de la propagande par internet s’adresse à une nébuleuse sans formation réelle ni religieuse ni politique ?