Thursday, December 29, 2005

Qui a perdu sa langue ?

Génial ! Je viens de regarder les commentaires inscrits sur mon blog. En dehors de quelques spams en anglais, juste un anglophone qui m'envoie son journal...
Alors, les copains qui me lisent et disent ici et là (sur mon e-mail par exemple) qu'ils sont intéressés, qu'ils auraient à dire, etc., ont-ils perdu leur langue, ou leur plume?

Un peu en retard :

JOYEUX NOEL à tous

Et un peu en avance:

BONNE ANNEE 2006 !

Wednesday, November 16, 2005

Srebrenica

Juste un mot rapide pour signaler la parution d'un document de première importance. Il s'agit d'un ouvrage collectif publié par les éditions Le Verjus, organe de l'association Vérité et Justice, et qui s'intitule :

Le dossier caché du "génocide" de SREBRENICA

Ce document comporte l'analyse du groupe de recherches américain, Srebrenica Research Group, animé par un ancien haut responsable de l'ONU présent sur le terrain, Philip Corwin ; ainsi que les témoignages du général Lewis MacKenzie, de Carlos Martins Branco, Milan Bulajic, Bill Schiller, Veljko Lalic ; enfin le rapport censuré de la Republika Srpska ; et l'analyse de la vidéocassette d'une exécution de prisonniers dont notre TV a fait ses choux gras.

C'est un document. Mon expérience d'historienne m'a appris que, quel que soit l'événement et sa charge émotionnelle potentielle, on ne peut jamais s'en faire une idée juste en n'écoutant qu'un seul son de cloche. J'engage donc mes lecteurs à se procurer ce petit livre essentiel à la compréhension des événements de Srebrenica.

On peut le commander pour 18 euros chez l'éditeur :
Vérité et Justice
CAP 8
BP 391
75869 Paris Cedex 18
Par fax au 01 42 23 07 30
Ou par mèl : lodalmas@wanadoo.fr


J'en profite pour annoncer que Jean Pierre Petit pourra peut-être continuer à maintenir son site. Cela dépend de nous. Voir sur son site le "petithon".
Honte à nous si nous ne soutenons pas l'intelligence libre.

Friday, November 04, 2005

Jean Pierre Petit

J’ai dit que mon blog serait ouvert aux amis et à qui aura des choses intéressantes à dire. Même si nous ne venons pas des mêmes horizons scientifiques et si je garde des doutes sur l’existence des Ummites, je soutiens totalement l’initiative de Jean Pierre Petit contre la désinformation ambiante à propos des attentats du 11 septembre 2001. J’espère que les liens supporteront une série de transferts.
Voici donc ce que Jean Pierre Petit a écrit sur son site :


Pendant quatre années, les actions concernant le dossier " 11 septembre " ont
été assez dispersées. Il y avait de nombreux sites, où des gens s'étaient
efforcés de collecter ici et là des photos, des documents, des avis divers. J'ai
moi-même présenté ma façon de voir
les choses sur ce site
. Mais voilà que tout d'un coup un groupe d'Américains
diffuse, sous forme d'un DVD traduit en dix langues la conclusion d'une étude
assez fouillée, où les sources des documents sont en particulier citées. Elle
est impressionnante par le nombre de faits soulignés, de documents collectés, de
témoignages produits.
[…]
Walter a consacré quatre millions et demi de
dollars de ses propres deniers pour financer ces enquêtes et éditer 200.000 DVD
qu'il expédie gratuitement sur simple demande. Il est venu en France les 24 et
25 juin 2005. A cette occasion il a fait envoyer 1000 DVD aux journalistes
français. Leur réaction ? Ils
ont déposé une plainte
, carrément.....
[…]
Toute opinion, tout
jugement sont évidemment subjectifs. Durant les années précédentes j'en étais
arrivé à la conclusion que la version officielle sur les évènements du 11
septembre avait quelque chose de très douteux. Mais, après vu le résultat de
l'enquête réalisée par l'équipe de Jimmy Walter je pense que le problème est
tout simplement énorme, vertigineux. Les faits allégués sont invraisemblables
sur de très nombreux points. Il existe une suite inimaginable de coïncidences.
Vous découvrirez pas exemple qu'au moment où "un avion détourné se dirigeait
vers le Pentagone", les escadres de chasse de la base Andrews, situées à 18 km
et chargées bien évidemment de sécuriser la région avaient été envoyées chercher
ces pirates de l'air au dessus de l'océan, à 250 km de là ! Vous découvrirez que
ce "avion", piloté par un pilote amateur à un mètre du sol et à 650 km/h a opéré
un virage de 270° autour du bâtiment avant de choisir de s'écraser sur l'une des
cinq ailes qui était ... en réfection. Vous découvrirez que 35.000 litres de
kérosène, après avoir brûlé, on laissé intacts un écran d'ordinateur, un bureau
en bois et un tabouret supportant un livre dont les pages n'étaient même pas
roussies, tout cela étant situé dans l'axe d'impact de cet appareil et se
révélant après l'effondrement du bâtiment.
L'aile du Pentagone ayant subi
des dommages, effondrée après qu'un incendie s'y soit déclaré.

Détail (
se repérer par rapport à la grue ) : Un écran d'ordinateur intact et deux étages
plus bas un livre, posé à plat sur un tabouret de bois
Vous découvrirez,
qu'alors que selon les conclusions de la commission de l'enquête officielle
qu'après ce crash où un appareil pesant 65 tonnes à vide, chargé de 35 tonnes de
kérosène s'est complètement volatilisé on a pu identifier les victimes grâce à
leur ADN et à leurs empreintes digitales.
Vous apprendrez, à propos des
tours jumelles, que jamais un gratte-ciel possédant une charpente métallique ne
s'est effondré sous l'effet d'un incendie ( les poutres de structure mesurent
jusqu'à 30 par 70 cm de section ). On vous montrera des images d'un hôtel à
charpente métallique, le Windsor, possédant une structure semblable, qui a été
la proie des flammes pendant 24 heures et qui n'a pas bougé.
[…]
On vous
montrera le cas le plus effarant, celui du "bâtiment numéro 7", proche des tours
jumelles, dont la hauteur atteignait la moitié de celle-ci, qui n'avait été
frappé par aucun débris, a brusquement implosé alors qu'il y avait dans deux de
ses étages un incendie très modeste, dont personne n'a pu donner la cause et qui
aurait pu être éteint par de simples extincteurs automatiques.
La thèse
officielle est totalement invraisemblable, insoutenable. Vous apprendrez au
passage, si vous ne le saviez pas déjà, qu'au milieu de cette confusion lié à
tous ces drames humains, des gens se sont empressés de faire disparaître avec
beaucoup de diligence et d'efficacité tous les éléments sur lesquels ont aurait
pu s'appuyer pour faire une enquête, toutes les traces, toutes les pièces à
conviction, sur tous les sites. Les débris du Pentagone ont été emportés ... 48
heures après le "crash" et le sol a été passé au bulldozer.
Vous apprendrez
qu'on a menti aux New-Yorkais en les incitant à réoccuper les immeubles de
Manhattan au plus vite, en demandant aux sauveteurs "de ne pas porter de masques
pour ne pas affoler les gens". Tous ont menti, y compris ce maire si courageux
et si sympathique, Rudolph Giuliani. On leur a dit "l'air était respirable",
alors que les poussières qu'on a vu envahir les rues de Manhattan, "étrangement
microscopiques" (seules des explosions pouvaient produire ce type de poussières,
avec des grains de la taille d'un micron) étaient bourrées de déchets toxiques
issus de 5000 ordinateurs, de millions de lampes électriques, de détecteurs
d'incendie. Les New-Yorkais ont respiré tout cela et un très grand nombre sont
aujourd'hui gravement malades. Vous apprendrez que plus de soixante pour cent
d'entre eux souhaite que l'instruction de ces évènements soit réouverte.
La
seule possibilité pour expliquer l'effondrement des tours jumelles et du
bâtiment 7 est que ceux-ci aient été soigneusement préparés pour une
"controlled" demolition". La température atteinte pendant l'incendie, largement
médiatisé par des milliers de chaînes de télévision, ne pouvait pas porter
l'acier à une température suffisante "pour que celui-ci se ramollisse". La
couleur des fumées de cet incendie montrait que ce feu était médiocrement
alimenté en oxygène. C'est ce que des experts du bâtiment interrogés vous diront
dans ce film. On vous montrera des photos de poutres cisaillées net et non
fondues, opération qui ne peut être opérée qu'en disposant des charges
explosives qui, précisément, créent un effet de cisaillement sur l'objet. On
attirera votre attention sur un nombre incroyable de détails, évidents sur tous
ces films, qui avaient simplement échappé à notre attention.
[…]
Cette
"affaire du 11 septembre 2001" prend une dimension planétaire, étant donné ses
conséquences aux quatre coins du monde. J'ai entendu des gens dire : "tout le
monde connaît la vérité, dans les hautes sphère, dans les chancelleries, mais
personne ne parle. En effet, si cette vérité était connue c'est tout le système
qui se trouverait déstabilisé".
Mais, si nous choisissons de continuer dans
le mensonge, où allons-nous ?
Le corollaire de cette situation actuelle est
que nous ne pouvons plus faire confiance à notre presse. Le document joint à
cette copie du film réalisé par l'équipe de Jimmy Walter vous contraindra à un
choix drastique entre ce qui émane de cette équipe et ce que propage vos médias
français, ce que disent vos journalistes de la Grande Presse française. Vous ne
pourrez pas ne pas choisir car vous aurez en main les deux éléments
d'appréciation.
Je vous l'ai dit : une appréciation, un jugement découlent
d'une attitude personnelle. Y a-t-il une presse libre ? Quand on élimine les
organes de presse qui appartiennent à Serge Dassault, à Bouygues ou à Lagardère,
que reste-t-il ? Les sièges des journalistes son très souvent des sièges
éjectables. S'il n'y a dans notre presse aucun journaliste qui ne soit capable
ou ait simplement la conscience professionnelle ( ou les moyens, la liberté de
pensée suffisante ) qui lui permettent d'effectuer une contre-enquête alors
c'est que les citoyens doivent désormais tenter de s'informer par eux-mêmes.
Pourquoi nos journalistes ne réagissent-ils pas dans une affaire aussi
énorme, que cela soit dans un sens ou dans un autre ? On peut se poser la
question. Jadis j'avais suggéré le concept de "réaction
psycho-socio-immunologique". Quand quelque chose est "trop indigeste", vous le
"vomissez". Quand une information vous déstabilise trop, vous l'ignorez.
Aujourd'hui il faut une encaisse sans précédent pour envisager les mensonges qui
sont à l'œuvre dans notre histoire d'aujourd'hui. Nos journalistes n'ont peut
être pas le cran de le faire, tout simplement.
Aujourd'hui, vous n'avez plus
le choix. Vous devez aller quérir vous mêmes les informations, vous forger votre
propre jugement. Les techniques modernes, et surtout le net, font que vous
pouvez avoir accès à des sons de cloche très divers et que les propos des uns et
des autres ne peuvent plus être aussi aisément bâillonnés que jadis.

Voici ma proposition. Envoyez aux adresse qui sont indiquées ci-après :
Une enveloppe pré-affranchie, contenant un CD vierge, ce qui me permettra de
vous les renvoyer après y avoir gravé pour vous :
- L'enquête réalisée par
l'équipe de Jimmy Walter " Réouvrir le dossier du 11 septembre ", en mp4
Précision : un simple CD de 700 Mo, 80 minutes, pas un DVD inscriptible.
Mettez une enveloppe à bulle affranchie ( pour protéger le CD ) dans une
enveloppe normale, et non l'inverse
Voici les adresse des graveurs bénévoles
:
A B C DE F G H I J KLMNO P Q R S T U V W X Y Z
2 - Si votre nom
commence par une des lettres vertes, envoyez le CD à Mathias Benlolo, 2 rue du
Château, 13850 Peyrolles 3 - Si votre nom commence par cette couleur,
adressez-vous à Sylvain DHUIQUE-MAYER 14 Allée du Puits 69780 Toussieu 4 - Si
votre nom commence par une lettre correspondant aux lettres bleues, envoyez le
CD et l'enveloppe à Steve Hilger, 6 Grand Rue 89150 Fouchères4 bis - M. Hilger
précise que si les lecteurs lui envoient un DVD vierge il pourra également leur
graver la copie du DVD édité par Jimmy Walter ( reopen911 )5 - Si votre nom
commence par une lettre cette couleur, adressez-vous à Franck RIFFET 14 allée St
Exupéry 31830 PLAISANCE du TOUCH6 - Si votre Nom commence par une lettre cette
couleur, envoyez le CD à Henri Ropars, 2 place du Val, 45100 Orléans7 - Si vous
êtes Suisse, faites l'envoi à : Richard Golay, Avenue de Lavaux 10, 1009 Pully,
Suisse ( avec 1,1 F suisse pour l'expédition ) 8 - Si vous êtes Belge, faites
l'envoi à Damien Dijon 155 rue de Houyet 5571 Wiesme-Beauraing Belgique ou à : 8
bis - LE ROUX Joan 21 avenue du martin pêcheur Boite 47 1170 Watermael -
Bruxelles Belgique9 - Si vous êtes au Canada français, faites l'envoi à David
Vidal 144 rue Donnacona Dollard-des-Ormeaux Québec, CANADA, H9B 3K710 -
Résidents en Allemagne, DVD vierge (dvd-Rohling) pour Jimmy Walter + evtl. CD
vierge (cd-Rohling) pour dossier français, avec enveloppe timbrée 1,44
(frankierter GrossBrief mit 1,44) à Jean-Pierre Colas, Charlottenstrasse,
D-72764 Reutligen
URGENT : Apparemment des gens ont du mal à lire un fichier
en mp4. Quelqu'un pourrait-il nous le convertir en format .avi en en DivX ?
Ceci est une expérience de "presse sauvage", de diffusion d'information
selon un système de "chaîne". Si vous recevez ce CD, si vous le regardez et si
vous estimez qu'il serait bon que ce document soient portés à la connaissance du
plus grand nombre de gens possible vous pouvez offrir le même service ( il vous
suffira, comme je le ferai moi-même, d'avoir toujours un lot de CD gravés
d'avance ). Sur cette page je pourrai présenter les noms et adresse de gens
prêts à utiliser leur graveur pour publier cette information, en renvoyant le CD
gravé aux gens qui leur auront fait des envois. Lesquels, à leur tour....
Cette page a été consultée par 12.000 personnes en neuf jours.
Sur mon
site, je peux toucher des dizaines de milliers de lecteurs. Mais cette
proposition, assortie de cette liste de "graveurs bénévoles", sans cesse accrue
et remise à jour peut être mise sur n'importe quel site, voire sur des forums de
discussion.
La capacité de diffusion de ces documents, qui concentre une
grande qualité d'information, est a priori illimitée. C'est ... une expérience.
[…]
Je pense que nous devrions soutenir le combat de ces gens, qui est
aussi le nôtre. Il s'agit d'une véritable lutte contre la montre. Dans un débat
public, dont les images figurent dans les dossiers proposés nous entendons les
responsables déplorer que les médias américains n'aient pas jugé bon de couvrir
leur manifestation.
- Où sont les caméras de CNN, NBC ? etc.....
La
seule façon de faire en sorte que la pression soit assez forte serait que
l'affaire prenne une ampleur d'échelle internationale. Au moment où le congrès a
lieu, on apprend " que 42 % des Américains croient encore que Saddam Hussein
détenait des armes de destructions massive ". Un des journalistes qui avait
monté un des dossiers, assortis de documents vidéo, a dit que les opposants au
fait que l'on rouvre ce dossier lui avaient simplement dit " que ses vidéos
avaient été trafiquées ".
Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas
comprendre
[…]
Au passage j'ajoute une réflexion personnelle concernant
la lueur qu'on voit, sur quatre documents vidéos, quand un des avions s'apprête
à percuter l'une des tours jumelles. Un lecteur avait suggéré qu'il puisse
s'agit d'un phénomène électrostatique. Possible. Mais il pourrait exister une
autre explication. Dans le second document diffusé sur Arte ou France 2,
intitulé " 11 septembre. Pourquoi les tours se sont effondrées " le concepteur
même des twin explique qu'elles ont une structure externe porteuse qui les
enserre comme des sortes de cages, aux barreaux joints par endroits et que là
était leur point faible, précisément ( il n'explique pas au passage pourquoi la
tour n°7, d'une conception cette fois classique, s'est effondrée de manière
identique ). On imagine alors assez bien qu'il soit problématique de passer au
travers de structures externes comme celles de tours jumelles. Pas de problème
pour les moteurs et les ailes, à cause du longeron de voilure et de l'énorme
énergie cinétique correspondant à une vitesse d'impact de 650 km/h. La partie
avant du fuselage est paradoxalement la moins "perforante". Un avant d'avion
c'est " du papier de chocolat ". D'où l'idée de faciliter la pénétration en
ménageant un orifice d'entrée en tirant un missile explosant au contact, . Tout
ceci ne cadre plus alors avec l'avion de ligne piloté par des terroristes. Mais
comment expliquer qu'un avion de ligne traîne sous son ventre un container aussi
volumineux ( de tels "pods" existent dans le cas d'avions militaires ) qui ne
serait pas passé inaperçu.
Certains diront " mais où est passé l'avion du
vol régulier et ses passagers ? Où sont passés les terroristes ? Y en avait-il ?
". A cela je répondrai : des gens qui auraient été capables de tuer de sang
froid 3000 de leurs compatriotes seraient-ils arrêtés par un détournement
d'avion de ligne, détruit au sol après atterrissage sur une base militaire,
passagers et éventuels terroristes tués de n'importe quelle manière possible.
Tous les scénarios peuvent être envisagés. L'avion de ligne est détourné, un
avion militaire spécialement équipé et sans pilote prend sa place, guidé par une
radiobalise installée préalablement dans les tours ( ou, comme cela avait été
suggéré, dans la tour n°7 servant de PC de contrôle ).
Tout ceci requiert
des complicités nombreuses, dans de nombreux secteurs. Un lecteur m'avait
objecté cela. Mais un autre a aussitôt ajouté que le projet Manhattan avait
mobilisé l'équivalent d'une armée, alors que le nombre total des hommes
réellement au courant des buts poursuivis et du déroulement des opérations, des
tenants et aboutissants n'avait jamais excédé une douzaine ! Le pas difficile à
franchir, je le concède, est d'envisager ce meurtre massif et d'un cynisme
effrayant, ce qui s'imposerait comme la machination la plus effarante de tous
les temps. Mais si ce n'est pas la bonne version alors comment justifier les
incohérences de la version officielle, que cela soit pour les twin ou pour le
Pentagone ? Le plus vraisemblable est hélas le plus machiavélique, le plus
monstrueux.
La véritable histoire du 11 septembre est peut-être "protégée"
par les voiles de l'incrédulité.
**********************************************************
J’espère que ces extraits significatifs donneront à mes amis l’envie d’aller consulter le site de Jean Pierre Petit sur lequel on trouve beaucoup, beaucoup de choses qui donnent à penser, cadeau non négligeable en des temps où les professionnels des médias donnent plutôt de l’émotion dirigée.
Je ne suis pas toujours d’accord avec tout ce qu’écrit Jean Pierre Petit en ufologie, nous avons parfois même eu des analyses diamétralement opposées, mais c’est un véritable homme de science dont l’honnêteté intellectuelle est remarquable. Il lui arrive de s’apercevoir qu’il s’est trompé ? Il rectifie publiquement. Le nombre de ceux qui ont cette franchise que je considère comme l’honnêteté minimale requise par la recherche scientifique se compte sur les doigts dans le paysage français.
Et il est au moins un point sur lequel Petit et moi serons toujours en accord de principe : la désinformation est une infamie. Plus grave encore : elle a toujours sonné le glas des civilisations dignes de ce nom.

Au fait, voici l’adresse de son site :
http://www.jp-petit.com/
En plus, qu’est-ce qu’il dessine bien, l’animal !

Sur le 11 septembre, j’hésite maintenant entre la thèse maximale que défend ici Petit après Meyssan et la thèse minimale d’un Bush laissant faire des attentats prévus afin d’avoir un prétexte en or massif pour l’invasion de l’Afghanistan prévue depuis au moins juillet (rencontres de Berlin). J’ai très longtemps défendu la thèse minimale qui est aussi celle de Michael Moore. Mais ces photos sont absurdes en ce cas. Un mur noirci à mort par l’incendie se détache en laissant des murs blancs, lisses, sans une ébréchure ni un reste de ciment, avec des meubles de bureau dont on voit encore les étiquettes en plus de l’écran d’ordinateur, alors que le toit est également calciné ?. Quelqu’un ici se moque du monde. Soit c’est le vidéaste avec une équipe de spécialistes de l’image virtuelle digne de celle de Spielberg, soit c’est Bush.

Je m'aperçois que les images ne sont pas passées. Bonne occasion d'aller voir l'original sur le site de Petit !

Dernière heure : Jean Pierre Petit est obligé de mettre en sommeil son site, qui reste consultable mais qui ne sera plus alimenté faute de temps. Tout cela pour des raisons économiques.
On sait qu'aujourd'hui, dans un monde où l'économique est la seule valeur reconnue, plaie d'argent devient mortelle. En tout cas pour la liberté d'expression.

Monday, October 24, 2005

Rumeurs sur la Toile : le Bohemian Club sur la sellette

Article non publié dans B.I. faute de place (ah, l'actualité !), toujours sous le coude, mais en attendant, mieux vaut blog que tiroir...

Dans l’article que j’avais consacré au groupe de Bilderberg dans le n°89 de BI, j’avais cité en passant d’autres structures de connivence, dont le Bohemian Club, strictement réservé aux milliardaires mâles (après en moyenne 18 ans d’attente une fois la candidature posée), connu surtout pour son luxueux camp d’été au Bohemian Grove, un domaine boisé dans le comté de Sonoma où l’on « communie avec la nature » en pique-niquant au caviar et où, accessoirement, l’on discute des questions politiques du moment. Fondé en 1872 par un groupe d’artistes et de journalistes de San Francisco sur le modèle des clubs anglais, il passa très vite, dès 1880, entre les mains des hommes d’affaires et des politiciens ; depuis quoi les journalistes en furent progressivement bannis, discrétion oblige, et les artistes accueillis au compte-goutte.
Comme dans tout camp de vacances qui se respecte et comme ces messieurs ont en général tâté du scoutisme dans leur adolescence, on se réunit le premier soir autour d’un feu de camp. On trouve dans The Wasp du 22 août 1885 la description du premier rituel mis en scène par un comédien et un compositeur de San Francisco, inspirés manifestement par les carnavals du vieux continent puisque la cérémonie se terminait par la crémation du malheur de l’année passée sous la forme d’un mannequin squelettique surnommé Dull Care, enfermé dans un gigantesque couffin imbibé d’essence. La chaleur du brasier libéra une montgolfière elle-même embrasée qui s’éleva lentement dans le ciel nocturne. Et The Wasp de conclure que le spectacle avait enchanté la population. Depuis lors, ce rituel est repris à l’ouverture de chacun des camps d’été qui ont lieu traditionnellement la seconde quinzaine de juillet – mais si les officiants au pied d’une gigantesque chouette de béton portent toujours de longues tuniques rouges, blanches ou noires, si Dull Care est conduit au supplice sur la barque de Charon dont le nautonier dissimule ses traits sous une tête de mort (un souvenir des « pirates » du Skull and Bones de Yale ?), si le grand prêtre invoque l’oiseau nocturne en des termes que n’auraient pas rejetés les fidèles d’Athéna, « O Toi, grand symbole de la sagesse mortelle, Chouette de Bohême, nous T’en supplions, accorde-nous Ton conseil », la musique est désormais reprise du Fantasia de Walt Disney. Autre temps, autres mœurs… Il est vrai que Dull Care représente, selon The Progressive de janvier 1981, « les fardeaux et les responsabilités » qui pèsent sur les épaules des oligarques des affaires et de la politique. Ainsi les milliardaires s’amusent et la rumeur veut même que l’on ait vu danser ensemble, sous la pleine lune de juillet 2000, Dick Cheney et Colin Powell, ce qui choqua profondément la puritaine Amérique[1]. On ne précise pas s’ils avaient gardé leurs robes rituelles.
Passée cette ouverture en fanfare, les choses deviennent plus sérieuses. C’est au Bohemian Grove que fut prise en 1942 la décision de lancer le Manhattan Project qui devait aboutir à la bombe d’Hiroshima. Aujourd’hui encore, on ne réunit pas impunément des gens comme Henry Kissinger, les Bush père et fils, tous les anciens présidents des Etats Unis et nombre des Ex de par le monde si ce n’est des futurs comme le prince Charles d’Angleterre, la plupart des idéologues du parti républicain et l’aile droite du parti démocrate, Casper Weinberger, Frank Borman, David Rockefeller et autres banquiers, financiers, pétroliers, gros actionnaires de multinationales… Un programme de conférences bien choisies vient leur rappeler qu’ils sont censés diriger le monde. En 1991, Helmut Schmidt est venu évoquer « les énormes problèmes du vingt-et-unième siècle », tandis que Dick Cheney, pour ce même siècle, décrivait les « problèmes majeurs de défense ». Dommage de n’avoir que les titres de ces interventions, il serait piquant de comparer treize ans plus tard leur contenu avec la réalité. La même année, John Lehman envisageait les « armes intelligentes » (déjà !) et estimait à 200 000 les morts irakiens de la guerre du Golfe, tandis qu’Elliot Richardson plaidait pour « définir un Nouvel Ordre Mondial » – n’oubliez pas les majuscules, s’il vous plaît. Le plus inquiétant était peut-être l’intervention de Joseph Califano : « Révolution des soins de santé en Amérique. Qui vit, qui meurt, qui paie. » Ou la conférence donnée en 1994 par un éminent professeur de sciences politiques de l’Université de Californie sur « les dangers du multiculturalisme, de l’afro-centrisme et de la perte des limites de la famille », dans laquelle il faisait l’éloge des élites basées sur le mérite et le comportement[2] en précisant que l’on « ne peut permettre à des masses non qualifiées de décider de la politique ». Ah, qu’en termes galants ces choses là sont dites ! Mais nous voilà prévenus. Cela fait au moins dix ans que l’oligarchie américaine rejette consciemment la constitution démocratique des Etats Unis. Au fait, ce sont bien les mérites du multiculturalisme que l’on vantait à la même époque et un peu plus tard pour la Bosnie et le Kosovo ?
Le Bohemian Club ne serait qu’une structure de connivence parmi d’autres bien qu’un peu plus folklorique si, depuis 1980 et de manière de plus en plus insistante, il n’était l’objet d’une rumeur sinistre abondamment relayée par Internet. Cathy O’Brien et Mark Phillips décrivent le rituel devant la Chouette comme un culte démoniaque, retour à la fois au druidisme et à l’adoration de Moloch, accompagné de flots d’alcool, de drogue, d’homosexualité, de sodomie, de kidnapping, de viols et de pédophilie s’achevant par des meurtres rituels. Un article sur ce thème serait même paru en juillet 1993 dans le Santa Rosa Sun, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne figure pas dans la liste des grands journaux internationaux. Cathy O’Brien, qui se présente comme une victime du programme MK ULTRA[3], ce qui est fort possible, en garde une sensibilité à fleur de peau pour tout ce qui touche à la manipulation mentale. Mark Phillips est le thérapeute qui lui a permis de se reconstruire. Ils citent un survivant (anonyme) échappé du Bohemian Club : « Des esclaves d’âge avancé ou à la programmation défaillante sont tués sacrificiellement au hasard dans les bosquets de Bohemian Grove et j’ai senti que ce n’était qu’une question de temps avant que ne vienne mon tour… » Cette citation se retrouve sur une quinzaine de sites Internet en langue anglaise.
John DeCamp, dans son livre intitulé The Franklin Cover-Up, cite le témoignage de Paul Bonacci. Ce dernier aurait vu un snuff film, expression intraduisible désignant un film pornographique avec meurtre non simulé, où s’exhibait l’assassinat rituel d’un enfant le 26 juillet 1984 en Californie, dans « un endroit où il y a de grands arbres ». Lorsqu’on lui montre une photo en noir et blanc de la chouette géante du Bohemian Club, il identifie aussitôt le site comme étant celui du meurtre. Il y aurait eu une enquête de police stoppée au nom du National Security Act.
Au moins un et peut-être deux paparazzi d’un genre nouveau auraient réussi à se glisser dans le domaine malgré les gardes et les alarmes et à filmer la cérémonie de la Crémation de Dull Care. Le premier, en 1980, se nomme Rick Clogher ; le second, le plus virulent aujourd’hui, Alex Jones. C’est lui surtout qui interprète le rituel en terme de culte de Moloch et parle de sacrifices humains réels, en particulier d’enfants en bas âge.
Cette rumeur n’est pas neuve. Les historiens des mentalités la connaissent bien car elle revient de siècle en siècle flétrir la réputation des groupes marginalisés. On la trouve chez les Romains à l’encontre des premiers chrétiens, lorsque le culte n’ayant pas droit de cité se célèbre dans les catacombes ; elle ressort au moyen âge à propos de tous les groupes considérés comme déviants, depuis les disciples d’Eon de l’Etoile jusqu’aux Vaudois ; on la retrouve en Espagne lors de la reconquista, puis en Allemagne lors de la Grande Peste de 1348, lancée contre les Juifs ; durant les guerres de religion, chaque faction en fait grief à l’adversaire ; puis à partir de 1560, c’est l’une des accusations le plus souvent portées dans les traités contre la fantasmatique « synagogue des sorciers ». Et, last but not least, elle revient au début du XXe siècle dans les milieux de « catholiques intégraux » à l’encontre de la Franc-Maçonnerie.
Que signifie qu’elle resurgisse aujourd’hui contre le Bohemian Club auquel, nous fait-on remarquer avec insistance, George W. Bush est affilié ? Il pourrait certes s’agir d’un argument de campagne électorale trop au dessous de la ceinture pour être ouvertement lancé par le parti démocrate. Mais le fait même que l’on choisisse ce mythème du sacrifice rituel d’enfants et que l’impact soit patent puisque de nombreux sites rapportent la même histoire, n’est pas anodin. Notons d’abord que, pour la première fois dans l’histoire connue, le groupe ainsi livré en pâture à la vindicte des honnêtes gens est celui qui détient le pouvoir économique, politique et intellectuel[4]. La marginalisation ne s’opère pas comme autrefois en fonction de critères ethniques ou religieux, elle souligne et accentue la distance entre les élites et le reste du peuple.
On sait que les inégalités sociales n’ont jamais été aussi marquées que de nos jours, que partout les classes moyennes sont détruites en tant que telles (même lorsqu’elles gardent à peu près le même niveau de vie, elles ne remplissent plus leur fonction d’intermédiaire entre le haut et le bas de l’échelle sociale) si ce n’est détruites tout court par une paupérisation galopante. Mais, de plus, le pouvoir tend à l’éloignement. Encore à la veille de la révolution française, malgré la codification du rituel de cour, n’importe qui, aussi humble fût-il, pouvait s’adresser directement au roi au détour d’une allée. Le malheureux qui s’y risquerait à la Maison Blanche finirait étouffé sous le poids de cinq ou six membres du Service Secret avant même d’avoir ouvert la bouche ! Encore visite-t-on la Maison Blanche… mais allez donc sonner chez Bill Gates ou chez le PDG de votre compagnie d’électricité quand vous habitez la Californie et que vous êtes excédé par les coupures à répétition !
Cet éloignement des élites, cette cassure entre leur monde clos sur lui-même et celui des gens « ordinaires[5] », nourrit depuis plusieurs années les fantasmatiques du complot, l’idée qu’un gouvernement mondial secret, diabolique par essence, règne derrière les fantoches élus de l’état spectacle avec ou sans l’aide des « petit gris » dans leurs bases souterraines, modernes avatars des démons. Ces mythes, eux aussi récurrents depuis plus d’un siècle (les 200 familles, les 72 qui mènent le monde, les 7 ou 9 maîtres cosmiques incarnés, le roi caché de l’Agartha, etc.), prêtent aux puissants une unanimité qui n’a jamais existé et, paradoxalement, plutôt moins de cynisme qu’ils n’en ont vraiment. Mais le retour du mythème du sacrifice rituel de la descendance des autres marque une étape supplémentaire dans la rupture. Le peuple commence à rejeter viscéralement les élites hors de la sphère de l’humain – non vers le surhumain dispensateur de civilisation, de lumière et de bien comme lorsque l’on divinisait les empereurs antiques, mais vers l’infra-humain, vers le monstrueux, le déviant, le pur destructeur.
Les émergences passées de ce mythème ont précédé de peu des actions violentes contre les communautés accusées de se livrer à ces sacrifices impies. Sommes nous devant le prélude fantasmatique à des émeutes de grande ampleur contre les quartiers protégés de Los Angeles ou de Boston ? Déjà en janvier 2002, un homme de 37 ans nommé Richard McCaslin fut arrêté alors qu’il tentait de pénétrer en armes dans le domaine de Bohemian Grove, dans l’intention avouée de le détruire. McCaslin, qui revendique le pseudonyme de Patriote Fantôme et qui a été enfermé dans la section psychiatrique de la prison du comté de Sonoma, a déclaré être sain d’esprit, avoir soigneusement préparé son expédition et l’avoir décidée après avoir vu « la » vidéo de la Crémation de Care[6]. Il était sincèrement persuadé d’avoir affaire à des tueurs pédophiles sectateurs de Moloch. Ajoutons qu’un certain « Allen » qui se présentait comme un membre du Service Secret est venu à la demande du Bohemian Club l’interroger longuement dans sa cellule sans même avertir par courtoisie le shérif Mike Costa en charge de l’enquête officielle, ce qui n’a pas amélioré l’image du Club dans la région. Certes, ce n’est qu’un acte isolé, encore qu’il s’inscrive dans une mouvance qui se renforce de plus en plus, celle des groupes « patriotiques » d’autodéfense musclée, prêts à défendre les armes à la main ce qu’ils considèrent comme leurs libertés fondamentales et la moralité de l’Amérique. Mais demain ?
Les Etats Unis sont sans doute aujourd’hui le pays où surgissent le plus de rumeurs et de mythes à connotation politique. Il serait mal venu de les ignorer ou de les mépriser car ils traduisent, sur un mode onirique, les malaises et les souffrances d’un peuple à ne pas confondre avec ses dirigeants.

Geneviève Béduneau

Principaux sites consultés :
http://libweb.sonoma.edu/regional/faculty/phillips/bohemian.pdf
www.jutier.net/contenu/bricbrac.htm
www.sfmuseum.org/hist5/boho.html
www.geocities.com/bohemiangrovecult
www.petermoss.org/BOHEMIAN.html
http://www.infowars.safeshopper.com/
www.counterpunch.org/bohemian.html

[1] Deux hommes ! Un blanc et un noir !
[2] Comme d’habitude, la chanson américaine vient en France avec dix ans de retard. N’a-t-on pas entendu ça fort récemment du côté de Matignon, à propos des fonctionnaires ?
[3] Ce programme expérimental de manipulation mentale de la CIA, dans les années 50-60, utilisait comme cobayes des civils américains drogués ou irradiés à leur insu. Voir B.I. n°
[4] On m’objectera le thème du vampirisme des tyrans dans la rhétorique de la révolution française. Mais il s’agit alors d’effets de manche d’avocats et d’orateurs et non d’une mythopoièse réellement populaire et il n’a jamais été question d’accuser la cour de Versailles de meurtres concrets.
[5] La France d’en bas, disait l’autre.
[6] En fait il en existe au moins trois en circulation, dont un pastiche réalisé par le satiriste Harry Shearer avec des acteurs connus, ce qui ne simplifie pas la question.

Russie, Chine, Iran : une alliance attendue

Autre article écrit pour B.I. et non publié pour cause d'actualité chargée

La triple alliance que redoutait tant Zbigniew Brzezinski dans son Grand Echiquier vient de se réaliser. Notre confrère Indiandaily a publié le 3 février 2005 un article révélant une entente plus étroite entre la Russie et la Chine[1]. Un premier accord était déjà intervenu dans la fin des années 90 entre les deux puissances, mais il ne s’agissait que d’une entente militaire au cas où l’un des partenaires serait attaqué directement. Tang Jiaxuan, membre du Conseil d’Etat chinois, part du principe que les intérêts des deux pays sont très proches pour annoncer la fondation d’un « partenariat stratégique » destiné à contenir l’expansion militaire et économique des USA – et accessoirement de l’Europe – en Asie continentale. La Russie fournit d’ores et déjà à la Chine de fortes quantités d’énergie, tandis que cette dernière aide financièrement le redressement économique de son partenaire. Des banques chinoises ont prêté à la Vnesheconom Bank russe les 6 milliards de dollars qui permirent à Rosneft de racheter Yuganskneftegaz, la compagnie pétrolière de Yukos. L’accord militaire se concrétise par des séminaires de travail entre les deux états-majors. Il comporte un volet anti-terroriste qui vise la pénétration de l’Islam radical tant en Tchétchénie que dans d’autres provinces à majorité musulmane de Russie et dans le Xinjiang chinois. Le 18 février, l’agence Tass publie que le seigneur de la guerre tchétchène Turchayev, un wahhabite qui se proclamait émir de Grozny, vient d’être tué dans une fusillade au moment où on allait l’arrêter[2]. Un premier fruit de cet accord ? Le 22, le site officiel d’informations China annonce pour la seconde partie de l’année des manœuvres conjointes entre les deux armées[3].
Par ailleurs, l’Iran a, ce même 3 février, annoncé la mise au point d’accords de défense avec la Russie. L’ambassadeur d’Iran à Moscou, Gholamreza Shafei, a déclaré que la coopération russo-iranienne se développerait dans les domaines militaire et technique[4]. Déjà fin janvier les deux pays avaient signé un accord pour construire ensemble, avec l’Allemagne et la France, un satellite de communication nommé Zohreh[5]. Et le 17, Poutine avise le Secrétaire du Conseil de Sécurité iranien, Hasan Rohani, qu’il se rendrait en visite d’Etat en Iran comme il y avait été invité. Rohani assure qu’une coopération entre les deux pays renforcera la stabilité régionale[6]. Dans le même temps, Prime-Tass, la branche financière de l’agence de presse russe, révèle que la coopération économique se fera sur tous les plans y compris le nucléaire civil et que, d’ores et déjà, la Russie aide à la construction de la centrale de Bushehr, qui devrait entrer en service en 2006 et coûter environ 1 milliard de dollars[7].
Cette double alliance était prévisible avec un minimum de connaissances géopolitiques, à partir du moment où la Russie se redresse et endosse de nouveau le rôle qui est le sien dans cette région depuis le XVIIIe siècle. Nous assistons ainsi au déploiement d’une entité des plus intéressantes puisqu’elle allie la puissance continentale centrale, le couple Iran/Russie, et une puissance partiellement périphérique et maritime, la Chine, contre une tentative d’encerclement par les Etats-Unis et leurs alliés anglo-saxons, formant ensemble les nouveaux « rois de la mer » avec une mentalité non plus d’îles mais d’archipel[8].
Les pays européens se retrouvent de ce fait devant un choix crucial et qui pourrait oblitérer tout le siècle à venir. Economiquement, l’Europe est d’ores et déjà la rivale directe de l’Amérique. Pour n’en donner que deux exemples, Airbus vend désormais davantage d’avions que Boeing et, mieux encore, la conception informatique du Boeing 787 a été confiée à Dassault-Systèmes ; la firme pharmaceutique franco-allemande Aventis rivalise largement avec ses homologues américaines. De son côté, la Russie connaît un taux de croissance impressionnant pour un pays qui avait implosé il n’y a pas quinze ans : la production intérieure a grimpé de 7,1% en 2004, la production industrielle de 6,1%, la balance commerciale connaît un excédent de près de 3 milliards de dollars, et elle commence à réduire sa dette extérieure[9]. Les mêmes indicateurs seraient à inverser pour les USA dont la production stagne quand elle ne régresse pas[10], qui importent 10% de plus qu’ils n’exportent et dont la dette explose avec un déficit de 700 milliards de dollars, au point qu’ils ne peuvent espérer sauvegarder leur niveau de vie qu’en misant sur une économie de prédation à l’échelle mondiale. D’autre part, même de manière imparfaite, la Russie cherche à s’engager sur une voie démocratique, comme l’a très bien vu Emmanuel Todd, alors qu’aux USA, avec la kyrielle de lois anti-terroristes couronnées par le Patriot Act I et II qui permettent une prise de pouvoir légale par l’armée pratiquement dès que ça lui chantera, la démocratie régresse à pas de géants[11].
Si les dernières analyses d’Emmanuel Todd sont exactes, nous vivons les derniers temps où les USA ont encore les moyens sinon de dominer le monde, du moins de le tenter en jouant sur les divisions et les rivalités régionales. La Chine, la Russie et l’Inde, malgré leur croissance économique accélérée, sont encore un tout petit peu trop fragiles pour s’opposer frontalement aux USA[12]. Le sort du monde est donc entre les mains de l’Europe. Ou l’axe Paris/Berlin/Moscou, tel qu’il s’est esquissé pour refuser de participer à l’invasion de l’Irak, se renforce et pèse de tout son poids à la fois économique et diplomatique – ou il se dilue dans une bouillie « européenne » sans réel pouvoir comme le prépare la fameuse constitution. Dans le premier cas, on assisterait à une situation géopolitique assez originale qui, pour un temps, opposerait une Eurasie à la fois continentale, maritime et en croissance économique à une Amérique insulaire sur le déclin. Ce que Brzezinski redoutait par dessus tout. Dans le second cas, que l’Europe soit neutralisée de fait ou réduite par l’Amérique au rang de supplétifs, on retrouverait une situation déjà connue historiquement, les USA tenant le rôle de Rome à l’heure de l’effondrement de sa république et de la constitution d’un empire prédateur et notre pauvre Europe celui des ligues de cités grecques sur le point de se faire disloquer puis gober. Il faudrait alors quelques décennies de plus, peut-être un demi-siècle avant que le bloc Chine/Russie/Iran ne puisse affronter l’empire américain mais cela viendrait forcément. L’Europe, par contre, cesserait d’exister pour beaucoup plus longtemps ou, plus exactement, c’est elle qui finirait par dominer culturellement l’empire, mais à quel prix !
L’intérêt bien compris des pays européens serait de rejoindre l’alliance que viennent d’instaurer la Russie, la Chine et l’Iran – et que l’Inde sans doute ne tardera pas à rallier. Si ce front eurasiatique se concrétisait, les quelques bases que les USA ont réussi à installer en Asie centrale ou dans les Balkans ne feraient pas le poids très longtemps. Mais il est rare que les peuples soient assez rationnels pour dégager et poursuivre consciemment leurs intérêts. L’Amérique se cache à elle-même son propre déclin et l’incantation de puissance des néo-cons ou de Brzezinski la pousse à l’aventure conquérante ; tandis que les médias européens et particulièrement français, même s’ils se méfient des poussées impériales US, s’acharnent à dénigrer la Russie et la Chine au nom d’une perfection démocratique ou de droits humains qui ne sont même plus respectés intégralement chez nous. Cette idéologie pseudo-démocratique et le poids du mythe d’empire dans l’inconscient collectif européen risquent de nous mener à la catastrophe alors même que nous avons en main la plupart des atouts économiques, scientifiques et culturels.
Il serait temps de comprendre que, si la peur n’évite pas le danger, la lâcheté n’a jamais empêché de subir la guerre et, que nous le voulions ou non, la politique américaine y mène tout droit et dans moins de dix ans. A nous de savoir si nous voulons nous soumettre à la conquête prédatrice des Pompée et Crassus de notre temps (les Soros et Halliburton) ou tisser des alliances qui permettraient de lui résister.
Geneviève Béduneau
[1] Ghanta Babu, , Indiadaily, 3 février 2005
[2]« Chechen warlord Turchayev killed in Grozny-police », Itar Tass News Agency, 18 février 2005
[3] « China, Russia, to Hold Joint Military Exercise : FM », China Internet Information Center, 22 février 2005.
[4] Babu Ghanta, op. cit.
[5] « Zohreh Satellite Deal Signed », Iran Daily, 31 janvier 2005
[6] « Putin confirm plan to visit Iran », Itar Tass News Agency, 18 février 2005
[7] « Putin says Russia to continue cooperation with Iran », Prime-Tass, 18 février 2005
[8] A qui douterait que les USA soient une île de taille gigantesque et non un continent, au moins dans les mentalités, je conseillerai de lire leurs romans de SF depuis les années 50 ; on y voit les héros s’élancer de planète en planète au travers du vide océanique de l’espace mais, quand il s’agit d’inventer un futur à la Terre, ils ne sortent jamais des limites des actuels USA. La SF anglaise a légèrement compris qu’il y avait du monde de l’autre côté de la mare aux harengs. La SF française oscille entre le village de Lozère et le village planétaire. Quant à la russe, elle révèle une nostalgie irrépressible des échanges et de la communication. La façon dont chaque peuple invente un futur imaginaire est l’un des meilleurs indicateurs que je connaisse pour une sociologie des mentalités
[9] Tableau des indicateurs économiques, Prime-Tass, 18 février 2005
[10] Lors de sa conférence de presse du 26 janvier, Bush avouait que le pays est en récession.
[11] Chossudovsky Michel, « Coup d’Etat in America ? », From the Wilderness, 10 juillet 2004
[12] Todd Emmanuel, « Europe, la démocratie au risque de l’Amérique ? », conférence donnée au Centre Pompidou le 27 janvier 2005.

Ouzbékistan

Article écrit à l'origine pour B.I. et que le plein de l'actualité n'a pas permis de passer

Une, deux, trois… Ma première, de velours, de soie ou de tulipe, on ne sait plus tant ont varié les slogans, fait sauter en Géorgie Edouard Chevardnadzé ; ma seconde est orange et renverse en Ukraine Viktor Yanukovitch ; ma troisième au Kirghizstan déstabilise Askar Akaev. Mais, selon Stephen Schwartz au nom prédestiné[1], l’un de ceux qui jouent le rôle d’amplificateurs médiatiques de l’idéologie néo-conservatrice, mon tout est encore à venir car il somme la Maison Blanche de revoir sa politique de soutien au « dictateur » d’Ouzbékistan, Islam Karimov et, sans rompre vraiment les relations, de le menacer de fermer la base militaire américaine et d’interrompre l’entraînement de son armée et de sa police s’il « ne veut pas comprendre ». Puis, le bonhomme mis au pas ou, mieux encore, renvoyé aux poubelles de l’histoire par une quatrième révolution, Schwartz désigne la cible suivante : le « dictateur » du Kazakhstan, Nursulatan Nazarbaev. Au passage, il nous apprend aussi que la politique étrangère des USA, du moins en ce qui concerne l’Asie Centrale, ne se décide pas au Département d’Etat mais au Pentagone. Et Donald Rumsfeld serait fort insatisfait de la tournure actuelle des événements en Ouzbékistan, surtout après le 13 mai, après que Karimov ait fait tirer sur les manifestants d’Andijan avec pour résultat 700 victimes selon les ONG et 169 selon les autorités ouzbèkes. Mais, fait remarquer sur la même chaîne RFE/RL Marina Ottaway du Carnegie Endowment for International Peace, les USA ont besoin de cette base pour contrôler l’Afghanistan, déficit de démocratie ou non. Quant aux morts d’Andijan… Des terroristes islamistes infiltrés, clame Karimov tandis que la presse occidentale y voit des militants des droits de l’homme ou de petits entrepreneurs, « une population minée par le chômage endémique » (L’Express, 23 mai 2005). Passons sur les détails croustillants comme des colonnes de « réfugiés ouzbeks » traversant la frontière du Kirghizstan, des hommes ayant passé la soixantaine, des femmes qui se trompent en récitant leur couplet (« Oui, oui, nous sommes… qu’est-ce que c’est ? … des réfugiés. Quand nous recevrons… quand nous serons reconnus comme réfugiés politiques… ») et des gamins qui rient et jouent alentour, comme le fait remarquer malicieusement la FPINS, une agence de presse bulgare.
Pour ceux qui auraient raté l’épisode, car la propagande de nos médias n’a pas eu la pugnacité habituelle pour bien nous l’enfoncer dans le crâne, le 13 mai dernier un commando d’environ 30 hommes armés attaquait peu après minuit un poste de police, tuant quatre policiers de service et s’emparant du dépôt d’armes. Une heure plus tard, ils réitéraient avec un poste militaire puis, à l’aide d’une voiture blindée, défonçaient les portes de la prison, libéraient 600 détenus et s’emparaient de véhicules. Après quoi, avec ces renforts, ils prirent d’assaut l’immeuble abritant le département régional de police, l’antenne du Conseil National de Sécurité et l’administration régionale et s’y retranchèrent avec une vingtaine d’otages avant d’appeler, à l’aube, leurs familles et leurs amis à servir de boucliers humains devant l’immeuble en question. C’est lors de la tentative de reconquête du bâtiment par les forces de l’ordre ouzbèkes que l’échange de coups de feu fit des morts. Selon cette version reprise telle quelle en un premier temps par la presse occidentale quotidienne, avant que de savantes analyses ne transforment l’affaire en répression sauvage d’une manifestation spontanée, « une tentative pour implanter artificiellement un processus démocratique en Ouzbékistan pourrait être utilisée par une troisième force », les islamistes fondamentalistes (dépêche ITAR-TASS du 14 mai). Il est assez piquant de voir nos médias, dans un effort acrobatique de pensée politiquement correcte, se tromper de cible et nous faire croire d’abord à de méchants islamistes avant de s’apercevoir qu’il fallait crier haro sur un dictateur ex-communiste.
Les événements d’Andijan, aussi dramatiques soient-ils, apparaissent désormais comme un épisode relativement mineur du « nouveau Grand Jeu » qui oppose, sur fond de pétrole et de pipelines, quatre ou cinq puissances pour le contrôle de l’Asie Centrale. Les USA tentent de réaliser une alliance économico-politique à leur botte entre les républiques détachées de l’ex-URSS et la première faute de Karimov fut de se refuser à rentrer dans le jeu d’encerclement hostile de la Russie et, pis encore, de se rallier aux accords de Shanghai qui unissent la Chine et la Russie et de participer aux manœuvres militaires conjointes. Dès lors, son sort était réglé, du moins dans la pensée des stratèges américains, il devrait se démettre au prix d’une « révolution » de fleurs ou de tissus mais ils ont oublié, semble-t-il, l’existence des autres acteurs locaux, oublié que la raison officielle de leur présence militaire était la « guerre contre le terrorisme », laquelle donnait au gouvernement ouzbek un argument de poids pour justifier aux yeux de l’opinion internationale la reprise musclée de ses propres locaux. S’il n’y avait pas ces 169 morts au moins sur le pavé, l’épisode aurait des allures de farce.
Toutes les républiques d’Asie Centrale abritent des bases militaires étrangères, soit russes, soit américaines, parfois même les deux camps à quelques kilomètres de distance. En Ouzbékistan, ce sont 3000 Américains qui vivent et s’entraînent dans ce que l’on a d’abord présenté comme une base arrière pour la conquête de l’Afghanistan contre Ben Laden mais qui apparaît de plus en plus comme un élément d’encerclement à la fois de la Russie et de la Chine. Toutefois, ce qui a réussi contre Akaev dans un Kirghizstan économiquement délité et totalement dépendant du FMI sera beaucoup plus difficile à réussir en Ouzbékistan comme au Kazakhstan, pays plus structurés et plus forts. S’ils devaient s’effondrer, ce serait probablement au bénéfice d’un parti islamiste transfrontalier, le Hizb Al-Tahrir – Parti de la libération, mouvement islamiste clandestin – qui rêve d’établir sur leurs ruines un nouveau califat et d’y inclure le Xinjiang, ce que la Chine ne saurait permettre. De ce fait, les Américains les plus lucides préfèrent muscler leur présence militaire et laisser les régimes en place, même au grand dam de Rumsfeld, Schwartz et Negroponte, tandis que Chinois et Russes verrouillent à leur manière le statu quo. Un président menacé par l’un des trois acteurs se verrait immédiatement soutenu par les deux autres. Les USA ne peuvent ni se permettre une guerre frontale contre la Russie et la Chine ni laisser la région aux mains d’islamistes qu’ils ne peuvent plus contrôler. Même si la stabilité régionale implique de renvoyer aux calendes grecques la construction du pipeline prévu par l’Afghanistan et le Pakistan.
Quant au nouvel acteur dont la présence, plus encore que celle des islamistes, bloque tout le Jeu et qui a soufflé sous le nez des USA les fruits de la « révolution » kirghize, ce n’est autre que la mafia multiforme qui contrôle désormais la culture et le trafic de la drogue, cannabis et opiacés.
[1] On peut le traduire par Noire Couronne

Wednesday, October 05, 2005

Un nouvel encratisme ?

Autre texte refusé en son temps par le même imbécile.

Dans les premiers siècles de notre ère, l’une des premières déviances que dut combattre l’Eglise en croissance fut la méfiance des païens les plus éclairés et les plus sincères envers le corps de l’homme et la matière de la création. Issue du platonisme et de certaines spéculations du Vedanta qui circulaient avec les caravanes sur la Route de la Soie, cette méfiance donnait lieu à de nombreux mouvements, spéculatifs ou pratiques, qui voyaient dans l’ascèse poussée à l’extrême la seule voie de salut offerte à l’homme. Le mal se concentrait dans les besoins et les désirs du corps et, in fine, en deux composantes organiques de ce dernier : le système digestif et le sexe. Plaisir de la cuisine et plaisir amoureux apparaissaient comme les deux chaînes qui retenaient l’esprit (noûs) prisonnier de la matière impure, des chaînes qu’il suffisait de rompre pour se fondre dans le divin et retrouver l’essence vraie de l’humanité.

L’Etre immuable, la chute, la réintégration.

Derrière ce refus du corps, il fallait entendre un refus du temps et des transformations qu’il manifeste dans l’univers. L’idéal ou la perception que l’on avait de Dieu n’avait pas changé depuis Parménide : il s’agissait toujours d’opposer aux contraintes cosmiques d’impermanence et de vieillissement, nous dirions aujourd’hui à l’entropie, une ontologie de l’immuable. L’Etre parménidien, le Sphaïros, restait le modèle de toute perfection, isotrope, immuable, indivisible, pure continuité sans qualification, pure stase. L’Inde le voyait infini sans forme ni dimension ; Parménide lui prêtait une forme sphérique afin que son rayon soit partout égal à lui-même. Si la dégradation de cette perfection commençait avec le temps et le mouvement, notons que cette image du divin reste spatiale. L’Etre et l’étendue vide se confondent. Cette vision pose immédiatement une difficulté insurmontable : comment cet Etre parfait a-t-il pu donner naissance à l’univers concret, où l’expérience quotidienne nous montre une multiplicité de formes, de vie végétale et animale, une perpétuelle agitation, de perpétuelles transformations ? un univers où l’homme capable de cette contemplation unitive doit cependant naître, travailler et donc contribuer à la transformation, se nourrir, se reproduire, mourir ? Les solutions données à cette énigme peuvent se regrouper en deux grandes tendances : la dégradation par émanations successives, l’éloignement de l’Etre pur amenant la multiplicité ; et le dualisme où, face à cet Etre parfait, coexiste un chaos qui s’ordonne peu à peu. A partir de là, de nombreux mythes vont raconter le drame de l’apparition du cosmos et, plus intéressant pour l’homme qui cherche une voie de salut, les modalités de la “réintégration” dans l’Etre.
Dans les trois premiers siècles, sous l’influence grandissante du judaïsme, les mythes de la création vont devenir les “gnoses”. Par delà toutes les variantes, et saint Irénée souligne qu’il ne peut toutes les examiner car il en surgit de nouvelles toutes les semaines[1], le schème est toujours le même. L’Etre parfait crée, on ne sait par quelle lubie, des esprits noétiques purs capables de Le contempler et de Le comprendre. L’un d’eux se révolte, à moins qu’il ne s’agisse d’un anti-Etre, d’une conscience de mal tout aussi pur, et crée ou façonne le monde cosmique. Puis il parvient à convaincre certains de ces esprits noétiques de le suivre dans la matière, et voici comment l’homme se retrouve piégé dans un corps dense, changeant, piégé par les deux chaînes de la nourriture et du sexe. Même lorsque le drame cosmique ne devient pas créationniste, les chemins de “réintégration” passent toujours par la rupture de ces deux chaînes. Le salut n’appartient qu’aux ascètes et ne saurait être qu’individuel. A cette conception élitiste et désincarnante on donnera le nom d’encratisme.

La tentation d’un encratisme chrétien.

Le christianisme naissant s’oppose frontalement à cette forme de sagesse. Déjà saint Jean épingle les nicolaïtes[2], dont nous ne savons pas grand chose sinon qu’ils transplantaient en terreau chrétien l’encratisme des philosophes païens[3]. Ces derniers, Ignace d’Antioche les raille gentiment : ils refusent la résurrection de la chair ? qu’à cela ne tienne, après leur mort ils deviendront de ces purs esprits qu’ils ont souhaité être, et on verra bien où réside la plénitude[4]. Mais la tentation de l’encratisme revient sporadiquement et même chez les théologiens. Origène admet que l’incarnation de l’homme commence à la chute d’Adam. Il y voit cependant une miséricorde divine, l’homme soumis au changement obtenant ainsi la possibilité de revenir progressivement vers Dieu, ce qui ne serait pas possible dans un univers noétique immuable. Son disciple tardif Evagre, un siècle plus tard, en tirera une cosmologie typiquement gnostique mais qui garde la conception origéniste du temps[5]. Le salut est toujours étroitement lié à l’ascèse mais le temps et les “résurrections” successives dans des univers de moins en moins denses permettent la réintégration finale de tout et tous.
Si nous écartons de notre réflexion les variantes des dramaturgies de la chute et de la réintégration, l’encratisme pourrait se définir comme le rejet d’une composante de la nature humaine, en laquelle se trouverait ontologiquement le siège du péché. Aux premiers siècles, le rejet du biologique s’accompagne d’une exaltation des facultés “supérieures”, à commencer par l’intellect. Dans les Dialogues d’Hermès Trismégiste et d’Asklépios qui forment ce que l’on nomme aujourd’hui le Corpus Hermeticum, les auteurs font appel en permanence à la capacité de raisonnement logique[6]. Les moines tentés par l’enseignement d’Evagre sont des savants pour qui ascèse et science se complètent. Si la plus haute contemplation, pour eux, ressemble à l’extase sans contenu prônée par le Vedanta, elle se prépare par la mise en oeuvre des facultés intellectuelles. C’est, dans l’ordre de l’intelligible, la progression que propose Platon au sentiment amoureux dans le Banquet. On part de l’intelligence des formes et des structures pour aboutir au concept pur puis à l’apophatique.
L’encratisme qui rejette le corps pour exalter l’intellect a traversé les siècles. On le retrouve presque à l’identique chez les hermétistes de la Renaissance italienne, en particulier Marsile Ficin. Il ressurgit sous une forme plus modérée au XVIIIe siècle avec Louis-Claude de Saint-Martin, puis à la fin du XIXe siècle chez Péladan[7]. Avec ces derniers auteurs, le temps de l’ascèse extrême est passé. Le corps peut jouir d’une honnête hygiène et l’on en revient plutôt à la modération platonicienne, mais il s’agit toujours d’une prison. D’autre part, le sens esthétique est plus volontiers convoqué que l’intellect, surtout chez Péladan, mais ce dernier garde encore la part belle.

Perspective inversée

En notre fin de XXe siècle, nous assistons à un renversement de perspective aussi virulent que l’encratisme de l’empire romain. La mouvance new age foisonne et buissonne autant que les systèmes gnostiques du temps de saint Irénée. Comme eux, elle pénètre de nombreux domaines de notre quotidien et génère toute une mentalité collective. Le schème cosmologique est plus flou que dans les premiers siècles. L’opposition entre Etre pur immuable et création soumise à l’entropie cède le pas à une forme de panthéisme qui intègre vaille que vaille quelques données scientifiques comme le vide quantique, l’évolution des espèces et la notion de système écologique. Mais ce flou dogmatique a sa raison d’être.
Renversement de perspective, disions nous. En effet, le corps se voit exalté et promu au rang d’instrument de salut. Il faut l’écouter, y promener sa conscience, en rassurer les cellules ou les muscles où s’imprime la mémoire des émotions parasites, choisir les nourritures saines, éviter ce qui l’empoisonne, etc. De nombreuses écoles de psychothérapie passent par le réveil et la tendresse envers le corps pour réduire les névroses. Le hatha yoga qui, dans l’Inde primitive, était conçu comme une ascèse libératrice des contraintes alimentaires et sexuelles devient un moyen “de se sentir bien dans son corps”. Les capacités de réaction émotionnelle semblent déjà suspectes et l’on conseille de ne cultiver que les “positives”, un “amour” abstrait toujours dépourvu de complément et censément universel, en fait une abréaction souriante[8]. Mais l’adversaire, le lieu ontologique de tout mal, c’est l’intellect rebaptisé souvent “mental”. Qui raisonne logiquement ou structure sa pensée pactise avec l’enfer. Comme nous l’avons entendu dernièrement : “Tout est sauvable dans l’homme, sauf le mental[9].” On n’est pas plus clair.
Ce rejet de l’intellect s’accompagne d’une recherche d’états de conscience dits modifiés, encore qu’en ce domaine toute la gamme de l’expérience potentielle de l’homme ne soit pas sollicitée. Pour aboutir au “vide”, à l’exclusion de toute pensée verbale ou conceptuelle, trois voies seront proposées : la sensation corporelle, soit par la relaxation soit par la danse ; la visualisation où l’image envahit tout le champ perceptif ; l’extase sans contenu. Cette dernière s’avérant diantrement difficile à atteindre fait figure d’idéal de réalisation et se voit toujours placée au sommet de l’échelle de conscience. Elle est souvent remplacée dans les faits par la visualisation d’une simple étendue lumineuse accompagnée de ce qu’Aldous Huxley nommait un “sentiment océanique”[10]. La description expérimentale de tels états de conscience n’a certes pas attendu le new age ; on la retrouve aussi bien chez les chamans sibériens que chez les yogis, les soufis ou les mystiques chrétiens. Le new age se caractériserait plutôt par une réduction drastique de la gamme des états recherchés. Où donc sont passés le jnâna yoga hindou, la contemplation platonicienne des Idées ou l’illumination intellectuelle de notre moyen-âge ? Même l’esthétique tend à se confondre avec la sensation ou avec la luminosité de l’image visualisée. On ne lira jamais sous une plume new age des considérations sur l’harmonie des proportions ou des résonances sonores. Elle est censée surgir spontanément lorsque l’on parvient à éliminer le mental honni. (Serait-ce l’explication du regain de mode que connaît aujourd’hui l’art “pompier” de la fin du XIXe siècle ?)
Notons que ce rejet de l’intellect ne surgit pas avant la fin des années 60 et plus sûrement encore celle des années 70. Chez Alice Bailey où apparaît dans les années 30 l’expression “new age” et le descriptif planifié de la construction de cette mouvance[11], le mental a sa place et forme l’un des “sept rayons”, celui d’Intelligence active. Dans son anthropologie très hiérarchisée, le mental se situe presque au sommet des facultés humaines, dépassé seulement par le “supra-mental”. Là encore, et quelles que soient les réserves très graves que nous émettons à l’encontre d’Alice Bailey dont la doctrine parvient à mélanger arianisme et nestorianisme, force est de constater un appauvrissement. Il a même gagné dans les années 80 le monde de l’entreprise. Les réunions de cadres ne devaient plus amener de débat argumenté, mais de simples énoncés de formules que l’on triturait jusque à ce qu’on obtienne un consensus unanime. On définissait ainsi les buts d’une association ou d’une fondation, les objectifs d’une campagne publicitaire, voire même certaines normes de production.
Nous pourrions considérer le new age, en bloc et en détail, comme un paganisme extérieur au monde chrétien et nous contenter d’une méfiance de principe. Ou même n’en point parler, le trouvant vulgaire et indigne de l’attention des doctes, comme font les théologiens d’autres Eglises. Nous le pourrions si nous n’avions entendu depuis deux ou trois ans, dans les couloirs mêmes de la paroisse Saint-Irénée, des réflexions contre l’intellect en soi qui témoignent d’une pénétration insidieuse et d’une tentation de cette mentalité.

Un nouvel encratisme

L’encratisme des premiers siècles revenait à dire que tout est sauvable en l’homme, sauf le corps. Si l’encratisme dogmatique, affirmant l’ascèse comme unique voie de salut, a toujours été condamné, synode après synode, par l’Eglise universelle, il est longtemps resté un encratisme psychologique qui permit aux moines et à certains clercs de se croire, de par leur célibat, un peu plus chrétiens que les autres fidèles[12]. Le concile du Quinisexte en témoigne abondamment et son rejet par l’occident se basait sur un durcissement encore plus sensible de la discipline. Aux termes stricts du Quinisexte, les 9/10e d’entre les orthodoxes (Grecs, Serbes, Roumains, Américains, Russes et Syriens compris) devraient être qui excommunié qui suspendu. Le critère de Gamaliel[13] a prévalu : le temps a usé ce qui ne venait que des hommes et non de Dieu. Les canons psychologiquement encratistes du Quinisexte sont quasiment tous tombés en désuétude et l’Eglise universelle ne les a jamais reçus, que ce soit d’ailleurs pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Il n’en reste que l’obligation de choisir les évêques parmi les moines et ce dernier canon est actuellement sérieusement remis en cause par l’Eglise d’Amérique.
Si l’on nous dit aujourd’hui que tout est sauvable en l’homme, fors l’intellect, c’est appliquer à la nature humaine la même démarche encratiste. Dans ce genre de formule, l’erreur est double et porte à la fois sur la chute et sur le salut. Tous les Pères s’accordent à voir comme conséquence du péché adamique une torsion de la nature humaine dans son ensemble. Il n’y a pas de faculté en l’homme qui soit ontologiquement le siège du mal, ne serait-ce que parce que le mal n’a pas de réalité ontologique, ni le vecteur unique du péché. Il n’en est pas non plus qui soit préservée, en soi, des atteintes de ce même péché. Certes, les passions de l’âme peuvent se nourrir de l’intellect, comme elles dévorent les désirs du corps, les émotions, les sentiments, et Goethe l’a bien décrit dans son second Faust. Certaines avidités de l’intelligence, comme les avidités de pouvoir, seraient même plus mortifères que la gourmandise ou la luxure qui trouvent une limite, après tout, dans la capacité stomacale ou la nécessité de refaire ses forces avant l’assaut. Cela ne signifie pas que, en soi, l’intellect ou la volonté seraient créatures de Satan.
La seconde erreur est d’exclure du salut une part de la nature humaine, quelle qu’elle soit. Pour ne pas être sauvable, il faudrait que cette part n’ait pas été assumée par le Christ. Là encore, les Pères sont unanimes. Toutes les longues querelles christologiques sur l’union des deux natures, humaine et divine, ont abouti à constater que le Christ a revêtu la plénitude de la nature humaine. Si cela excluait l’intellect, comment aurait-il pu apprendre et utiliser le langage humain dans sa prédication ? Très brutalement : un homme qui parle possède au moins un QI de 70. En deçà, ce sont les débiles profonds et encore trouve-t-on chez eux un intellect rudimentaire. Ce raisonnement par l’absurde risque d’être ressenti comme un blasphème et il nous est évident que, si le Christ possède la plénitude de la nature humaine, cela inclut la plénitude de l’intelligence humaine. Mais il faut parfois forcer le trait pour montrer où mène une affirmation imprudente (comme “tout est sauvable en l’homme, sauf l’intellect”), voire une simple tendance psychologique à justifier cette imprudence, lorsqu’on les confronte aux bases mêmes de notre foi.
Ce nouvel encratisme a des conséquences très concrètes sur notre civilisation dont il alimente les contradictions. Par exemple, il justifie que les média ne fassent jamais appel aux facultés d’analyse et de raisonnement mais présentent l’actualité en termes “de bon et de mauvais[14]” ne devant susciter qu’un acquiescement émotionnel. Il génère une morale hygiéniste qui risque de devenir aussi étouffante et névrotique que l’ancien refoulement sexuel et qui, en tout cas, ne cultive guère l’injonction du Christ : “Ne jugez pas si vous ne voulez pas être jugés.” Il ne s’agit pas d’un simple phénomène de mode. S’il s’infiltre aux marges des Eglises, nous ne tarderons pas à voir refleurir la doctrine d’Apollinaire supposant qu’en Christ le noûs divin prend la place du noûs humain et même d’une part de la psyché humaine, comme nous avons vu un retour de l’arianisme (le Christ “maître cosmique”) et du nestorianisme (chez Ambelain, à l’AMORC et dans une bonne part du new age).

Une difficile question anthropologique

Une partie du problème réside dans la divergence entre psychologie moderne et anthropologie traditionnelle. Les représentations que l’homme se fait de sa propre nature ont beaucoup varié selon les cultures et au cours des âges. La connaissance du corps semble la plus aisée. Pourtant, entre la médecine chinoise et la médecine occidentale, toutes deux efficaces, aucun pont conceptuel n’a pu être lancé encore à l’heure où j’écris. Pour passer de l’une à l’autre, il ne suffit pas d’intégrer des techniques, il faut réapprendre jusqu’à l’axiomatique. La connaissance des dimensions psychique et noétique a donné lieu à plus de divergences encore. Selon les auteurs, y compris patristiques, des facultés comme la raison ou la volonté sont “classées” en l’une ou en l’autre, voire comme tenant des deux. Encore cette image ternaire n’est-elle pas unanime. L’anthropologie latine, distinguant animus et anima, tend au quaternaire. Certaines cultures amérindiennes distinguent jusqu’à cinq dimensions.
Comment privilégier un modèle de l’homme plutôt qu’un autre ? Tous s’appuient sur une observation expérientielle. Tous nous apprennent quelque chose de nous-mêmes et leur confrontation nous suggère fortement la présence en l’homme d’une profondeur apophatique. Nous ne sommes jamais totalement transparents à nous-mêmes ni à notre langage. Partant, l’absolutisation d’un modèle, quel qu’il soit, risque très vite de le transformer en un terrifiant lit de Procuste. Même le modèle patristique ternaire et c’est sans doute pourquoi les Pères se gardent de définir trop étroitement les notions anthropologiques et débordent constamment leur propre descriptif.
Notre culture moderne a favorisé le réductionnisme : le spirituel devait s’expliquer par le psychique (voir la conception freudienne de l’extase mystique comme regressio ad uterum) et ce dernier par la chimie du cerveau. Comme l’entreprise n’a pas donné les résultats escomptés et que le “parallélisme corps/esprit” cher aux neurosciences reste encore un simple postulat[15], on aboutit surtout à compliquer à l’extrême la modélisation du psychique : instances freudiennes, matrices archétypales jungiennes, systèmes COEX de Stanislav Grof[16], etc. Mais tous ces modèles de psychologie clinique ont un point commun. Ils s’intéressent tous aux perturbations affectives et laissent de côté l’intellect et les facultés qui lui seraient associées. Ces derniers seraient du ressort de la psychologie expérimentale. On peut quand même se poser des questions sur sa validité lorsque l’on voit que les deux tiers de ses résultats s’obtiennent en expérimentation animale. Le “ratomorphisme” que dénonçait Koestler[17] a la peau dure. Quant au noétique, on s’aperçoit qu’il se confond soit avec les matrices archétypales de Jung, soit avec le “sentiment océanique” d’Huxley. La confusion est totale.
Le seul point d’accord entre toutes les écoles consiste dans l’affirmation claire ou floue du “parallélisme corps/esprit”, ce qui s’accorde assez bien avec le panthéisme diffus du new age. Comme ce dernier a intégré d’assez larges pans de la psychologie jungienne, en particulier la notion d’archétypes, ainsi que les exercices d’autres écoles cliniques comme la Gestalt-thérapie, il s’est donc fondé sur des descriptions anthropologiques qui excluaient de fait l’intellect. De cette exclusion à sa dévalorisation, puis à sa diabolisation, il y avait tout de même un abîme. Il se peut que la séparation stricte, à l’intérieur des universités, entre “sciences humaines” et “sciences dures” ait joué un rôle. On pourrait également arguer de la pauvreté de l’outil mathématique, statistique le plus souvent, dans les sciences humaines. Il est sans doute utile aux compagnies d’assurances ou pour prévoir les résultats d’un vote aux choix simplifiés, mais il faut bien admettre qu’il ne nous apprend pas grand chose sur la dynamique psychique, encore moins sur le noûs. Mais on peut se demander pourquoi on n’a pas cherché d’outils plus appropriés plutôt que de décréter que l’intellect serait, en soi, déshumanisant, générateur de croyances parasites, obstacle à la vision immédiate de la réalité ultime et à l’épanouissement du corps et de l’âme.

La hiérarchisation de la nature humaine

La plupart des modèles anthropologiques, y compris ceux de notre siècle, introduisent une hiérarchisation des dimensions et des facultés humaines. Mais ce terme est ambigu le plus souvent. On ne sait pas vraiment s’il s’agit d’une hiérarchisation structurelle, d’une arborescence, ou d’un système de valeurs. On ne sait pas toujours quels en sont les critères. Dans une perspective parménidienne, où le changement, le mouvement, dévalorisés, distinguent le monde des phénomènes du Sphaïros en qui réside la plénitude de l’Etre, la hiérarchisation serait ontologique. Pour le dire crûment, il y a plus d’être dans le noûs capable de contempler le Sphaïros que dans le corps susceptible de vieillir, de souffrir, de mourir, et qui participe de la contingence. La perspective est un peu différente dans la pensée de l’Inde. Dans certains textes, il semblerait que la volonté occupe le sommet, les ascèses du corps, de l’âme et de l’esprit servant à accumuler une énergie que le yogi peut alors utiliser à la transformation du monde. La volonté d’un ascète contraint jusqu’aux devas qui seraient le nom local des hiérarchies angéliques[18]. Dans les Upanishad, la contemplation de l’atman serait plutôt recherche d’unité que de permanence. Il n’y a pas moins d’être dans les chatoyances de la mâyâ ou voile des apparences que dans le substrat unitaire dont elle émane. Pour les gnostiques, la rupture ontologique est totale entre noûs (qui inclut l’intellect) et corps. Le premier appartient au monde divin, le second au mal pur. Le psychique jouit, si l’on peut dire, d’un statut incertain entre les deux.
La perspective moderne a d’abord renversé la hiérarchisation d’un point de vue structurel. Le corps, par la chimie du cerveau, engendre le psychisme. Il semble que le new age soit écartelé entre cette hiérarchisation structurelle et un système de valeurs issu d’une compréhension superficielle des Upanishad relayée par Alice Bailey. D’où la valorisation des extrêmes, corps et “supra-mental” (rebaptisé intuition le plus souvent), en dessous desquels se placeraient l’affectif et, dans les enfers, l’intellect et la volonté qui tendent à se confondre[19].
L’anthropologie patristique — mais il faudrait ici nuancer le propos plus que ne le permet un article — reconnaît aussi une hiérarchisation qui place le noûs au sommet, la psyché en intermédiaire et le corps en bas de l’échelle. Mais, et c’est ce qui manque à toutes les autres perspectives, cette hiérarchisation s’accompagne, dans l’état adamique comme après la Résurrection, d’une kénose telle que Dieu se penche sur le noûs et le nourrit, le noûs nourrit l’âme, cette dernière nourrit le corps. La chute renverse ce processus. Dans le péché, le corps parasite le cosmos, l’âme le parasite à son tour et le noûs, s’il s’éveille, ce que rien ne garantit, parasite la psyché. La métanoïa, ou retournement, ne consiste pas seulement à s’ouvrir à l’amour divin, elle a pour conséquence de rétablir la circulation juste des nourritures et des énergies. Du fait même de cette kénose, la hiérarchisation structurelle ne peut pas se transformer en système de valeurs. Pour que le noûs accepte de nourrir l’âme, il faut qu’il lui reconnaisse une valeur et de même entre âme et corps. On ne peut à la fois nourrir et mépriser ce qu’on nourrit. Si la kénose abaisse le “plus grand” vers le “plus petit”, elle tend à élever en retour l’inférieur vers le supérieur. C’est ainsi que Théophane le reclus demande qu’on lui envoie un violon pour nourrir de musique son âme affamée. Le méprisant “c’est psychique !” qu’on entend parfois dans nos paroisses n’est pas chrétien. S’il est bon de limiter le foisonnement psychique pour permettre l’éveil noétique, il n’a jamais été question de dessécher l’âme ou de la mettre au pain sec et à l’eau. L’art liturgique tient compte de ses besoins autant que de ceux du noûs.
Lorsqu’un encratisme, dogmatique ou psychologique, s’installe, sa première conséquence est de briser le mouvement de kénose par lequel le supérieur nourrit l’inférieur et l’élève. C’est à dire de briser tout le processus de la création (“et Dieu vit que cela était bon”) et de la déification.

Le problème particulier de l’intellect

Ce mouvement de kénose est, en général, assez bien compris dans le domaine esthétique — du moins dans les milieux orthodoxes. La théologie de l’icône, l’art liturgique, le chant, les encens ont permis d’en avoir une approche expérimentale. Tout se gâte lorsqu’il s’agit de savoir comment nourrir les facultés intellectuelles. Citant un jour la phrase de monseigneur Jean, “le Christ est venu pour nous apprendre à penser autrement[20]”, j’ai observé à l'ECOF des réactions scandalisées. On n’osait pas trop contredire monseigneur Jean, hors de critique par définition, mais on doutait de l’exactitude de la citation ou de sa pertinence. Si par hasard j’ajoutais que les cours de l'ex-évêque Germain reprenant l’enseignement de monseigneur Jean sur l’antinomie, m’ont été précieux dans mes études universitaires et m’ont permis de me placer d’emblée dans une perspective transdisciplinaire, il n’était pas rare que ce soit vu comme une profanation de la théologie.
Il m’a fallu longtemps pour comprendre où se situait la difficulté. Les grands théologiens russes du début de ce siècle étaient souvent aussi mathématiciens et physiciens et cela ne leur posait aucun problème[21]. Théophane le reclus s’intéressait aux découvertes de la psychologie naissante en occident et certains de ses écrits ont un siècle d’avance sur les théoriciens contemporains. Là encore, aucun problème, aucune opposition entre théologie et scrutation du monde. La méfiance rencontrée chez certains orthodoxes, tant à l’ECOF que dans les milieux grecs (très rarement russes), venait-elle d’un héritage historique purement occidental, de l’opposition du positivisme à la foi chrétienne sous toutes ses formes ? Seraient-ce les dernières traînées de poussière d’une guerre de “boutiques” ? Il eût été temps de s’en débarrasser ! S’agissait-il de “l’air du temps” dont nous avons vu qu’il penche vers un encratisme anti-intellect ?
Il me semble aujourd’hui que la difficulté vient d’une confusion entre nourriture et scrutation. Si la science étudie les lois qui sous-tendent le cosmos ou la nature humaine, est-ce l’âme intellectuelle qui se nourrit parasitairement du monde, du corps, de la matière, au lieu de se nourrir de la contemplation noétique du divin ? Où commence la dévoration, où finit la légitime scrutation ? Cette difficulté est typiquement grecque. La theoria, dans l’antiquité grecque, c’est le regard mutuel entre les dieux et les hommes, les hommes et le cosmos[22]. On s’y “mange des yeux” autant que l’on se contemple gratuitement. La confusion est inconcevable dans la culture juive où l’essentiel de la relation nourricière de Dieu vers l’homme passe par l’écoute. Le regard n’est pas absent, mais il a fonction de constat, d’aide au discernement, toujours second par rapport à l’écoute.
Pour nous qui sommes largement héritiers de la culture grecque, la bonne question pourrait être : “Sommes nous en présence d’une kénose ou d’une domination parasitaire ?” Si les deux processus coexistent dans notre civilisation, l’usage scientifique de l’intellect est alors sans ambiguïté. Ce qui différencie le chercheur scientifique du philosophe, du gnostique, etc., c’est l’humilité intrinsèque de la démarche expérimentale[23]. L’intellect se penche vers la matière (ou vers le vivant animal), l’interroge et, en se laissant guider par ses réponses, lui permet d’exprimer ses potentialités cachées. Une expérience rapportée par René Dubos[24] m’a particulièrement frappée. Des éthologues ont cherché la communication avec les chimpanzés et, pour cela, leur ont fourni du papier et des crayons de couleur. Ils ont alors constaté que les dessins faits par les grands singes témoignaient d’une organisation et d’un embryon de sens esthétique. Ainsi les singes portent en eux le germe de l’art — mais sans l’intervention humaine et, entre autres, sans l’invention humaine du papier et des crayons, ce potentiel serait resté à jamais enfoui, stérile. Si, comme le disent les Pères, dans le processus de transfiguration cosmique qui accompagne la déification de l’homme, les animaux doivent s’humaniser, cette expérience en participe. Et ceci que les scientifiques en aient eu conscience ou non.
Que, par suite du péché, la démarche des chercheurs soient parasitée par les passions au même titre que tout en l’homme, c’est une évidence. Qu’une part de l’activité technique soit pure dévoration, convenons-en. Mais l’expérience prouve qu’un chercheur nourri de théologie orthodoxe pose plus vite les questions pertinentes et tend à élever ce qu’il interroge. Et puis, relire cette intuition ou cette vision de monseigneur Jean dans son commentaire d’Ezéchiel, cette anticipation du monde transfiguré où les usines brillent de toutes leurs lumières... Au début du XIe siècle, Fulbert de Chartres ou Gerbert d’Aurillac concevaient la science comme louange à Dieu, offrande d’une création embellie par la compréhension de l’homme. Aujourd’hui, nous sommes devenus pessimistes, culpabilisés par la pollution et la bombe atomique. Sans doute est-il bon que nous apprenions à scruter avec délicatesse et respect. Mais se faire idiot pour ne plus pécher... ? Douteux.
[1]Saint Irénée, Contre les hérésies.
[2]Apocalypse 2, 6 et 15.
[3]Dans sa version “de la main gauche”, comme diraient les yogis. De même les gnostiques, à partir du même mépris du corps vont le briser soit par la continence absolue soit par l’exaspération sensuelle temporaire, orgiaque, qui doit mener au dégoût et provoquer la rupture ascétique.
[4]Ignace d’Antioche, “Lettre aux Smyrniotes”, in Les Pères apostoliques, écrits de la primitive Eglise, trad. F. Quéré, Seuil - Sagesses, 1980, p.146.
[5]Evagre, Kephalaia gnostica. Voir à ce propos la remarquable étude de Guillaumont aux éditions du Seuil.
[6]Les ... d’Hermès Trismégiste, trad. Louis Ménard, reprint Trédaniel
[7]Louis-Claude de Saint-Martin, .... ; Sâr Péladan, L’occulte catholique, Paris, 190...
[8]Notons que dans l’Ecriture Sainte, l’amour n’est jamais nommé de manière abstraite. Il est commandé d’aimer Dieu, son prochain, ses ennemis, etc. Le complément incarne et concrétise.
[9]F. G. , communication personnelle reprise sous la forme “il y a de la conscience partout, sauf dans le mental” in “Qu’est-ce que le spirituel ? Déconstruction des croyances et retour à la première personne”, Imaginaire et conscience n° 1, 1998,
[10]Aldous Huxley, Les portes de la perception.
[11]Alice Bailey, Extériorisation de la hiérarchie, Dervy-Livres, 1986. Les textes réunis vont de mars 1934 à septembre 1949.
[12]On le trouve naïvement exprimé dans les Confessions d’Augustin, lorsqu’il raconte son propre baptême. Ils sont tout un petit groupe de disciples de saint Ambroise qui doivent recevoir le sacrement de régénération. Un d’entre eux s’abstient. Marié, il préfère attendre d’être veuf pour demander le baptême, afin de pouvoir mener une vie “pleinement chrétienne”. Toute une mentalité !
[13]Actes des Apôtres, 5, 38-39.
[14]C’est la traduction exacte de l’hébreu en Gn 3, que la plupart des Bibles françaises rendent par “arbre de la connaissance du bien et du mal”, ce qui en détourne singulièrement le sens. Il ne s’agit pas d’une ontologie dualiste ni même d’une morale absolutisée mais de dialectique plaisir/répugnance ou de systèmes de valeurs. Exactement ce que mettent en oeuvre les bulletins d’information télévisés.
[15]Claude Debru, Neurophilosophie du rêve, Hermann, Paris, 1990.
[16]Stanislav Grof, Royaumes de l’inconscient humain, trad. P. Couturiau et C. Rollinat,Le Rocher, Monaco, 1983.
[17]Arthur Koestler, Le cheval dans la locomotive.
[18]Cette affirmation se retrouve dans plusieurs textes en particulier dans le Mahabharata.
[19]Pour F. G., op. cit., la mémoire, la volonté et la logique sont des facultés du mental.
[20]Cours sur l’Antinomie, à paraître.
[21]Citons par exemple Florensky, mais c’est encore le cas de monseigneur Jean et de Maxime Kovalevsky.
[22]Charles Kerényi, La religion antique, ses lignes fondamentales, trad. Y. Le Lay, Georg, Genève, 1957, pp. 113-116.
[23]Comme le faisait remarquer à la dernière assemblée régionale du sud-est le père Jean Henri Zuang, un savant peut être personnellement orgueilleux, mais la démarche scientifique est toujours humble.
[24]René Dubos, L’homme et l’adaptation au milieu,

Structure de l’Apocalypse

Encore un texte ancien dont je ne sais plus s'il est paru ou non dans P.O. De toute manière, le reprendre peut intéresser quelques lecteurs...


L’Apocalypse de Jean n’apparaît dans les lectures liturgiques qu’au début du IVe siècle. Nous avons sur ce point le témoignage d’Eusèbe de Césarée qui se méfie de cette innovation et se demande s’il ne s’agit pas d’un texte gnostique ou, du moins, apocryphe. Il est difficile de lui attribuer une date de rédaction, plus difficile encore d’identifier son auteur. La tradition le confond avec Jean l’Evangéliste, mais de nombreux arguments de critique textuelle tendent à distinguer les deux hommes. Il n’en demeure pas moins que ce Jean de Patmos, à qui l’on peut attribuer aussi la seconde et la troisième épîtres, et qui signe seulement “l’ancien” ne peut être qu’un auteur chrétien du premier siècle ou des tous débuts du second. L’Apocalypse qu’il rédige n’est pas un texte isolé. Il s’agit d’un genre littéraire florissant dans les milieux juifs de cette époque. Sa symbolique se rapproche de celle du Pasteur d’Hermas mais, plus que ce dernier, témoigne d’une connaissance approfondie de l’Ancien Testament et tout particulièrement de la Genèse. Si l’auteur diffère de l’Evangéliste, il se rattache en tout cas à la même école, à la même lignée spirituelle.
La structure de l’Apocalypse s’éclaire lorsque on la rapproche du Poème de la création qui forme le premier chapitre de la Genèse. Autant qu’une vision eschatologique, il s’agirait donc du poème de la recréation du monde, d’envisager ce que l’apôtre Paul nomme “les douleurs de l’enfantement” comme une nouvelle Genèse. Chacun des septénaires qui rythment l’Apocalypse se réfère avec précision aux “jours” du Poème. Cette lecture n’est certes pas la seule envisageable : si l’on en croit la tradition rabbinique, les écrits inspirés de Dieu possèdent 70 niveaux de sens accessibles à l’homme et peut-être une infinité. Il ne s’agit donc pas ici de proposer une exégèse définitive. Mais le rapprochement que l’on peut opérer entre les deux créations permet une mise en perspective.
Les premiers mots des deux textes sont signifiants. Bereshit bara Ælohim : les exégètes juifs remarquent que le verbe bara est déjà inclus dans le bereshit qui signifie littéralement “en tête”. Or ce verbe, selon le très fort commentaire de Paul Nothomb, ne peut avoir qu’un sujet, Dieu, et qu’un complément, la liberté. Bereshit désignerait donc le don d’une liberté première qui serait aussi une pensée. Apokalypsis, en grec, signifie littéralement “hors de, à cause de ou depuis l’action de couvrir” et plus précisément de couvrir la tête d’un voile. L’Evangéliste commençait son Prologue par en archè, qui traduit exactement bereshit. La parenté d’intention semble évidente.
Avant la succession des “jours”, la Genèse nous décrit la terre informe et vide, tohu wa bohu, les ténèbres et les eaux couvées par l’Esprit ou le Souffle (ruach) de Dieu. La traduction française rend mal les résonances du verset hébraïque. Il ne s’agit pas du chaos des cosmogonies grecques, d’un état de désordre absolu, mais d’une dynamique puissante qui permet le mûrissement d’un univers dont les potentialités sont encore indifférenciées. Jean de Patmos retrouve une image très proche lorsqu’il cite Dn 7, 4 : “Voici qu’il vient parmi les nuées”. Dans le vécu des pays méditerranéens, il ne peut s’agir que des nuages bouillonnants et crépitants traversés des éclairs de l’orage : rien de diaphane ou d’éthéré dans cette vision, mais l’obscurité, la puissance et la vie.
La Genèse distingue trois modes d’action divins : Dieu bara, Dieu dit, Dieu sépare. C’est le texte le plus explicitement trinitaire de tout l’Ancien Testament. La vision du “fils d’homme” qui suit l’allusion aux nuées dans l’Apocalypse développe une christologie sans équivoque. Jean entend une voix “comme le son d’une trompette”. Il ne voit qu’ensuite l’homme transfiguré dont les yeux sont “comme une flamme de feu”, les pieds “comme du bronze rougi au four”, la voix “comme la voix des grandes eaux”. Toutes ces images apparaissent chez les Prophètes, dans les Psaumes ou le Deutéronome comme des icônes de Dieu. L’homme de la vision s’identifie : “J’étais mort et me voici vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts”. On comprend les réticences d’Eusèbe de Césarée qui penchait vers l’arianisme. L’auteur de l’Apocalypse reprend dans sa vision l’affirmation du Prologue : Dieu dit, le Logos divin, “le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous.”
A partir d’ici, nous abandonnerons la lecture linéaire de ces textes pour une exégèse Jour par Jour. Les septénaires qui se suivent dans l’Apocalypse reprennent la même création sous des points de vue complémentaires : 7 Eglises, 7 sceaux, 7 trompettes, 7 coupes.
Le premier jour, ou plutôt le jour premier, archétype du rythme de la création et qui porte en lui-même sa plénitude, la lumière est nommée et séparée des ténèbres. Dans l’Apocalypse, l’adresse à l’Eglise d’Ephèse vient de “celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, qui marche au milieu des sept chandeliers d’or”, la thématique de la lumière est réaffirmée. Le vainqueur recevra “de manger de l’arbre de vie qui est dans le jardin de Dieu”, retrouvera donc l’Eden des origines. L’ouverture du premier sceau fait surgir l’archer couronné et vainqueur sur son cheval blanc. La première trompette précipite sur la terre de la grêle et du feu mêlés de sang qui consument arbres et verdure. La première coupe verse un ulcère sur les hommes marqués par la bête. Ces trois images semblent s’éloigner, à première lecture, de la thématique de lumière. Mais il faut savoir que si les flèches, dans la symbolique de l’antiquité, désignent les épidémies, elles sont le plus souvent associées aux rayons solaires. En Grèce, Apollon, figure solaire et donateur de lumière, est aussi l’archer qui dispense les pestes. A Sumer, le Soleil d’été devient Nergal, maître des fièvres et pourvoyeur des enfers. Pour les contemporains, il s’agissait d’une allégorie limpide. Le feu et le sang qui accompagnent la grêle offrent la même ambivalence, puisqu’ils signifient énergie et vie autant que destruction. Enfin l’ulcère est souvent associé, comme l’épidémie, à une brûlure solaire. Tous ces symboles se rejoignent : la lumière de vie blesse si elle devient trop intense ; la lumière divine blesse celui qui ne peut plus la supporter. D’autre part, il serait imprudent de s’en tenir à l’aspect terrifiant de ces visions. Quelle épidémie va propager l’archer qui part “en vainqueur et pour vaincre” ? Son arc ne serait-il pas celui que Noé voit s’éployer dans les nues au sortir du déluge, signe d’alliance entre Dieu et l’homme ? Seul l’ulcère semble ne pas avoir de contrepartie positive, sauf si l’on se souvient de l’épreuve de Job.
Le second jour de la Genèse voit l’appel de l’étendue et la séparation des eaux d’en haut et d’en bas. Paul Nothomb remarque qu’il s’agit de la seule étape de la création qui ne comporte pas le sceau de l’approbation divine : “Dieu vit que cela était bon” ; comme si elle restait alors inachevée ou imparfaite. Dans l’Apocalypse, l’adresse à l’Eglise de Smyrne est dite par “le premier et le dernier, celui qui était mort et qui est revenu à la vie”, et le vainqueur “ne sera pas touché par la seconde mort”. Tout se passe comme si la résurrection représentait la plénitude de la séparation des eaux. L’ouverture du second sceau fait apparaître le guerrier armé de l’épée, sur un cheval rouge, qui reçoit “le pouvoir d’ôter la paix de la terre”. La seconde trompette jette dans la mer une montagne embrasée qui change l’eau en sang. La seconde coupe, versée également dans la mer, la change encore en sang, mais celui d’un mort. C’est la seule répétition de l’image dans tout le texte. Le cheval a aussi la couleur du sang, qui signifie la vie. Les allusions évangéliques sont claires : le Christ “n’est pas venu apporter la paix mais la guerre”, il change l’eau en vin à Cana et le vin en son propre sang lors de la Cène. La mer, en hébreu, ce sont les eaux d’amertume. Au delà des apparences terribles, il s’agit du combat contre la mort.
Au troisième jour, le sec émerge de l’univers fluide, puis la verdure et les arbres, la vie végétale. Il englobe deux étapes de la création, scellées par “Dieu vit que cela était bon”, la première venant achever l’oeuvre du second jour. Nous retrouvons cette dualité dans l’Apocalypse. L’adresse à l’Eglise de Pergame vient de “celui qui a l’épée aiguë à deux tranchants”, le vainqueur reçoit “de la manne cachée et un caillou blanc” sur lequel est inscrit un nom nouveau, inconnaissable. De même, l’ouverture du troisième sceau suscite un cavalier, monté sur cheval noir, une balance à la main et une voix qui fixe le prix du blé et de l’orge, interdit de toucher à l’huile et au vin. Ajoutons que la balance a toujours deux plateaux. La troisième trompette fait tomber sur les fleuves l’étoile Absinthe. La troisième coupe transforme les fleuves en sang, puis l’ange des eaux parle : “Ils ont versé le sang des saints et des prophètes et tu leur as donné du sang à boire.” Que pèse la balance du cavalier sombre ? Les grains ou les coeurs ? Notons encore que si le blé et l’orge, qui servent à faire le pain, sont mesurés et leur valeur fixée, l’huile et le vin qui doivent rester en abondance sont les remèdes évoqués dans la parabole du bon Samaritain. Les médecins faisaient macérer les médicaments dans l’huile ou le vin, selon qu’ils devaient être pris par voie externe ou interne. L’absinthe elle-même faisait alors partie de la pharmacopée. Ici la recréation est guérison.
Le quatrième jour, Dieu nomme les astres et les temps et leur confie la fonction de séparer, comme au premier, lumière et ténèbres. Il y a là comme une maturité de la création, un gain de discernement. La thématique de la lumière reparaît aussi dans l’Apocalypse. Celui qui parle à l’Eglise de Thyatire “a les yeux comme une flamme de feu”, “les pieds (...) semblables à du bronze” et le vainqueur reçoit “autorité sur les nations” et “l’étoile du matin”. L’ouverture du quatrième sceau fait surgir la mort sur cheval verdâtre, accompagnée du séjour des morts. Au son de la quatrième trompette, “le tiers du soleil fut frappé, ainsi que le tiers de la lune et le tiers des étoiles, afin que le tiers en soit obscurci et que le jour perde un tiers de sa clarté ; et la nuit de même”. La quatrième coupe, versée sur le soleil, brûle les hommes par le feu. L’exégèse de cette quatrième étape est plus difficile car elle semble concerner d’abord le monde cosmique.
Le cinquième jour de la Genèse marque l’apparition de la vie animale dans les eaux et dans les airs. Pour la première fois depuis le début du Poème, la parole de Dieu ne suffit pas. Dès qu’il a dit “Que les eaux grouillent d’êtres vivants...”, il les bara, leur accorde donc un degré de liberté supplémentaire. Puis il ne sépare pas mais les bénit. L’individuation, la tension vers la personne, s’exprime sur un autre mode qui respecte la nouvelle autonomie de l’univers. A l’Eglise de Sardes parle “celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles”. Notons qu’il n’est plus question de chandeliers mais de souffles (pnevmata), ou des sept dons de l’Esprit Saint. Le vainqueur “se vêtira de vêtements blancs, je n’effacerai pas son nom du livre de vie et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges.” L’ouverture du cinquième sceau montre sous l’autel les âmes des martyrs qui reçoivent ce vêtement blanc. La cinquième trompette est suivie d’une vision complexe : une étoile tombée reçoit la clef de l’abîme, l’ouvre, il en sort la fumée d’une grande fournaise et des sauterelles, chimères de chevaux, d’hommes, de femmes, de lions, de mécanique et de scorpions. La cinquième coupe, versée sur le trône de la bête, en obscurcit le royaume. Les hommes en sont torturés mais “ne se repentent pas de leurs oeuvres”. Il semblerait qu’ici les réalisations humaines, les choix spirituels de civilisation soient l’équivalent des animaux primitifs. La liberté nouvelle implique une responsabilité, une douloureuse éducation de l’humanité par les conséquences de ses oeuvres.
Le sixième jour, comme le troisième, comporte deux étapes, l’appel des animaux terrestres et la création de l’homme. Après la parole qui nomme : “faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance”, a lieu un triple bara : “Dieu bara l’homme à son image — il le bara à l’image de Dieu — homme et femme il les bara”. L’image trinitaire en l’homme est une liberté tri-unique. Vient alors la bénédiction et, pour la première fois, Dieu parle à sa créature comme un père parle à l’enfant. L’Apocalypse suit le même rythme. A l’Eglise de Philadelphie, “voici ce que dit le Saint, le Véritable — celui qui a la clef de David — celui qui ouvre et personne ne fermera — celui qui ferme et personne n’ouvrira” et “du vainqueur je ferai une colonne dans le temple de mon Dieu et il n’en sortira plus. J’écrirai sur lui le nom de mon Dieu et celui de la ville de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu, ainsi que mon nom nouveau.” L’ouverture du sixième sceau reprend la prophétie eschatologique du Christ : tremblement de terre, soleil obscurci, lune “comme du sang”, étoiles qui tombent et ciel qui se retire “comme un livre qu’on roule”. Vient alors le rassemblement de la foule de ceux qui portent les robes blanches et doivent recevoir le sceau des serviteurs de Dieu. La sixième trompette délie les quatre anges enchaînés sur l’Euphrate. Immédiatement, ils deviennent une armée de feu, d’hyacinthe et de soufre. La sixième coupe, versée aussi dans l’Euphrate le tarit, la gueule du dragon, celle de la bête et la bouche du faux prophète s’ouvrent, il en sort trois esprits démoniaques qui rassemblent à Armaggédon “les rois de toute la terre” pour le combat. Notons que ce combat, qu’il s’agisse de la trompette ou de la coupe, n’oppose pas deux armées, il s’agit toujours d’une armée sans adversaire désigné, tout comme l’Euphrate d’Eden, dans la Genèse, n’entoure aucun pays. L’ébranlement cosmique se traduit en colère des orgueilleux et des idolâtres, mais en colère pure, sans objet, sans prétexte, un état spirituel.
Le septième jour, l’oeuvre de Dieu est achevée et il entre dans son repos. Mais il le bénit et le sanctifie. L’adresse à l’Eglise de Laodicée vient de “l’Amen, le témoin fidèle et véritable, l’auteur de la création de Dieu” et le vainqueur, “je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j’ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône”. Le septième sceau s’ouvre sur un silence, la septième trompette est d’abord annoncée comme le jour où “le mystère de Dieu s’accomplirait”. Quand elle retentit, elle est suivie de la louange : “le royaume du monde est passé à notre Seigneur et à son Christ. Il régnera aux siècles des siècles !”, le temple s’ouvre et l’arche de l’alliance apparaît. Et lorsque la septième coupe est versée dans l’air, une voix vient du trône et dit “c’en est fait”. Après l’ébranlement vient le silence de l’accomplissement.
Mais ce silence n’est pas une stase. Après l’adresse aux sept Eglises vient la vision de la liturgie céleste. Après l’ouverture du septième sceau, l’offrande de l’encens. Après l’annonce de la septième trompette, Jean reçoit de l’ange le livre ouvert qu’il doit avaler, puis le roseau pour mesurer le temple, comme Ezechiel, et la vision des deux témoins, de leurs tribulations et de leur résurrection. Lorsqu’elle a résonné, c’est la grande vision de la femme revêtue de soleil, et qui enfante un fils que le dragon cherche à dévorer, vision que suit celles de la bête qui monte de la mer et de la bête qui monte de la terre, la liturgie de l’Agneau, la moisson et la vendange. Après la septième coupe vient le jugement de la prostituée, l’Alléluia de la liturgie céleste et les noces de l’Agneau, le combat annoncé dans la sixième étape, la première résurrection, la défaite de Satan, la résurrection générale, le renouvellement des cieux et de la terre. Ce silence s’avère de plus en plus plein et opératif. Remarquons que les visions qui parachèvent l’Apocalypse forment également un septénaire, mais qu’il serait difficile de comparer avec les “jours” de la Genèse : la nouvelle création s’opère par des phases nouvelles qui ne sont plus des “jours” rythmés du soir et du matin.

Geneviève Béduneau