Tuesday, November 20, 2012

Juste un mot à l’intention des émules parisiennes des Pussy Riots


Que ne lit-on pas sur les pauvrettes venues s’amuser et qui furent « molestées » par les vilains garçons manifestants ! J’étais trop loin, j’ai seulement entendu une minute de clameurs. Mais l’AFP, me semble-t-il, a eu la bonne idée de mettre en ligne une photo. On y voit une jeune femme dévêtue en costume sado-maso des plus classiques comme les professionnelles de la rue Saint-Denis n’osent même pas en porter et coiffée d’un voile de bonne sœur. Ludique ? Soit. Le fantasme n’est pas très neuf et, d’ordinaire, plutôt masculin. Mais lorsque l’on vient s’exhiber dans cet appareil pour railler ce que ceux que l’on vise considèrent comme le plus sacré, cela s’appelle plutôt de la provocation. Et quand on provoque – c’est un jeu auquel j’ai joué aussi dans d’autres contextes du temps de ma folle jeunesse, je sais de quoi je parle – on doit être prêt à assumer les conséquences, les réactions de ceux qu’on asticote. Venir ensuite pleurnicher parce que l’autre a réagi n’est pas très cohérent et devrait n’être accueilli que par un « Eh bien, il ne fallait pas y aller, ma belle ! » C’est en tout cas ce que m’aurait dit ma mère, suffragette de gauche s’il en fut ! Mais l’enjeu de cette provocation là, c’était peut-être justement de pousser à bout quelques manifestants pour pouvoir ensuite piauler, se présenter en victimes et obtenir la punition paradoxale de ceux qu’on a incité au délit. Ruse de guerre peut-être efficace mais particulièrement inélégante.
En tant que femme et assez chatouilleuse sur ce qui me renverrait à ce que j’ai appelé l’éducation en « femme-ne-pas », c’est une ruse qui me fait honte.

Monday, November 19, 2012

Du bon usage des chaussures


-- J’y étais !
-- Où ça ?
-- Aux manifs, bien sûr ! Aux deux manifs.
Ce dialogue résume l’ambiguïté de ces journées de lutte contre la loi sur le mariage homosexuel dit frauduleusement « pour tous » et comment, au lieu d’unir toutes les forces contre l’imbécillité monstrueuse du texte en préparation, elles furent divisées en une manif également « pour tous » et une autre, censément aux extrêmes. Bref, pour ne pas se tromper d’adversaire, il fallait aller aux deux, même – et surtout – si l’on ne partageait pas toutes les idées des autres manifestants. Et donc j’ajouterai une photo des deux. 200 000 participants pour l’une, 20 000 pour l’autre, cela fait longtemps que le pavé de Paris n’avait été battu avec une telle force.
Comme l’a fort bien montré Claude Lévi-Strauss, les structures de la parenté ne sont pas des milliers dans les sociétés humaines et toutes les variantes culturelles se ramènent à quelques modèles simples qui sont le pont-aux-ânes des études d’ethnologie : filiation patrilinéaire ou matrilinéaire (on hérite en ce cas de l’oncle maternel, comme on le lit encore en filigrane des romans arthuriens et des canetons de Disney), mariage matrilocal ou patrilocal fixant la demeure des jeunes époux, exogamie donnant la préférence à la cousine croisée ou endogamie qui mène à épouser sa cousine germaine du côté paternel. A cela s’ajoutent les interdits de proximité qui étendent plus ou moins le refus de l’inceste. Au bout du compte, les mœurs idéales de chaque peuple se résument en une formule mathématique courte et parlante. J’ajouterai que, si plusieurs cultures ont donné une place honorable à l’homosexualité, aucune n’a eu l’idée d’en faire la base d’une famille car c’est bien ce que signifie ce projet de loi aussi sot que grenu.
Qu’y a-t-il derrière cette mode pour ne pas dire cette rage qui saisit brusquement les élites politiques des cultures dites « occidentales » de vouloir détruire le mariage comme base sociale de la famille pour en faire la reconnaissance (?) de l’amour, un « droitdlhomme » ou une revendication féministe, trois slogans largement éprouvés ? Au fond, je ne vois que trois justifications potentielles et indicibles, et les trois me font frémir tant elles représentent une régression vers l’anomie sociale. La première est d’ordre malthusien et soutient tout ce qui ferait baisser la fécondité humaine ; or il est certain que l’encouragement à l’homosexualité réduit forcément la démographie sans forcer à l’ascèse. En d’autres termes, le sexe stérile remplacerait le rôle de régulation des populations qu’ont joué les monastères dans le christianisme comme dans le bouddhisme. La deuxième est d’ordre économique libéral : dans un monde entièrement régulé par le marché, l’homme devient à la fois producteur, consommateur et… marchandise. Si l’on ne remet pas en selle l’esclavage, si on lui préfère le salariat, c’est surtout pour se débarrasser des devoirs qu’imposerait aux maîtres les extrémités improductives du début et de la fin de vie. Mais tout ce qui peut rentrer dans le marché donc bientôt la gestation pour autrui serait bon à prendre. La troisième, qui confond l’égalité avec l’uniformité, c’est la peur de l’autre et le refuge narcissique dans le même, tels qu’Alain de Benoist ne cesse de les dénoncer en de fort pertinentes analyses.
Et qu’on ne nous oppose pas qu’aujourd’hui la famille est souvent recomposée. Elle l’a toujours été, soit dans des cultures qui admettaient la répudiation, soit plus cruellement par le nombre de mères qui mouraient en couches. De nombreuses études ont montré que le remariage des veufs a privé d’accès au mariage précoce des classes entières de jeunes gens depuis le moyen âge jusqu’au XVIIIe siècle ; on en trouve assez l’écho chez Molière. Rares étaient alors les enfants qui grandissaient avec le même père et la même mère jusqu’à leur propre entrée dans l’âge adulte. Et pourtant la famille a tenu,  le concept même des liens du sang, de la filiation, de l’héritage et du lignage s’est maintenu. Avant de le détruire bêtement par la loi, il conviendrait de se demander pourquoi.