Après les violences du lycée de Gagny, notre présidenticule eut une idée aussi géniale que médiatique : une loi qui punirait de trois ans de prison l'appartenance à une bande créée dans l'intention de nuire aux biens et aux personnes. Bravo ! Mes amis avocats apprécieront les belles occasions de plaidoirie que cette mesure ne manquera pas de leur offrir. La preuve juridique de l'appartenance à un groupe informel et celle des buts qu'une telle association poursuit promet de superbes empoignades juridiques et l'on peut déjà subodorer qu'une institution au moins en France ne sera pas touchée par le chômage : la cour de cassation. Je commente peu l'actualité dans ce blog mais il arrive qu'un excès de bêtise me fasse sortir de mes gonds. Que Nicolas Sarkozy compense sa petite taille par une enflure d'égo qui confine au gigantisme, qu'il se ridiculise autant qu'il communique, c'est son problème et la France en a supporté d'autres sans se disloquer ; ce n'est pas ce qui provoque mon ire. Pour la politique quotidienne, voilà bien longtemps que je ne me reconnais que dans le Parti d'en rire fondé par l'immortel Pierre Dac. Non, c'est sur le fond que le bât blesse, la criminalisation de l'appartenance à une bande. Il existait déjà tout un arsenal législatif visant le crime organisé, arsenal que l'on pouvait ressortir du placard pour les mafias contemporaines. Un nouveau texte ne s'imposait guère dans la lutte contre les violences urbaines.
Les bandes de jeunes mâles semblent un phénomène universel, transculturel en tout cas, attesté dès la plus haute antiquité. Sans doute remonte-t-il à l'invention de la chasse en groupe par homo erectus, précédant même notre humanité. La plupart des civilisations l'ont reconnu, encadré, lui ont trouvé quelque utilité en général guerrière, parfois idéologique comme les gardes rouges de Mao, en ont fait un rite de passage ou lui ont donné une structure éducative, pensons au scoutisme de Baden Powell. Cela dure quelques années jusqu'à ce que les jeunes gens se marient et prennent leur place dans le monde adulte. Le phénomène, de plus, semble exclusivement mâle. Si une fille se mêle à une bande, c'est qu'elle la commande. Mâle et hiérarchisé. On retrouve toujours une structure de type militaire : un chef, ses adjoints et la piétaille. A se demander si ce n'est pas un vieux reste de socialisation animale qui revient temporairement avec la puberté des garçons.
Une de ces bandes de jeunes mâles trouve place dans la mythologie de l'Inde védique : ce sont les Marut dont le nom signifie « brillants, immortels », fils du taureau Rudra, puissance de la tempête qui rugit et dévaste le monde, et de la vache Prishni selon la plupart des variantes, compagnons d'Indra. Dans une version du Mahâbhârata, leurs noms témoignent d'un humour certain, peut-être aussi d'une bonne connaissance des sobriquets que se donnent les jeunes puisqu'ils se nomment Mrigavyadha, Tueur de Biches, Sarpa, Serpent, Nirriti, Malchance, Ajaekapada, Bouc à un seul pied, Ahirbhudnya, Serpent de mer, Pinakin, Archer, Dahana, Incendiaire, Ishvara, Seigneur, Kapali, Porteur de crânes, Sthanum, Arbre sec et Bhaga, Fortuné. Lucien Febvre, dans un compte-rendu pour les Annales (1951, vol 6 n°3) d'un article de Dumézil, « Les Archanges de Zoroastre et les rois romains de Cicéron », décrit Indra comme la force brute « d'où résulte victoire, butin, puissance » et poursuit : « Un brillant et bruyant cortège, celui des Marut, est la projection mythique dans l'atmosphère de ces sociétés de jeunes guerriers dont nous connaissons l'existence réelle dans le monde indo-iranien. »
On retrouve ces sociétés de jeunes guerriers chez les Burnyas de Nouvelle-Guinée où ils deviennent les « chiens » d'un héros magique, l'aoulatta, comme chez les Indiens des Plaines, Cheyennes, Arapahos, Lakotas ou Pieds-Noirs. Curieusement, chez les Cheyennes, la plus célèbre des sociétés de jeunes guerriers était celle des Hotaminio, ce qui signifie soldats chiens. Et comment ne pas penser alors à Cuchulain, le Chien de Culan, héros par excellence de la mythologie irlandaise ? Pourquoi les chiens, même si nous comprenons bien qu'il s'agit de ces bêtes hargneuses qui montent la garde et que l'on peut lancer contre des agresseurs ? Le chien, tout comme le loup, autre canidé, chasse en meute.
Sans même parler des classes d'âge africaines, toutes les civilisations semblent avoir prévu et encadré par des rites et des appels à l'excellence la grégarité de l'adolescence des garçons. Même la Grèce antique les regroupait dans des chœurs et des équipes de gymnastes. La constitution de bandes « sauvages » que nous observons tant aux Etats-Unis qu'en Europe aujourd'hui témoigne d'un manque criant, celui de rites de passage entre l'enfance et l'âge adulte, d'initiations réelles que les adolescents pourraient reconnaître comme telles. Jusqu'à son abolition, le service militaire a joué ce rôle en France républicaine, bien que son institution ait répondu à de tout autres préoccupations, ce qui a d'ailleurs empêché de reconnaître officiellement son importance réelle. On pourrait gloser à l'infini sur les illusions idéologiques et les intérêts financiers à courte vue qui nous ont amenés là. Il me semble surtout urgent de combler ce manque.
Les bandes de jeunes mâles semblent un phénomène universel, transculturel en tout cas, attesté dès la plus haute antiquité. Sans doute remonte-t-il à l'invention de la chasse en groupe par homo erectus, précédant même notre humanité. La plupart des civilisations l'ont reconnu, encadré, lui ont trouvé quelque utilité en général guerrière, parfois idéologique comme les gardes rouges de Mao, en ont fait un rite de passage ou lui ont donné une structure éducative, pensons au scoutisme de Baden Powell. Cela dure quelques années jusqu'à ce que les jeunes gens se marient et prennent leur place dans le monde adulte. Le phénomène, de plus, semble exclusivement mâle. Si une fille se mêle à une bande, c'est qu'elle la commande. Mâle et hiérarchisé. On retrouve toujours une structure de type militaire : un chef, ses adjoints et la piétaille. A se demander si ce n'est pas un vieux reste de socialisation animale qui revient temporairement avec la puberté des garçons.
Une de ces bandes de jeunes mâles trouve place dans la mythologie de l'Inde védique : ce sont les Marut dont le nom signifie « brillants, immortels », fils du taureau Rudra, puissance de la tempête qui rugit et dévaste le monde, et de la vache Prishni selon la plupart des variantes, compagnons d'Indra. Dans une version du Mahâbhârata, leurs noms témoignent d'un humour certain, peut-être aussi d'une bonne connaissance des sobriquets que se donnent les jeunes puisqu'ils se nomment Mrigavyadha, Tueur de Biches, Sarpa, Serpent, Nirriti, Malchance, Ajaekapada, Bouc à un seul pied, Ahirbhudnya, Serpent de mer, Pinakin, Archer, Dahana, Incendiaire, Ishvara, Seigneur, Kapali, Porteur de crânes, Sthanum, Arbre sec et Bhaga, Fortuné. Lucien Febvre, dans un compte-rendu pour les Annales (1951, vol 6 n°3) d'un article de Dumézil, « Les Archanges de Zoroastre et les rois romains de Cicéron », décrit Indra comme la force brute « d'où résulte victoire, butin, puissance » et poursuit : « Un brillant et bruyant cortège, celui des Marut, est la projection mythique dans l'atmosphère de ces sociétés de jeunes guerriers dont nous connaissons l'existence réelle dans le monde indo-iranien. »
On retrouve ces sociétés de jeunes guerriers chez les Burnyas de Nouvelle-Guinée où ils deviennent les « chiens » d'un héros magique, l'aoulatta, comme chez les Indiens des Plaines, Cheyennes, Arapahos, Lakotas ou Pieds-Noirs. Curieusement, chez les Cheyennes, la plus célèbre des sociétés de jeunes guerriers était celle des Hotaminio, ce qui signifie soldats chiens. Et comment ne pas penser alors à Cuchulain, le Chien de Culan, héros par excellence de la mythologie irlandaise ? Pourquoi les chiens, même si nous comprenons bien qu'il s'agit de ces bêtes hargneuses qui montent la garde et que l'on peut lancer contre des agresseurs ? Le chien, tout comme le loup, autre canidé, chasse en meute.
Sans même parler des classes d'âge africaines, toutes les civilisations semblent avoir prévu et encadré par des rites et des appels à l'excellence la grégarité de l'adolescence des garçons. Même la Grèce antique les regroupait dans des chœurs et des équipes de gymnastes. La constitution de bandes « sauvages » que nous observons tant aux Etats-Unis qu'en Europe aujourd'hui témoigne d'un manque criant, celui de rites de passage entre l'enfance et l'âge adulte, d'initiations réelles que les adolescents pourraient reconnaître comme telles. Jusqu'à son abolition, le service militaire a joué ce rôle en France républicaine, bien que son institution ait répondu à de tout autres préoccupations, ce qui a d'ailleurs empêché de reconnaître officiellement son importance réelle. On pourrait gloser à l'infini sur les illusions idéologiques et les intérêts financiers à courte vue qui nous ont amenés là. Il me semble surtout urgent de combler ce manque.
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