En cette fin du mois d’août,
tandis que les glands mûrs tombent des chênes avec un petit bruit métallique
lorsqu’ils heurtent les tuiles, la façon dont va le monde me donne la nausée.
Il a suffi d’une semaine sous la tente, loin des nouvelles et des rumeurs, loin
des médias, loin des sondages et des élections à venir, des feuilletons obligés
d’une actualité qui se n’est plus que ragots de cour et moralismes en tout
genre, une seule petite semaine à m’emplir les yeux de la beauté des arbres, de
la beauté des arts, à vider quelques verres avec de bons copains en discutant
de l’essentiel, de l’écriture et de l’imaginaire. J’en suis sortie comme lavée
des miasmes de ce temps et, revenant au quotidien, l’obscénité de ce qui se
joue parmi les puissants de ce monde m’est apparue dans sa crudité.
Je ne comprenais rien à
l’intervention en Libye, sinon qu’une fois de plus la machine à moudre de la
propagande s’était remise en marche et qu’on nous jouait la guerre morale pour
pouvoir la faire à outrance. Je ne comprenais plus rien à ce printemps arabe
confisqué par l’islamisme, les militaires ou les anciens ministres, sinon que
toutes les révolutions commencent dans la pureté d’une révolte pour finir
confisquées par des émules d’Iznogoud puisqu’il s’agit toujours de devenir
calife à la place du calife. Et je ne sais que trop qu’une révolution
appartient, in fine, à ceux qui la
financent, qui alimentent en armes, en argent et en autres impedimenta le camp qu’ils espèrent voir triompher. Certes, comme
aurait dit ma belle-mère, « ils lancent la pierre et cachent la
main » mais un peu d’entraînement permet de voir la trace de ce geste. Nihil novum sub sole !
Le pétrole, me disaient mes amis
férus de géopolitique. On trouve toujours un contrat refusé, une concession
trop vite attribuée à d’autres, qui servira d’explication. Pourtant Kadhafi n’était
pas chiche de son or noir. Pourquoi diable fallait-il en urgence se séparer
d’un dictateur – n’ayons pas peur des mots – que l’on supportait bon an mal an
depuis un bon demi-siècle ? J’avais un temps pensé qu’il s’agissait d’un
contre-feu pour désamorcer les événements de Tunisie mais cela n’a pas de sens.
Ce qui commence d’en prendre, du
sens, c’est le paysage qui s’offre aux yeux d’un historien lorsqu’il se
retourne sur les vingt ou les trente dernières années. Je ne suis pas la
première à noter l’effarante continuité de la politique étrangère des USA
depuis la fin du XIXe siècle, si l’on exclut les temps de repli ; cette
continuité comporte depuis au moins 1947 et le début de la guerre froide le
soutien systématique à l’islamisme. Pourquoi ?
On reconnaît un arbre à ses
fruits, dit l’Evangile. Ceux de ce soutien sont simples : le
sous-développement masqué par la richesse d’élites assises sur les puits de
pétrole, tandis qu’au peuple n’est accessible au mieux qu’une formation
technique sans remise en question idéologique. En d’autres termes, le soutien à
ce qu’il y a dans ces pays de plus figé dans sa vision du monde et de plus
agressif, c’est la certitude de pouvoir continuer à acheter le pétrole à
relativement bas prix, de maintenir le dollar comme monnaie internationale et
de n’avoir aucun rival dans le domaine de l’innovation scientifique et
technologique. Et c’est pourquoi les subsides coulent vers les partis islamistes
pour confisquer ce qu’il pouvait y avoir de démocratie réelle, c’est à dire
directe et locale, dans les printemps arabes, pour s’assurer qu’ils resteront
de simples vendeurs de pétrole ou de soleil et ne deviennent pas une force
économique. Le tout au nom des « droits de l’homme ». Ce qui permet
aussi, par ricochet, de s’assurer une supériorité « morale » et de
maintenir chez les peuples occidentaux la peur du loup qui empêche de
réfléchir. Nausée.
J’ai commencé ce mot d’humeur à
la fin août, je le termine à la mi-octobre. Pour une part, c’était faute de
temps ; pour une autre, je l’avoue, j’ai pris peur devant l’énormité de ce
que je découvrais. Mais on ne peut pas vivre toujours dans la peur, surtout
quand la nausée l’emporte.
3 comments:
Les arabes, de potentiels dangereux commerçants muselés par l'idéologie musulmane véritable éteignoir qui va de paire avec le laïcisme, de ce laïc qui a la haine du lien (religare) ?
En effet, je me suis rendu compte que nouvel espace de liberté rime avec nouveau lien.
S'enracinant plus profond dans le sol (labour), l'humanité décolle alors et se maintien comme en l'air (révolution agricole qui permet la sédentarisation, les concentrations urbaines...).
Tout comme le cerf-volant se maintien en l'air grâce au lien qu'il garde avec le sol.
L'avion fait de même embarquant un lien comme ductible (de cette ductibilité tant recherchée par les anciens : ductibilité de l'or, du mercure) à travers la réserve énergétique de kérosène.
Ainsi la libération humaine semble aller de paire avec la mise en place d'un lien (religare). On vole mais on se trouve encore plus profondément lié à la terre par les ressources pétrolières que cela engage.
Et les laïcs, fausses Ste Nitouche, veulent clouer l'homme au sol...
C'est toujours un plaisir de te lire...
A un jour, peut-être.
Hervé.
A Josick : Je n'ai rien compris, désolée !
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