Jamais campagne électorale n’a
ramené tant de remugles d’égouts. Même au XIXe siècle qui ne craignait ni
l’insulte ni l’invective, on s’échangeait des noms d’oiseau mais sur l’avenir,
sur les programmes et les propositions. Ce qui me frappe dans le cirque actuel,
c’est l’énergie mise par les journalistes à fouiller le passé des candidats
sans s’intéresser à ce qu’ils proposent pour la suite, c’est à dire sans
s’intéresser à la politique qu’ils remplacent le plus souvent par de la
moraline gélatineuse à l’usage d’internautes adolescents. Le détournement de
générosités est plus rentable que celui des avions et cela, par contre, n’est
pas d’aujourd’hui.
Ainsi, les stratèges de je ne
sais trop quelles officines, Open Society
de Soros, CFR ou autres structures de connivence oligarchique, ont exporté en
France le système américain des primaires. Mais ce système, aux USA, joue sur
fond de partis vidés de toute substance idéologique pérenne ; si
aujourd’hui le parti démocrate représente un clan libéral-libertaire et
cosmopolite, il n’en était pas de même à sa fondation. Cette rivalité vide
permet de remplir la structure avec les oppositions du moment, dont chacun sait
qu’elles évolueront au cours du temps. Il s’agit de choisir des hommes autant
et plus même que des idées, toujours périssables. Or en France, les partis ont
un contenu, voire plusieurs grâce au droit de tendance et les guerres de clan
qui se jouent à l’intérieur comme entre eux sont largement des conflits idéologiques.
Demander aux militants et sympathisants de trancher entre les candidats
potentiels ne peut qu’exacerber les rancœurs des évincés de la candidature.
Mais il y a pire. Les
journalistes, nouveaux clercs qui se veulent les faiseurs d’opinion, orchestrés
en sous-main par les clubs de réflexion – pensons au Siècle ou à Terra Nova –
avaient depuis la fin du règne de Mitterrand réussi à imposer leur choix aux
électeurs. Or aujourd’hui le peuple vote presque systématiquement contre leurs
poulains. Hillary Clinton l’a appris à ses dépens : les péquenauds du
Montana ou de l’Oklahoma ont aussi une vision du monde, bien différente de
celle des politiciens, des hommes d’affaire et des universitaires de la côte
est, mais aussi consciente et respectable. On ne persuadera plus les électeurs
de Trump de se laisser guider par les esprits « éclairés » d’une
pincée de grandes villes. Même rejet en France des candidats imposés – voire
imposables, sans jeu de mots – tant à « droite » qu’à
« gauche » : la presse roulait pour Juppé, les « militants
de base » ont imposé Fillon ; à gauche, Valls semblait le seul
sérieux face à des trublions sans envergure, la base a imposé Hamon. Et
aujourd’hui, malgré le déchaînement des médias, Fillon reste debout et Hamon ne
s’est pas démis en faveur de Macron comme on l’y invitait. L’inconscient
collectif, soumis à trop de manipulations, a-t-il fini par générer des
anticorps psychiques ?
L’argumentaire utilisé contre
Trump et contre Hamon est à peu près le même : le manque d’expérience politique
et de crédibilité. Comme ils s’éloignent du consensus de la côte est ou de
Saint-Germain-des-Prés, ils ne peuvent être que de naïfs utopistes, chacun dans
son genre ! Celui qu’on développe contre Fillon pose d’autres questions. Sous
couleur de morale jamais explicitée, on fait appel à l’une des plus basses
passions humaines, l’envie, la jalousie. L’accusation d’avoir volé l’argent des
contribuables se fonde, sur les réseaux sociaux, sur la disparité du salaire
versé à une attachée parlementaire et de celui que touche par exemple une
infirmière. Que cette disparité choque et pose question, soit – mais on ne peut
accuser un homme, quel qu’il soit, d’avoir utilisé les moyens légaux mis à sa
disposition dans le budget de l’État. La conclusion logique devrait être qu’il
faut revoir le système de rémunération des élus, au lieu de quoi l’on fait
crier « haro » sur un baudet dont le principal tort est de ne pas
avoir été choisi par d’autres que les électeurs. Et je le dis avec d’autant
plus de sérénité que je ne suis pas fillonniste.
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