Monday, February 06, 2017

Dégouts électoraux et des couleurs en berne




Jamais campagne électorale n’a ramené tant de remugles d’égouts. Même au XIXe siècle qui ne craignait ni l’insulte ni l’invective, on s’échangeait des noms d’oiseau mais sur l’avenir, sur les programmes et les propositions. Ce qui me frappe dans le cirque actuel, c’est l’énergie mise par les journalistes à fouiller le passé des candidats sans s’intéresser à ce qu’ils proposent pour la suite, c’est à dire sans s’intéresser à la politique qu’ils remplacent le plus souvent par de la moraline gélatineuse à l’usage d’internautes adolescents. Le détournement de générosités est plus rentable que celui des avions et cela, par contre, n’est pas d’aujourd’hui. 

Ainsi, les stratèges de je ne sais trop quelles officines, Open Society de Soros, CFR ou autres structures de connivence oligarchique, ont exporté en France le système américain des primaires. Mais ce système, aux USA, joue sur fond de partis vidés de toute substance idéologique pérenne ; si aujourd’hui le parti démocrate représente un clan libéral-libertaire et cosmopolite, il n’en était pas de même à sa fondation. Cette rivalité vide permet de remplir la structure avec les oppositions du moment, dont chacun sait qu’elles évolueront au cours du temps. Il s’agit de choisir des hommes autant et plus même que des idées, toujours périssables. Or en France, les partis ont un contenu, voire plusieurs grâce au droit de tendance et les guerres de clan qui se jouent à l’intérieur comme entre eux sont largement des conflits idéologiques. Demander aux militants et sympathisants de trancher entre les candidats potentiels ne peut qu’exacerber les rancœurs des évincés de la candidature. 

Mais il y a pire. Les journalistes, nouveaux clercs qui se veulent les faiseurs d’opinion, orchestrés en sous-main par les clubs de réflexion – pensons au Siècle ou à Terra Nova – avaient depuis la fin du règne de Mitterrand réussi à imposer leur choix aux électeurs. Or aujourd’hui le peuple vote presque systématiquement contre leurs poulains. Hillary Clinton l’a appris à ses dépens : les péquenauds du Montana ou de l’Oklahoma ont aussi une vision du monde, bien différente de celle des politiciens, des hommes d’affaire et des universitaires de la côte est, mais aussi consciente et respectable. On ne persuadera plus les électeurs de Trump de se laisser guider par les esprits « éclairés » d’une pincée de grandes villes. Même rejet en France des candidats imposés – voire imposables, sans jeu de mots – tant à « droite » qu’à « gauche » : la presse roulait pour Juppé, les « militants de base » ont imposé Fillon ; à gauche, Valls semblait le seul sérieux face à des trublions sans envergure, la base a imposé Hamon. Et aujourd’hui, malgré le déchaînement des médias, Fillon reste debout et Hamon ne s’est pas démis en faveur de Macron comme on l’y invitait. L’inconscient collectif, soumis à trop de manipulations, a-t-il fini par générer des anticorps psychiques ?

L’argumentaire utilisé contre Trump et contre Hamon est à peu près le même : le manque d’expérience politique et de crédibilité. Comme ils s’éloignent du consensus de la côte est ou de Saint-Germain-des-Prés, ils ne peuvent être que de naïfs utopistes, chacun dans son genre ! Celui qu’on développe contre Fillon pose d’autres questions. Sous couleur de morale jamais explicitée, on fait appel à l’une des plus basses passions humaines, l’envie, la jalousie. L’accusation d’avoir volé l’argent des contribuables se fonde, sur les réseaux sociaux, sur la disparité du salaire versé à une attachée parlementaire et de celui que touche par exemple une infirmière. Que cette disparité choque et pose question, soit – mais on ne peut accuser un homme, quel qu’il soit, d’avoir utilisé les moyens légaux mis à sa disposition dans le budget de l’État. La conclusion logique devrait être qu’il faut revoir le système de rémunération des élus, au lieu de quoi l’on fait crier « haro » sur un baudet dont le principal tort est de ne pas avoir été choisi par d’autres que les électeurs. Et je le dis avec d’autant plus de sérénité que je ne suis pas fillonniste.

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