Thursday, June 22, 2017

Solstice d'été à Reims



J’étais à Reims pour le solstice d’été. Fêter l’apogée annuelle de la lumière solaire sur le lieu du sacre des rois de France a quelque sens, même si le baptême de Clovis et le premier sacre, celui des carolingiens, eurent lieu au plus près du solstice d’hiver. Les deux extrêmes. Les deux points de basculement de l’année, symbolisés à l’époque par les deux saints Jean, les deux visages de Janus christianisés.

Comme en 1976, le solstice rime cette année avec canicule. Violence d’une lumière comme décolorée, brume de beau temps qui estompe les lointains… Pourtant, je n’ai pas ressenti la montée vers le solstice comme je l’avais vécue en Bourgogne et transcrite dans ce poème :

Flamboyance d’une touffe de genêt
Horizon pourpre sous la canicule
Lumière embrasée
Terre pulvérisée entre le feu solaire et le feu souterrain
Que la sève distille
La soif est la plus forte, mais est-ce d’une source ou de plus de lumière feu encore ?
Cela monte monte monte
Le zénith n’est plus loin
Fusion élémentaire pressentie - encore en deçà -
Eclater les limites !
Mais les limites sont dans la soif et la tension vers la liberté pressentie
Alors creuser en soi le réceptacle
Laisser irradier de soi miel et lumière
Tu crois donner et recevoir lorsqu’il n’y a qu’un courant d’amour
Un tressaillement de la lumière originelle
Ne pas céder à la soif, ne pas tenter de s’abreuver aux sources déjà taries
Qu’un peu de boue rend fraîches un instant
Le feu le plus pur sera à la fois le tranchant de la soif
Et l’elixir qui désaltère
1976, montée vers le solstice d’été

Est-ce à cause du caractère très yin de l’Ile de France ? Et d’où vient-il ? Géologie, climat plus océanique ? Il me manque souvent d’avoir une terre plus vigoureuse sous les pieds. Mais nous avons oublié les principes de la géographie sacrée et nous ne savons plus accompagner ou guérir les pays charnels. Ce n’est sans doute pas un hasard si ce bassin parisien, comme on disait dans les manuels de mon enfance, attire les hommes, les constructions, crée avec Paris et sa couronne l’équivalent humain d’une étoile à neutrons si ce n’est d’un trou noir. Julien en lui donnant le statut de ville impériale, Clovis en interdisant d’y entrer en armes ont fait de Paris une cité sacrée. Les Capétiens l’ont transformée en capitale administrative. Il en fallait bien une. Mais ce puits autour duquel s’agglomèrent des populations de plus en plus nombreuses avec de plus en plus un gradient de richesse ne se décrète pas. Il faudrait comprendre comment ce mouvement, cette sorte d’implosion, a commencé. Peut-être avec la construction de Notre-Dame ?

Pourtant le sacre des rois a continué de se faire à Reims. Le solstice y était calme, puissant et léger à la fois, et même les caprices de la municipalité inscrivant sur le petit parvis du portail nord de la cathédrale une déclaration de justice sociale et d’égalité subreptice ne le troublaient pas. Certes, les panneaux pédagogiques à l’usage des touristes tendent à désacraliser les rites et la royauté, mais cela fait plus sourire que cela ne déclenche la colère, voire carrément éclater de rire quand on lit en français « Jeanne de Domrémy » et en allemand « Jeanne von Orléans », mais jamais « Jeanne d’Arc » ! Cela n’empêche pas de raconter le sacre de Charles VII, comment faire autrement ? Puissance, légèreté et sérénité : c’est ce que l’on retrouve dans les bulles du champagne. Un hasard ?

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