Friday, February 24, 2006

Histoire de voir si les temps courent...

Un site encore à consulter, pour ceux qui ne sont pas plus satisfaits de la commission d’enquête sur le 11 septembre que de la commission Warren sur l’assassinat de Kennedy :
http://www.reopen911.be/
Il s’agit de la version francophone d’un appel à rouvrir l’enquête sur l’effondrement des tours jumelles, appel lancé et financé aux USA par Jimmy Walter. En effet, la liste des questions non résolues reste encore très longue et la plupart relèvent d’une expertise technologique. Très peu dans le vent. Les élites actuelles de « l’information » préfèrent offrir à Margot (la "ménagère de + ou – de 35 ans") de bonnes grosses émotions plutôt que de lui imposer l’effort de réfléchir. L’ennui, c’est qu’il n’y a pas de citoyenneté possible et encore moins de démocratie sans un minimum de réflexion.
On nous a dit et redit que le 11 septembre marquait un tournant dans l’histoire humaine. Mais le vrai tournant semble surtout initié par l’équipe de neo conservatives qui entourent George W. Bush, en abrégé les néo-cons et, comme dit Dalmas dans je ne sais plus quel n° de B.I., « en français, ça leur va si bien ». Que le 11 septembre soit le plus ignoble montage de l’histoire du renseignement ou le résultat d’un calcul politique foireux du type « on laisse faire et ça nous servira de casus belli pour notre politique pétrolière », je suis encore incapable de le déterminer. Mais il existe au moins un tournant drastique depuis le 11 septembre : jusque là, la propagande utilisait la flatterie, la compassion envers les victimes réelles ou supposées, l’indignation orientée ; depuis, le principal ressort émotionnel médiatique, c’est la peur. Dont l’un des thèmes ressasse les thèses fort discutables de Huntington sur le choc des civilisations. Fort discutables en un sens au moins, le lien géopolitique qu’il établit entre culture, religion et identité ethnique, comme si ce lien était immuable.

Comme mon coup de gueule a porté et que j’ai enfin eu quelques commentaires intéressants, je me fais une joie de répondre.

Pour Alexandre M., tout d’abord. Merci de vos remarques sur mes « Impertinentes contributions… », je crois effectivement que nos jardins ont quelques allées communes.
Je n’ai aucun lien avec le CIRET dont je lis le sigle pour la première fois – mais je vais vérifier si par hasard ne s’y retrouvent pas des amis perdus de vue car le terme « transdisciplinaire » fut à l’origine un néologisme employé par quelques marginaux de la recherche dont mon vieil ami Francis Lesourd et moi-même pour souligner les limites du « pluridisciplinaire » alors à la mode, qui se contentait de juxtaposer les points de vue.
J’ignore tout des travaux de Mireille Vial-Henninger mais le titre est alléchant. Sa thèse est-elle publiée et chez quel éditeur ?
Jacques Cauvin m’est déjà plus familier. Je n’ai pas lu l’ouvrage que vous citez mais des articles de lui que je me souviens avoir trouvé intéressants. Je vais essayer de dénicher son bouquin et je vous remercie pour la référence.
Langues asianiques : c’est ou c’était il y a quelques années le terme technique pour désigner le sumérien et ses dialectes. Je n’ai pas mes références sous la main, mais c’est peut-être la même chose que « élamo-dravidien ».
Les polythéismes, grands et petits d’ailleurs car en ce domaine il n’y a pas d’échelle concevable. Je vous renvoie aux travaux de Mircea Eliade qui montre sans ambiguïté que les « dieux » sont toujours des puissances intermédiaires même si le Dieu suprême, le seul à qui ce terme s’applique vraiment, tend à s’occulter dans sa propre transcendance (du moins dans la conscience de ceux qui préfèrent s’adresser aux esprits spécialisés). L’ethnologue Michel Boccara propose de remplacer « dieux » par « esprits de la brousse » même pour le panthéon gréco-romain. D’ailleurs, le terme égyptien neter est l’exact équivalent du ragin germano-scandinave et signifie « puissance ».
Bien entendu, mais qui donc l’avait dit ?, un petit croquis vaut mieux qu’un grand discours. Cela reviendra quand je pourrai de nouveau utiliser mon scanner.

Pour Paltoquet qui commente Vox populi....
Je n’ai pas tout saisi, d’autant que, si je lis volontiers Gauchet même quand je suis en désaccord avec lui, Tristes Tropiques n’est pas vraiment mon livre de chevet. Comme on susurre méchamment dans les couloirs de l’ethnologie, « Lévi-Strauss, 3 mois de terrain, 30 ans de théorie ».
Village technologique global ? Oui, mais à nuancer fortement car, depuis qu’on parle à tort et à travers de mondialisation, on n’a jamais vu autant de revendications identitaires de par le monde. Peut-on parler d’un triomphe de l’occident (et d’ailleurs, qu’est-ce que l’occident, passée la guerre froide ?) quand tout le monde, depuis la Russie jusqu’à la Chine en passant par les pays musulmans, critique sa hiérarchie des valeurs ?
Je n’ai pas lu Houellebecq. Peut-être parce qu’on lui fait trop de pub… Quel rapport avec le désenchantement du monde ?
Tropisme des religions de la personne ??? Qu’entendez-vous par là ?
Les droits de l’homme = ceux de la personne ? Cela se discute. Dans le préambule de la constitution de 1789, il s’agit surtout des droits de l’Etat ! Dans celui de la constitution de 1793, rédigée mais jamais promulguée pour cause de Terreur, il y avait effectivement une réelle intuition de la personne dans ce qu’elle a d’unique en relation avec d’autres uniques. Dans celui de l’ONU, il s’agit plutôt de la dignité de l’individu selon la nature humaine, cette nature qui nous est commune.
Quand j’avais encore la télévision, j’ai été très frappée, lors du grand déballage de 2003 sur la laïcité, par le regard des jeunes cathos à croix ostensible autour du cou : c’était le même que celui des gamines à foulard islamique ou des garçons juifs à kippa. Leurs discours aussi se ressemblaient par leur appel à la Loi, à une règle de comportement dictée par « Dieu » et qu’ils pouvaient ainsi absolutiser de manière rigide.
Voici ce que j’écrivais alors dans mon journal (je n’avais pas encore de blog) en commentaire des émissions qui se succédaient :
Peur de l’Islam et peur du religieux en général. Les jeunes cherchent Dieu et
l’idéal, enfants de ceux qui ont raillé toutes les idéologies. Les dealers
deviennent des imams abstinents et on se demande ce qui terrorise le plus, la
violence des bandes maffieuses ou le retour de la foi.
Entre le cri de
l’Iranienne et le combat calme et têtu de la jeune femme voilée dont j’ai oublié
le nom, les réflexions éducatives de Jack Lang et la vision au long cours de
Gauchet, une fois de plus des lieux communs. Parce que la peur est indicible.
Parce que cette peur est indicible à soi-même : celle de voir nos enfants
penser le contraire de ce pour quoi nous avons lutté et en quoi nous avons cru
avec l’avenir radieux devant les yeux du cœur. Si la nouvelle génération ne met
pas la liberté, l’amour soleil et autres éblouissements de 68 au sommet de ses
valeurs, elle ôte le sens de notre existence, nous renvoie à l’absurde. Or
l’homme peut tout supporter, sauf l’absence de sens. Pire, le déni du sens.

Est-ce que cela répond à quelques unes de vos questions ? j’en profite pour signaler des réflexions très proches sur le blog de Dado, intitulé « Songes de la raison ».
L’adresse ? A vrai dire, j’y ai accédé par le site de Florence Ghibellini. Et parmi les autres blogs intéressants de sa bande d’amis, je recommande aussi « L’ère des fous » de roujsend.

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