Saturday, April 22, 2006

Avalon 4

A mains tendues
Giclures de soleil
A mains tendresse
Comme on palpe la pierre chaude
A l’étale de midi
A mains vannières
Pour tresser l’osier des jours
Entremêler l’obscur des puits, le souffle humide, la fraîcheur des margelles
A la verdeur des mousses
A mains potières
Pour malaxer l’argile de tes nuits
A mains de femme

Eflorescence le sel sur mes falaises
La mer a reflué
Ne reste - à la césure des jours - que le varech
Le coeur sourd d’un coquillage
Les noeuds resserrés d’un filet
La vie : plénitude charnelle et silence

Je me veux corps
Enraciné jusqu’à la roche
Harpe vibrante à chacun de tes souffles
Ouvert offert mirabelle éclatée gorgée de canicule
Je me veux quotidienne
Courbe du pain courbe des paumes
Courbe des jarres où s’engrangent
Le sel et l’olive
Aux hivers aux tempêtes j’opposerai
La ténacité des gestes

Je fus à galop sauvage, herbe folle, cavale
Nomadisai de désert en étoile
Je fus d’ailleurs, pétrel planant sur les orages
Je fus la soif au tranchant des rocailles
L’épine calcinée, la quintessence des bûchers
La blancheur impalpable des cendres

Il reste un peu de sable où les marées déferlent
Il reste brandons éteints
Sous la mouillée des pluies d’automne
Il reste un filet d’eau mêlée d’amertume - qui suinte
Entre les éboulis

Je fus regard
Souffle retenu, consumée des joies et des douleurs
Fleuve d’argent qui roule au petit jour
Maïs égrené sur la faim
Je fus sorcière
A l’élancée des arbres

Il reste la parole chuchotée les mémoires
Il reste la bourrasque
Graines éparpillées

A force de laves un volcan se féconde
A force de nuits explosées vient le jour
A force de ruptures - une présence ?
1983

Le vent, le vent aux feuilles d’arbres
Ou sur la mousse, à la margelle, un souffle d’enfant
Nul n’entendra ses flûtes
Que l’immense Ecoute
Ce silence creusé pour que l’univers chante

Ce silence, au premier balbutiement de la lumière
Tellement attentif qu’il nous paraît absence
Ce silence, déchiré de notre déchirure
Nous voulions, nous, qu’il nous rassure
Qu’il mugisse
Plus haut que nos clameurs
Qu’il secoue le temps comme un dictateur
O brise d’Elie, silence, filigrane...
fin septembre 1983

Le fruit de mon attente a gonflé au long des heures
Ton nom séchait mes lèvres et mon âme
Souffle de mon souffle
Marée sur mes sables
1984

Nomades grands nomades mes frères
Nés de la route du vent des tornades
Nés d’alcools et de tambours
Ma peau résonne encore de battements sauvages
Ma nuit rugit encore de vos cris de béton
Ma nuit rougeoie de vos incandescences
Je veux franchir les poutrelles du présent
Je veux disloquer les murs
Vos visages perdus sous la glaise du temps
Vos visages me pourfendent
Je n’ai que le sable des rêves
Entre les doigts
Pour tout bagage
Je n’ai de vos présences que le ressac
Le bleu et l’ocre me tatouent de souvenirs
Me criblent d’absence et de poignards
L’écho de voix interdites chuchote dans les couloirs
Avec ce vide au ventre
Qui hurle
Avec le brasier de l’impossible en bandoulière
Avec la morsure des trahisons
Les doigts crispés aux barreaux de la peur
Nomades mes frères
Tombés sous la mitraille des raisons d’être
Avortés de nos chants de nos volcans
De nos semences
Atlas effondrés sous le poids des continents
Votre voix morcelée revient avec la houle
J’enlace les crinières métalliques de la ville
Les stridences aveugles des laideurs
La crasse dérive au mitan des trottoirs
Je déambule
Ivre de planètes étranglées
De soleils rouges
De basaltes
J’écoute crépiter les pinèdes incendiées
Le tamtam des éboulis
Le cri piégé aux lacets du mensonge
Un chien hargneux me griffe par le dedans du corps
Un condor affolé bat des ailes aux fenêtres
Au poing de la dynamite la mèche flamboie
Ils ont refermé les tenailles du mépris
Ils se sont voulus d’après mort
Rats nickelés
Ils ont resserré les écrous des pierres tombales
Plombé les déroutes
Les haines
Les métamorphoses du sordide
Et cela phosphore cliquette artifice
Du néant dans le regard
Du sperme de métal qui stérilise
Du béton électrique aux veines
Nomades mes frères
Je suis d’un autre voyage
Avec les mots pour forcer les serrures
Des mots qui ouvrent
Des mots à plein corps
Fécondité d’un athanor de silence
Des mots galets roulés au torrent du désir
Des mots dressés sexe fauve des labours
Des mots à chair pétrie à terre défoncée sous le soc
Des mots de regermée, des Verbes
Serpes de lumière aux moissons de mémoire
Cognées qui bûcheronnent aux forêts essentielles
Argiles à la canicule du four
J’arrache le futur de ses rails tordus
Je l’accouche par mes entrailles malaxées
Jusqu’à renaissance d’une étoile
Jusqu’au cri primal de l’amour
Jusqu’à délivrance
Jusqu’à l’insoutenable du soleil
17 octobre 1984

Ce qui m’a nourrie longtemps me déchire
Nourrie de nuit de feu d’amertume de brûlure
D’amour de feu d’extase
Tendue comme la corde d’un luth
Mains de braise me résonnent
La musique vient de plus loin de peuples et de siècles
Mains de pierre sur mon coeur tambour
A l’unisson du coeur de la terre
Le ventre pèse de chaleur
Mains de vent modulent mon souffle
Ressac et rossignol, mêlés
Turqoise escarboucle les plumes voltigent
Sur un ciel liquide
Je me griffe aux épines acérées du savoir être
Les questions béantes saignent
Blessures lèvres ouvertes sur la vie et la mort
Blessures où s’engouffre la palpitation de l’être
Blessures gangrenées de réponses
Et que refermer momifie
On en voit passer cimentés de cicatrices
Paupières cousues désaimantés de l’horizon
Verticaux par habitude
On en voit rouler sur les pentes molles
Vaguement cellulaires
Parcourus de sphincters qui tètent
On en voit d’électroniques - qui trépident
Homme au regard de nuit
Homme à la démesure des rêves
Home façonneur de lumière et d’outil
Gestatrices en vos cataclysmes
Mainteneuses torrentielles
Vos béances illuminent les porches du néant
Vos gestes tissent les chatoyances du sens
Corps quotidien corps sacré
Même en ses lassitudes
Corps à corps éruptif engendrements et meurtres
Fermentations essors
La vie se fraye en nous passage
Nous pétrit de l’intérieur
Sacrée la lampe au front du mineur
Sacré le grisou qui nous déchiquette
Sacrée la flamme d’apaisement sous les voûtes
Le silence tangible des temples
Sacré le désir et sacré le retirement
Sacrée la brûlure et sacrée la nudité des pierres
Et le tâtonnement de connaître
L’obscur sans réponse qui nous enserre
La réponse balbutiante de l’acte
La plénitude est d’ici par nos mains
Le rêve partagé prophétise
Avec l’ambiguïté de l’inaccompli
Une goutte d’eau tombe sur le lac
Puis revient la transparence
Une goutte tombe - musique
Tout frémit
Puis retombe la fraîcheur sans contour
Un soleil écarlate laboure les déserts
La soif brandit ses poudrières
Un labyrinthe écroulé sinue blanc sur la peau brunie
De la terre
A qui se donne un but et l’atteint se dévoile
L’infini de la marche
Nous sommes les marionnettes de l’horizon
Le déploiement de la vie
L’unique porte de nous-mêmes
25 avril 1985

Des gestes
Auxquels nul n’a part
Des mobylettes me traversent le corps
Avec la rumeur urbaine
Qui moutonne
Des îles d’orage montent des fenêtres
Le temps se fossilise
Solitude
L’heure nous désagrège
Met à nu les fibres de métal dans nos hanches
Rapetisse le sortilège
Le ventre mou de la désespérance nous couvre de sa bave
Il nous reste les épis grêles du mensonge
Les saccades disjointes
Le temps qui passe avec dérision
Les redites

L’envol des goëlands sur une plage ouverte
L’île désamarrée à quelques encablures
Le soleil qui brasille au plus noir de ton sang
La nuit qui nous révèle le coeur des galaxies
L’oreille métallique branchée sur l’infini
Ca crépite ça hurle ça flamboie ça xylophone ça pète
Un orgasme d’étoile et c’est supernova
L’ange se liquéfie en pulsations en rythmes
En brasiers

Et toujours recommence le voyage vers l’île
Nous rameurs enchaînés à notre banc de nage
Sous le fouet la mitraille et la terreur qui gronde
Désamorcés de nos propres bombes
Nus et criblés rongés de sel
De lumière
De vide
Avec des lézardes au visage
Avec nos ongles dans la chair
Avec des lambeaux d’enfance qui nous lâchent en plein vol
Avec obstination
Nous rameurs incertains que les deltas enlisent
Nos regards tubulaires s’arriment à l’horizon
Les vagues nous retournent dans le lit de nos fièvres
Et toujours cet espoir de renaître sur l’île
Renaître vifs
Translucides
Dans le froissement de l’envol
A tire-d’aile sur les courants ascendants
A perte de vue
Dilués dans les couleurs de l’arc-en-ciel
Dans le cristal du plein midi
D’images partagées tisser un univers

Et puis revenir
Debout
A pleine chair
Mordre aux fruits qui dégoulinent de saveur
Etreindre les arbres
De nos mains enlacées modeler l’univers
Et vivre !
5 juin 1985
A Jean Pierre Planque

URD

Un soleil tourbillonne au coeur de la fontaine
Miroir gelé tout hérissé de cristaux et d’aiguilles
Les noirs sapins s’y reflètent ciselures de nuit
D’où jaillit la lumière
Ecume blanche écume ancestrale neige impalpable
Immuable Torrentielle ô Fons
Brèche tranchant l’épaisseur le dense l’opaque
Chas écartant la pierre dure
Béance d’où sourd l’eau-flamme la cataracte
La vie bruissante et bouillonnante
Une feuille emportée par les vents se pose comme une aile
L’or des lointains automnes nef brumeuse du temps
Epave d’un dépouillement
Au contact en duvet de cygne se métamorphose
L’aube hivernale crisse de givre
Tinte chante résonne le gel des univers
Source au delà des sources
Que la brûlure volatilise...
5 décembre 1990

Seigneur, où es Tu ? La nuit est si noire !
Le vent d’hiver a transi mon coeur
Il souffle en moi des ouragans de tentation
Des blizzards d’amertume
Chaque pas me heurte aux murs
Comme s’il n’y avait plus que des murs, Seigneur,
Ou les caquetages des révoltes
Des dérisions
Seigneur, où es Tu ? La nuit est épaisse
Ponctuée de loups hurlant aux horizons
Déchiquetée des bombes et des missiles
De la peur et de la haine, à pleines poignées
Et toujours en deçà des larmes
En deçà de la brûlure
Chaque pas m’écrase au mur
Des prophéties réalisées
Es-Tu ce Dieu qui se repaît d’entrailles humaines ?
Seigneur ! J’ai tant cru la lumière d’or
L’amour sans limite, l’espérance de la joie
Comme le pain - partagée.
Où es Tu, Seigneur de justesse et de Paix
Ami de l’Homme, où es Tu ?
13 février 1991, mercredi des Cendres.

La barque soleil glisse sur l’écume des nuages
Etincelante
Franchit les neuf vagues
Les univers perlent
Aux remous de son sillage
Tourbillons engloutis par le Temps
14 avril 1991

Ventre caverne
Traversée de fleuves et de foudres
Caverne scellée, ouverte sur une infime poche d’espace
D’impalpable ténèbre
Il pleut des larmes en cet obscur
Il fulgure des roues de feu
Irradiantes
1991 ?

Homme
Sans toi me voici vrille folle
Liseron jeté sur l’herbe, filet de corolles
Ecume sans rivage, qui s’éparpille

Si je suis lierre, deviens colonne
Si je fleuris, tu m’enracines
21 juillet 1991

Me voici marchant dans les sombres forêts
Feuilles et terre gelée crissent
Le ventre de la nuit mon ventre ne font qu’un
Nous nous enfantons l’une l’autre
O Mère originelle Kâli-Durga l’obscure
O sombre murmurante
Le silence est tissé du chuchotis des arbres
L’absence lisse naît du croisillon des branches
Trame et chaîne de l’univers m’enchaînent
Y a-t-il des rameurs sur le vaisseau fantôme
Tressé des ongles des dieux morts ?
Mais au cœur des forêts l’Arbre lumière
Fontaine de vie
Aurore des mondes
Su — encore non aperçu
Espéré par le chemin du désespoir.
13 novembre 1991

Une messagère nous revient,
Elle annonça l’aube du monde
Et le premier éveil.
Mystérieuse dans ses voiles bleutés,
Elle trace le triangle des bâtisseurs
Entre Izar et Arcturus.
Celui qui mène les bêtes cornues
Devient l’architecte du ciel.
Rêvant sous la garde de l’ourse ou de l’Arbre
Elle contemple le chevalier debout.
Ishtar voyage sur la barque lunaire
Et bascule vers l’horizon des ancêtres
Quand la messagère se lève
A l’orient du Nord.

Soeur de Pan,
Celui qui danse dans la forêt des origines,
Sur la flûte de roseaux elle improvise
Le premier chant de l’âge d’or.
Ils reviennent, les temps paniques,
Les temps où Saturne, couronné de pampre,
Règne sur l’Arcadie.
La coupe s’emplit d’une onde limpide
A la source gardée par la vierge.
Nos yeux contemplent ce que les âges ont pressenti,
L’arche aborde à nos rivages,
Sous le regard d’un lion en maraude ;
Il flaire la nuit et s’émerveille.
Le peuple des marais en salue le retour
Par sa mélopée, comme d’un coeur sonore.

Une messagère nous revient,
Elle annonça l’aube de l’homme
Et le premier éveil.

Quelle porte franchirons nous,
Guidés par la Dame de grand mystère ?
22 mars 1996, comète de Kolné Jataka dont la périodicité est de plusieurs millénaires.

Les rafales d’octobre ont effeuillé les chênes
Des collines violettes surgit
La flamme froide des forêts
Branches dressées translucides et pourpres
Luisantes des innombrables étincelles de la pluie
Le bois d’anciens hivers crépite sous les pas
Moutonnent les nuages océan de grisaille
L’odeur âcre d’un feu de genêt et de hêtre
Se mêle au suc des fougères écrasées
22-10-96

Chant de la mémoire du rêve

Tisse d’or l’araignée du matin. Tisse de rosée. Soir pour le monde des hommes et matin du monde intérieur.
Tisse d’or les fils d’une harpe de vent où chanteront les anciennes ballades.
Anciennes ? Il serait vain d’y mêler l’histoire.
C’est de profondeur que je parle...

Pour qui me connaît
Pour qui chante avec mes sources
Pour qui balbutie mon langage...
Un dragon d’or se lève des montagnes violettes
Un tambour de chaman résonne avec l’orage
La pluie d’argent étincelle aux fougères
L’arbre du premier matin déploie ses feuilles translucides
Pour toi, qui parleras avec l’oiseau des neiges.
1.2.85

Flammes sur Brocéliande amertume et colère
L’arbre calciné refleurit arbre d’or
Bombes sur Babylone éclats de brique éparpillés
Fragments de céramique oubliée
Combats sur la mémoire
Séisme sur Nazca douleur du peuple des mantos
Femme à la fusaïole sur les pistes rectilignes file
Entre les doiges brunis va et vient la navette
Au fond des jarres et des paniers se dépose
Comme une couche de sable et de bitume
La mémoire des anciens secrets
Le temps coule au sablier des doigts tendus
Et les secousses le mélangent
Le souvenir obscur habite encore les hommes et les lieux
Comme le ressac au fond d’un coquillage
Trésor précieux des temps vécus
Remontent les visages les corps les pensées muettes
Dans l’intensité du regard
13. 11. 96

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