Oui, vous avez raison, mon agacement (terme faible) envers le Vatican intervient dans mes réserves à l’égard des mouvements de foule au moment de la mort de JP2. Mais aussi le fait que ces mouvements semblent suscités, encadrés, une sorte de remake des JMJ, moins spontanés pour tout dire que ce qui s’est passé pour Diana ou Itzakh Rabin. Dévotion-tabloïd ? Peut-être, en tout cas les tabloïds en ont fait leur beurre. Mais les foules du haut moyen âge auxquelles je comparais ces mouvements populaires n’étaient pas plus reluisantes aux yeux des aristocrates ou des intellectuels d’époque.
Deux choses m’avaient frappée déjà lors de l’assassinat de Rabin : le fait que, dans une culture qui tend à gommer la mort, le peuple, les jeunes en particulier inventent un nouveau rituel de deuil, fleurs, bougies et messages déposés sur le lieu du crime ; le fait que les autorités et surtout les journalistes ne s’y attendent pas et ne comprennent pas. Pour lady Di, c’était même drolatique. On voyait Poivre d’Arvor et son homologue de la 2 tenter désespérément de faire repasser cette affaire en 4e ou 5e page, et les « Anglais d’en bas » continuer imperturbablement leur hommage sans baisser d’intensité.
Mais je n’ai pas parlé de « grandes figures morales ». S’il s’agissait seulement de morale, cela n’aurait pas grand intérêt. Il me semble que cette ferveur populaire n’a lieu que lorsque un élément plus essentiel entre en jeu. A d’autres époques, on aurait parlé de princes ayant vécu la Passion. Il se trouve que ces princes d’aujourd’hui ou ne sont pas chrétiens ou appartiennent à des Eglises que des orthodoxes ne peuvent que reconnaître comme hérétiques et que, pourtant, le peuple pressent la présence du mystère. C’est une grande question devant laquelle je ne pouvais pas faire l’autruche.
Mais j’ai seulement voulu la poser, pas la résoudre.
Idéologie des droits de l’homme ? Cela, je suis certaine de ne pas en avoir parlé non plus, sauf dans ma réponse à votre premier post. Il est évident pour un historien des religions que la notion de personne, de Dieu personnel et d’homme personnel, n’apparaît que dans la tradition juive (et encore, elle n’est pas de suite comprise, il faut attendre Isaïe) pour s’épanouir pleinement dans la théologie chrétienne. Et, là encore, il faut du temps pour qu’elle pénètre et transforme les cultures. Que ce soit devenu une interrogation et un problème pour les cultures orientales, c’est vrai pour l’Inde, sans doute moins pour la Chine et le Japon. Un tropisme ? Je n’irais pas jusque là. Mais si la valeur de la personne est posée comme un signe de contradiction parmi les nations, je n’en dirais pas autant des « droits de l’homme » qui sont devenus depuis une quinzaine d’années un élément de la langue de bois médiatique, un slogan de propagande cachant des réalités qui sont très loin du respect de la vie, de la dignité et de la liberté de conscience et de parole. Je supporte assez mal ce qu’on en a fait, un argument pour diaboliser les Serbes quand les Croates de Tudjman relevaient le drapeau oustachi et que les « Bosniaques » d’Izetbegovic accueillaient les pires commandos islamistes ; et aujourd’hui un cache-pot autour de la rivalité quant aux dernières gouttes de pétrole. L’indécence même, quand on voit ce que deviennent les droits des hommes réels à Guantanamo, en Afghanistan où les convertis au christianisme risquent le martyre comme aux plus beaux jours des Talibans ou dans l’Irak déchiré et chaotique. Et le droit de respirer de l’uranium appauvri, des poches de poussière radioactive, c’est un droit de l’homme ? C’est peut-être une valeur occidentale ? Désolée, Paltoquet, mais je ne vis pas dans un monde d’idées pures.
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