L’argument clé, c’est le pic pétrolier. En 1956, le géophysicien de la Shell, King Hubbert, calcula que la production de pétrole aux Etats-Unis allait atteindre un sommet en 1970 puis inexorablement décroître. Ce « pic de Hubbert » correspond au moment où l’on a consommé la moitié des ressources disponibles. Sa prédiction se révéla exacte pour les réserves du sud des USA. Puis après le choc pétrolier purement politique de 1973, des gisements autrefois non rentables commencèrent d’intéresser les compagnies pétrolières, de nouvelles méthodes d’extraction virent le jour et, au lieu d’atteindre un pic mondial dans les années 70, on doubla, voire tripla les réserves disponibles. Et l’on recula donc d’autant le pic de Hubbert au niveau mondial. Aujourd’hui, Hugues de Jouvenel fait remarquer que deux écoles s’affrontent : « D’un côté figurent des économistes qui sont convaincus que, plus les prix s’élèveront, plus les réserves augmenteront grâce à la découverte de zones non encore explorées (zones polaires, eaux profondes), à l’exploitation de pétrole de nature non conventionnelle comme les huiles extralourdes de l’Orénoque ou les sables asphaltiques du Canada, sans parler ici des développements, grâce aux progrès scientifiques et techniques, de substituts aux hydrocarbures. De l’autre côté, des géologues qui rappellent que le pétrole est une ressource en quantité finie, dont les principales zones d’exploitation ont depuis longtemps été découvertes, et qui estiment que la production pétrolière conventionnelle pourra peut-être croître jusqu’en 2015 ou 2020 mais qu’elle atteindra alors un pic de production (aux alentours de 90 millions de barils par jour) puis qu’elle déclinera inexorablement par la suite[2]. » mais il faut aussi compter avec la demande croissante des pays émergents comme la Chine ou l’Inde. Hugues de Jouvenel alimente le pessimisme. Après avoir suggéré que, devant ces conditions, il y aura « des efforts pour modérer la consommation, d’autres pour développer des solutions alternatives », il les écarte inexorablement : « Peut-on pour autant espérer en l’espace de 10 ou 20 ans, même si les efforts s’intensifiaient, être au rendez-vous afin d’éviter non plus le choc des prix mais celui de la pénurie ? J’en doute fortement… »
Pour certains experts, le pic a déjà été atteint en 2000, ce qui donne une coloration plus sinistre à la flambée actuelle du prix du baril, nonobstant les bénéfices pharaoniques des compagnies pétrolières.
Jay Hanson résume la situation d’un slogan : No oil ? no economy[3] ! Après avoir démontré que le pétrole est un bien meilleur pourvoyeur d’énergie que le charbon, il explique : « Bien que les économistes traitent l’énergie comme n’importe quelle autre ressource, ce n’est pas une ressource ordinaire. L’énergie disponible est la condition préalable pour toutes les ressources – y compris plus d’énergie ! (…) La dévotion des économistes au Dieu Marché, couplée à leur incapacité innée à comprendre la différence entre bibliothèque et pétrole va conduire à de nouvelles guerres et envoyer des milliards de personnes à la mort. Le prochain cycle de mort commencera quand le monde connaîtra un sévère effondrement pétrolier dans moins de dix ans (sans doute moins de cinq, peut-être encore moins). L’effondrement sera provoqué par une perturbation politique dans un ou plusieurs des pays producteurs, une réaction des musulmans contre l’amitié de l’Amérique avec Israël, une réduction de production de l’OPEC pour faire plus de profits ou simplement le naturel – et inévitable – pic de la production globale. Une fois l’effondrement venu, c’est trop tard. L’économie globale va tourner à l’enfer et la planification rationnelle sera remplacée par la gestion de crise. Avec la perte du pétrole, il n’y a rien qui permette de faire quoi que ce soit. L’effondrement pétrolier à venir est le secret le mieux gardé à Washington, Whitehall, Bruxelles et Jérusalem, mais ce n’est qu’une question de temps pour qu’on en parle dans la rue… »
Ce qui est souligné en noir l’a été par l’auteur. En couleur, par moi.
Ce texte date de 1999. Nous sommes dans la fourchette de ses prévisions mais il semble qu’il ait confondu le pic pétrolier, lequel laisse disponible encore la moitié des réserves connues, avec l’effondrement final. La réaction des musulmans redoutée par Jay Hanson a pris d’autres formes, plus violentes, et c’est surtout la riposte de monsieur Bush qui stérilise tout ou partie des ressources irakiennes, amenant une pénurie temporaire mais garantissant de manière assez malthusienne une prolongation dans le temps des réserves ainsi « économisées ». Notons aussi qu’Hanson ne compare le pétrole qu’au charbon, sans même envisager d’autres modes de production énergétique comme le nucléaire ou l’hydroélectrique, sans un mot pour le gaz. C’est le pétrole ou rien. Cette dichotomie simpliste et la prévision de « milliards de morts » se retrouvent à l’identique sur la plupart des sites consacrés au pic pétrolier.
Hugues de Jouvenel enfonce le clou en janvier 2006, remarquant que les ressources fossiles sont « à l’évidence insuffisantes pour permettre la généralisation à tous les peuples du mode de vie des pays industrialisés », sans compter « la perturbation colossale qu’entraînerait du reste une telle généralisation vis-à-vis de l’écosystème et donc des conditions de vie sur Terre[4] ». Les deux facteurs limitatifs qui forceront les pays émergents à se contenter d’une portion congrue et les pays disons du G8 pour faire court à revenir au cheval et à la bougie (de cire d’abeille) sont le pic pétrolier et l’effet de serre, plus bien entendu la croissance de la population mondiale.
Une rumeur a couru en 2003, reprise dans le chapeau de l’article que Dale Allen Pfeiffer[5] a rédigé pour From the Wilderness : les réserves de pétrole seraient à 80% moins importantes que les chiffres annoncés par les pays producteurs et les compagnies pétrolières. La chose était d’autant plus inquiétante qu’on la retrouvait dans les pages du Jane’s Defence Weekly qui n’a pas pour habitude de propager des bobards. Cet article au titre volontairement provocateur (Manger des énergies fossiles), reprend presque à l’identique le raisonnement de Malthus : la population augmente mais comment augmenter en même temps la production de nourriture ? Au milieu d’un rappel historique de l’expansion puis de la mécanisation de l’agriculture, on trouve quelques réflexions de ce type, soulignées ainsi d’un bout à l’autre (j’ôte ce soulignement et je reprends mon code) : « A présent, les êtres humains se sont appropriés environ 40% des capacités photosynthétiques territoriales. Aux Etats-Unis, nous détournons plus de la moitié de l’énergie captée par photosynthèse. Nous avons absorbé tout le territoire réellement vierge de cette planète. Le reste de la nature est forcé de s’arranger avec les restes. C’est clairement un des facteurs décisifs d’extinction d’espèces et de pression sur l’écosystème. » Rien ne vous choque ? Alors, c’est que la propagande des bien-pensants vous a profondément atteint. A lire ce discours, il semble que nous soyons des extraterrestres venus coloniser et piller la Terre aux dépens de ses seuls habitants légitimes !
Il faut souligner aussi la fausseté de ce discours. En dehors du dodo trop chassé, les espèces qui auraient pu s’éteindre ont toutes fait l’objet de mesures de protection[6]. Et l’on découvre encore aujourd’hui de nouvelles espèces, non seulement des insectes en Amazonie mais même des singes[7] ! De plus, nos villes offrent une niche écologique tout à fait intéressante à nombre d’animaux qui deviennent ainsi nos commensaux c’est à dire, si l’on applique le même raisonnement, nos… pillards. Cela va du faucon au renard, en passant par une grande variété d’oiseaux et de petits mammifères.
Pfeiffer en vient ensuite à la révolution verte, terme qui désigne aux USA l’industrialisation de l’agriculture. Elle aurait augmenté de 250% la production céréalière, grâce « aux énergies fossiles sous forme de fertilisants (gaz naturel), de pesticides (pétrole) et d’irrigation fonctionnant aux hydrocarbures ». Il a oublié manifestement le moteur diesel des tracteurs ! Mais surtout « la révolution verte a augmenté l’énergie drainée vers l’agriculture en moyenne de 50 fois l’apport d’énergie de l’agriculture traditionnelle », et dans les cas extrêmes de 100 fois et plus. Suit le détail de la répartition dont « 31% pour la fabrication d’engrais inorganiques » (souligné). Suit encore le développement mathématique, toujours souligné, ce qui rend la lecture pénible et prépare le lecteur à s’horrifier. Reprenons en plus sobre : la production d’un kilo de nitrate d’ammonium demande une énergie équivalent à 1,4 à 1,8 litres de carburant diesel. D’où sort-il cette équivalence ? Mystère. Par contre, c’est du Fertilizer Institute[8] qu’il tient qu’en un an, les USA ont utilisé environ 12 millions de tonnes d’engrais – qu’il convertit immédiatement en diesel, 15,3 milliards de litres soit 96,2 millions de barils. D’où il conclut : « En un sens vraiment réel, nous mangeons littéralement des énergies fossiles. » (souligné, bien entendu – et martelé).
Un petit détour par les lois de la thermodynamique lui permet d’affirmer que, dans le processus de transformation du pétrole en nourriture via l’agriculture, de l’énergie se perd obligatoirement[9]. Et, horreur, « entre 1945 et 1994, l’énergie mise en entrée dans l’agriculture a augmenté de 4 points alors que le rendement des moissons n’a cru que de 3 points ». Conclusion : « la révolution verte fait banqueroute ».
Dans la suite de l’article, c’est l’ensemble de l’économie qu’il examine : « Avant la révolution industrielle, pratiquement 100% de l’énergie endosomatique ou exosomatique provenait du soleil. Les carburants fossiles représentent aujourd’hui 90% de l’énergie exosomatique utilisée aux Etats-Unis et dans les autres pays développés. » Suit un autre bilan énergétique tout aussi spécieux : « Giampietro et Pimentel ont trouvé que 10 kcal d’énergie exosomatique est nécessaire pour produire 1kcal de nourriture livrée au consommateur dans le système américain. Le système américain consomme dix fois plus d’énergie qu’il ne produit d’énergie-nourriture[10]. Cette disparité est rendue possible par le stock d’énergie fossile non renouvelable. »
On l’a compris : si plus de pétrole, alors famine.
Et si l’on utilise une autre forme d’énergie que le pétrole ? Tout ce raisonnement tient encore sur une dichotomie. Cette fois, le pétrole n’est pas comparé au charbon mais à l’énergie solaire transformée par la photosynthèse. Le vent et l’eau qui furent avec la domestication du bœuf, du cheval et de l’âne les grands moteurs de l’agriculture et de l’industrie d’avant la machine à vapeur n’apparaissent pas dans cette affaire. Le nucléaire n’a pas davantage d’existence.
L’eau va revenir dans le discours mais pour dire que l’agriculture industrielle la gaspille tout comme l’urbanisation et les routes gaspillent de la terre arable. Et durant encore quelques pages, Pfeiffer culpabilise les Américains en comparant leur consommation de tout et de n’importe quoi à « la moyenne du monde », avant de les laisser devant un triple choix : 1, réduire la population, ce qui signifie le contrôle des naissances, et c’est bien ennuyeux que la médecine allonge la longévité, sans parler des religions qui « refusent d’examiner les questions de gestion de la population[11] ». Il en conclut : « Bien que ce soit probablement notre meilleur choix, il y a peu de chances qu’on choisisse cette option ». Mais 2, elle pourrait être imposée par la stérilisation forcée et l’eugénisme, sous la sanction de la loi[12]. Enfin, le 3e choix « présente un indescriptible tableau de souffrance et de mort » avec la possibilité que « la civilisation ne puisse jamais revivre ». On retrouve les milliards de morts de Jay Hanton mais, alors qu’il les attribuait à des guerres, ce serait ici peut-être de faim, de froid, d’impossibilité de faire marcher les machines ou de décision divine. On ne sait pas exactement de quoi, d’ailleurs, sinon qu’il faut qu’un effondrement pétrolier se traduise par une quasi-extinction de l’homme.
Ce nouveau thème de la civilisation à jamais perdue se retrouve aussi tel quel dans les discours ultérieurs.
On retrouve tous ces topiques, accompagnés d’une description terrifiante de l’effondrement sur plusieurs sites en langue française tels qu’Oléocène, Décroissance soutenable, Oilcrash, et ce discours est répercuté dans les colonnes du Monde par le député Vert Yves Cochet[13]. Oléocène trace un tableau déjà fort pessimiste : fin de la globalisation et retour à une économie locale de subsistance à cause du prix des transports, fin de l’industrie aéronautique, du tourisme international, les mégapoles construites en fonction de l’automobile deviendront inhabitables, décroissance forcée, crash boursier mondial, chômage explosif, émeutes, fin des rendements agricoles et donc famine. « Il est fort possible que plusieurs milliards d’humains meurent de faim dans un futur proche[14]… » Avec ce morceau de bravoure qui devrait fortement amuser Poutine s’il lui arrive de lire les sites francophones : « L’ancienne URSS a connu son pic de production en 1987. Quatre ans plus tard, elle s’effondrait complètement. Bien sûr, on peut toujours dire que le communisme était inadapté et a fini par capituler devant le capitalisme triomphant. C’est peut-être le cas mais ce système a quand même tenu soixante-dix ans avant de s’en apercevoir. » La guerre d’Afghanistan bien dopée par la CIA, avec le déséquilibre budgétaire qu’elle a entraîné, n’y est évidemment pour rien – et que la Russie émergente soit redevenue une puissance du G8 en une petite quinzaine d’années grâce au pétrole et au gaz ne les effleure même pas. Pas plus que l’acharnement des compagnies pétrolières à exploiter les réserves de la Caspienne…
On retrouve le même ton sur le site Décroissance soutenable – avec une nuance difficile à rendre dans un commentaire, celle d’une jouissance suicidaire anticipée. Ce sont toujours les mêmes topiques, le même slogan implicite : Du pétrole, sinon rien ! On assiste encore à l’échec des énergies alternatives, à la mort de milliards d’hommes, à l’effondrement sans retour de toute civilisation. Un argumentaire second vient renforcer la prophétie d’une justification morale. Car si, par miracle, on parvenait à maintenir un certain degré de civilisation industrielle, alors on entretiendrait le réchauffement climatique, forcément linéaire et indéfini. Donc, c’est bien de crever en masse et de redevenir des singes dans les branches que notre espèce n’aurait jamais dû quitter pour rester au niveau des autres animaux. Il y a dans cette jouissance de mort quelque relent nauséabond de l’augustinisme, de la punition méritée du péché originel – mais ce péché n’est plus la désobéissance à un arbitraire divin[15], il ne s’agit même pas d’avoir transgressé la loi naturelle puisque nous sommes les fruits de l’évolution darwinienne, il reste vague, non défini, on ne sait pas très bien si nous sommes coupables d’avoir créé la civilisation ou simplement coupables d’être[16].
Le ton est très souvent religieux. L.F. Ivanhoe parle de « l’inévitable jour du jugement dernier » suivi d’une « implosion économique ». Christophe Vieren citant Hubert Reeves déclare que « l’humanité serait menacée par ses propres activités économiques », lesquelles induisent, entre autres menaces, « épuisement des ressources naturelles, bouleversement des conditions climatiques, augmentation des radiations nocives », menaces qui « ont pour cause l’explosion démographique et un développement économique basé sur le très court terme ».
Les plus hargneux de cette brochette de prophètes opposent un déni méprisant à toute tentative de franchir l’obstacle par le haut et non par l’effondrement et l’extinction de l’humanité. L’espoir de résoudre le problème par la technologie, échappant ainsi au châtiment implicite qu’ils appellent de leurs vœux ne serait qu’un « culte du cargo », un mythe naïf[17]. Francis de Winter qui propose cette métaphore[18] offre tout de même une échappatoire, le recours à l’énergie solaire dont il est un spécialiste, sans voir apparemment qu’il s’agit encore de technologie.
Quelques auteurs commencent heureusement à prendre la mesure du problème posé par ce que Vaclav Smil nomme le « culte du catastrophisme[19] ». Il accuse ses apôtres d’avoir « recours à des arguments délibérément alarmistes mélangeant les faits incontestables avec des caricatures de réalités complexes et ignorant tout ce qui ne correspond pas à leurs conclusions préconçues pour pouvoir publier leurs articles nécrologiques de la civilisation moderne ». Smil fait remarquer que « la crainte d’un déclin imminent de l’extraction des ressources remonte à 1865 avec l’économiste victorien William Stanley Jevons (1835-1882) qui avait conclu que le déclin de la production du charbon allait marquer la fin de la grandeur nationale britannique et qu’il était ‘bien entendu… inutile de penser trouver un quelconque carburant de substitution au charbon.’ »
Tout comme la fin du monde chez les Témoins de Jehovah et autres Adventistes, la date estimée du pic mondial a reculé au cours du temps. Hubbert, après son premier succès sur le pic local de 1970, le proposait entre 1993 et 2000 ; en 1977, les partisans des énergies alternatives le situaient entre 1994 et 1997 ; en 79, la CIA le voyait même dans la décennie et BP parlait d’un pic en 1985, la production de l’an 2000 n’étant plus que de 25% du maximum alors atteint[20] ; Campbell l’a d’abord situé en 1989, Ivanhoe en 2000, Deffeye pour 2003 puis 2005.
Smil, après avoir commenté ces dates mouvantes et les désaccords entre géologues, a cette remarque de bon sens : « Même si les dernières ressources mondiales étaient connues à la perfection, on ne pourrait pas tracer une courbe de la production mondiale sans connaître la demande future de pétrole. Nous ne pouvons pas déterminer la demande dans la mesure où elle est influencée, comme par le passé, par les avancées techniques imprévisibles. » Il ajoute qu’une « augmentation rapide des prix du pétrole ne conduirait pas à une demande incontrôlée pour les réserves restantes mais accélérerait la transition vers d’autres sources d’énergie ». Il en fait une liste intéressante, pétrole non-conventionnel, gaz naturel, méthane de houille, méthane hydraté, cellules photovoltaïques, éoliennes, fission nucléaire. Il suggère que la transition prendra quelques décennies mais « les avantages potentiels sont immenses ».
Notant que « l’obsession récente d’un pic pétrolier imminent porte tous les signes d’un culte catastrophiste apocalyptique », ce sur quoi nous sommes bien d’accord, il rappelle que « les transitions énergétiques – de la biomasse au charbon, du charbon au pétrole, du pétrole au gaz naturel, de l’utilisation directe du combustible à l’électricité – ont toujours stimulé les avancées technologiques et l’inventivité humaine. » Cela ne va pas sans réorganisations d’infrastructures, bouleversements sociaux et dépenses monétaires mais, à la sortie, engendre « des économies plus riches et plus productives ». A cette conclusion bien américaine, il faudrait ajouter à terme un formidable enrichissement culturel du peuple et pas seulement des élites. Pensons que le CD a mis à la portée de tous les trésors musicaux autrefois réservés à ceux qui pouvaient fréquenter l’opéra ou les grandes salles de concert ; que la photographie couleur a permis à chacun d’accéder aux œuvres d’art de tous les musées, au moins en reproduction.
La transition dont parle Smil pourrait être largement facilitée par la Z machine puisque le procédé est adaptable à la fois à la production d’électricité (projet Z-IFE) et au transport aérien ou maritime rapide (mais pas à la voiture familiale, pour laquelle la batterie électrique ou les biocarburants sont à terme une meilleure option).
Encore faut-il la volonté d’opérer cette transition. C’est à dire, fondamentalement, l’envie de vivre, l’enthousiasme vis à vis de l’avenir. Il semble que les pays émergents comme la Chine ou l’Inde cultivent cette foi et peut-être la Russie qui se relève d’un écrasement économique de grande ampleur ; mais en France comme dans les pays anglo-saxons, les prophètes de la grande muraille et autres déclinologues entretiennent une morosité sans espérance et se repaissent de la catastrophe malthusienne qu’ils annoncent. Si ce n’est la mort de l’homme, du moins nous prêche-t-on à coup de repentances tout aussi moroses et suicidaires la fin du « fardeau de l’homme blanc » comme auraient dit nos arrière-grands-pères, ce qui implique à la fois la fin de la civilisation industrielle, du christianisme et de la démocratie. Au mieux, on souhaite une retraite pantouflarde à la campagne ; au pire, le châtiment ou la conversion destructrice des descendants de soi-disant coupables historiques.
Comment diable nos élites pensantes en sont-elles arrivées là ?
(à suivre)
[1] L’écologie est une des sciences les plus utiles au monde. L’écologisme, en tant qu’idéologie politique refusant à l’homme le droit à la technologie, à la civilisation, voire à l’existence au nom des droits des autres espèces vivantes, outre qu’il est le plus souvent d’une niaiserie abyssale en matière d’écologie réelle (analyse systémique des fonctionnements globaux et locaux du vivant), a les défauts de toute idéologie – en particulier son côté crypto-religieux et son refus de toute réfutabilité. Autant je prêche pour la connaissance de l’écologie, pour le respect de la vie et le respect de toute intelligence (charte de Hôdo), autant l’écologisme me donne de l’urticaire et ce n’est pas d’aujourd’hui.
[2] Hugues de Jouvenel, « Editorial : la fin du pétrole ? », Futuribles n°312, octobre 2005
[3] Jay Hanson, « The best-kept secret in Washington », 1999, http://www.dieoff.org/
[4] Hugues de Jouvenel, « Editorial : Le développement durable », Futuribles n°315, janvier 2006.
[5] Dale Allen Pfeiffer, « Eating fossil fuels », From the Wilderness, 3 octobre 2003, http://www.fromthewilderness.com/
[6] Les espèces connues du moins. Le taux d’extinction hallucinant que proposent des auteurs comme Vieren (70 disparitions par jour) résulte d’un calcul lié aux découvertes d’espèces inconnues dans les forêts primitives. Comme ces dernières, tant en Amazonie qu’en Afrique ou en Asie perdent environ 1% de leur surface par an, soit 17 millions d’hectares, une règle de trois fort spécieuse permet d’arriver aux disparitions évaluées. Il faut déjà retirer du total les espèces d’insectes ou de vers qu’on a cru nouvelles alors qu’elles avaient déjà été décrites et qui font donc l’objet d’une disparition… de la nomenclature ! Cela concerne environ 4 sur 5 des découvertes annoncées. Mais réfléchissons un instant. 70 espèces disparues par jour, cela ferait 25 550 disparitions par an, ce qui montre bien l’absurdité de ces évaluations.
[7] La nouvelle est répercutée dans les colonnes de La Grande Epoque, http://french.epochtimes.com/
[9] Nooon ? Il a trouvé ça tout seul ? Tous les physiciens se roulent de rire sur le tapis.
[10] J’ai fort envie de rappeler la réponse du Christ au démon qui lui suggère de changer les pierres en pain : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Changer des pierres en pain, c’est exactement ce qu’analysent Giampietro et Pimentel, en accusant en plus de prendre trop de pierres pour trop peu de pain. Je ne suis pas sûre que le Christ, en Matt. 4, 1-4, avait en vue le bilan énergétique de l’opération !
[11] Ce spectre de la surpopulation nous a déjà valu l’exaltation de l’avortement aux dépens de la contraception et, aujourd’hui, le lobbying branché en faveur de l’euthanasie. C’est à dire, dans tous les cas, l’apologie du meurtre légal.
[12] De telles mesures furent imposées à l’Inde et à la Chine dans les années 70. Voir le film Urga, un des plus poignants des dernières décennies. Mais il faudrait parler aussi des stérilisations systématiques opérées dans des hôpitaux psychiatriques américains, voire dans des hôpitaux tout court pour des raisons sociologiques (pauvreté, mœurs non acceptées) à l’insu des victimes et de leurs familles, ou de l’obligation de stérilisation imposée par certaines entreprises états-uniennes pour l’embauche des femmes, les enfants éventuels risquant d’engendrer de l’absentéisme. Pfeiffer réveille ici des souffrances et des scandales déjà éprouvés.
[13] Yves Cochet, « Vers la pétro-apocalypse », Le Monde, 1 avril 2004, repris sur www.oilcrash.com/
[14] Page d’accueil du site Oléocène, www.oleocene.org
[15] Chez Augustin, l’interdiction divine est arbitraire, même si ce n’est pas le cas dans le texte de la Genèse.
[16] C’est pire qu’Augustin et Calvin réunis puisque le châtiment doit frapper l’espèce et non les personnes, et qu’aucun Dieu ne viendra proposer le pardon et le salut. L’humanité est invitée à la repentance mais sans espérance de rédemption.
[17] Francis de Winter, « Technology will solve all oil and gas supply problems : the ‘Cargo Cult’ of Modern World », août 2003.
[18] Et montre ainsi qu’il ne connaît rien de la littérature ethnologique sur le culte du Cargo, beaucoup plus complexe qu’une simple attente infantile de la venue du Père Noël.
[19] Vaclav Smil, « Pic pétrolier : culte du catastrophisme et réalités complexes », parution initiale dans World Watch, traduction française sur www.delaplanete.org/ Vaclav Smil est professeur à l’université de Manitoba à Winnipeg, auteur de nombreux ouvrages sur l’énergie et les questions de civilisation ainsi que sur la Chine.
[20] Aujourd’hui BP est la seule compagnie pétrolière qui se refuse au jeu des pronostics. On comprend pourquoi !
1 comment:
Moi aussi, voyez vous, j'ai été nourri au lait bisphénolisé du nihilisme chic style nietzche qui prêche de détester l'humanité, d'invoquer sa destruction, pour parvenir à s'aimer soi-même dans notre "in girum imus et consumimur igni". De quoi finir muet, ou chopper la siphilis; peu importe, ou bien, qui s'en soucie. C'est une prophétie, oui, la muraille, autoréalisatrice puisqu'à force d'en faire sa maxime, chacun devient effectivement laid.
"wounds our hearts with monotonous languor"
Et voici que je croyais avoir vu la paix la où elle se trouve lorsqu'on l'écrit en arabe, comme si par un effet de réaction plasmique cette rancoeur s'était mue en espoir. Puis - ce n'est pas que mon avis sur le livre ait changé, si les égarés voyait comme il s'affermit - mais je me suis mis à croire que le mal était trop profond, l'air trop saturé de concupiscence, la mécanique de la malédiction si bien huilée, qu'effectivement je n'aurais plus à lutter.
J'ai dû contempler ce fait: je suis, pas moins que les autres, l'irrécupérable atome de l'organe sodome, le pauvre gaulois à casserolles du village Babel, le grec qui, face à l'éthique homosexuelle de Platon, sentait déjà qu'hélène finirait par voir standard and poors dégrader sa note.
At least, je ne crois plus que l'homme est voué à disparaître. N'a-t-il pas, bon an mal an, survécus à tant de supernovas? non je crois simplement que croire qu'un peuple qui refuse de croire survivra est une erreur. Il est voué a disparaître d'une mort lente. Et ce n'est pas en invoquant leur Harpe, ou leurs yeux de chats sur Haiti le Japon ou l'Iran qu'ils se rendront grâce, non. Ils accumulent pour nous les dettes, et nous les remercions, comme dupés par Ponzi. Il faut émigrer, lévites, puisqu'ils baissent les impôts. 7 millénaires de vaches maigres sont vite venus, s'ils sont précédés de 7 siècles d'abondance. Oh!! si seulement Médine! Si seulement l'histoire faisait mieux que balbutier. l'être est la somme insécable des événements, pour paraphraser Belhaj Kacem. Vendeur de Pizza, il ne demandait à Heidegger que de s'écarter de son soleil.
laybekfik
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