Friday, June 09, 2006

Sortir le dimanche (2)

Allons, voici comment on peut penser, écrire et voir tout s’écrouler, peut-être, d’une belle exégèse. Je venais à peine de poster mes méditations sur Abraham mené du sud au nord de l’Euphrate, sur la civilisation d’Ur, sur Harrân et sur Canaan la prophétique quand je tombe sur un site nommé Ishteva qui, si ses propres considérations archéologiques sont justes, renvoie toute ma méditation et quelques autres aux poubelles de l’histoire. Voir http://ishteva.tripod.com/ Je suis bonne joueuse et cette découverte illustre aussi mon propos. Je vais donc la répercuter ici.

Abraham, selon la Bible est né à Ur « en Chaldée » ou, selon la TOB, Ur des Chaldéens. En hébreu Ur Kasdim. Cette Ur Kasdim ne serait pas Ur des Sumériens près du delta de l’Euphrate mais Urfa, dans l’ancienne Syrie du nord (actuellement en Turquie), au nord d’Harrân. Ur Kasdim se situait dans une région nommée Aram Naharaim dont les villes portent les noms de la parentèle d’Abraham selon l’Ecriture : Nahor, Turahi (Terah), l’île de Ragu (Reu), Phalgu (Peleg), Serug(h), Arpachiya (Arphaxad). Lorsque les archéologues, dans les années 1920, ont découvert les ruines d’Ur au sud de l’Euphrate, ils l’ont assimilée à Ur Kasdim parce que les Chaldéens de Babylone en avaient pris le contrôle. Mais…
Mais il faut qu’Ur Kasdim soit située en Aram Naharaim, qu’il faut donc préciser sur une carte. Naharaim signifie Deux rivières. La Septante et Flavius Josèphe l’ont tous deux assimilé à la Mésopotamie (c’est le même mot) entre le Tigre et l’Euphrate. Mais la Septante précise Mésopotamie de Syrie, c’est à dire du nord, vers le Haut Euphrate et Josèphe assimile son peuple aux Assyriens.
On trouverait une confirmation dans les écrits égyptiens où l’on trouve un Naharima ou Naharin pour désigner la région du Haut Euphrate.

Septante en grec sur le site http://ba.21.free.fr/septuaginta/cover.html

Donc, s’ils ont raison, j’ai tout faux et je peux reprendre mon exégèse à zéro. Il n’empêche que je n’en saurais rien si je n’avais pas eu la curiosité de chercher des images d’Ur et de Harrân pour donner un peu de vie à ce qui restait chez moi une pensée plus intellectuelle et abstraite que charnelle.
De cette mésaventure, on pourrait tirer deux conclusions diamétralement opposées. Certains ne manqueront pas de fustiger comme moderniste l’exégèse scientifique, le recours à l’histoire, à la linguistique, à l’archéologie, etc., pour éclairer un texte inspiré dont seule la lecture liturgique et le commentaire spirituel ou typologique auraient quelque valeur, surtout s’il est patristique. Cette histoire montre bien que le modernisme bâtit sur le sable. D’autres pousseront au contraire à multiplier l’approche scientifique dans l’humilité, en acceptant qu’elle soit révisable, que l’on ne parvienne au sens que par approximations successives.
Je suis la première à lire, méditer et me nourrir des écrits des Pères que je crois irremplaçables, tout comme la lecture liturgique, typologique, spirituelle. L’Ecriture Sainte, dans cette perspective, est de l’ordre d’une méta-histoire divino-humaine, qui plonge certes des racines dans l’historicité mais plus encore dans le temps prophétique et le hors temps divin. C’est la seule lecture qui permet de s’en nourrir. Toutefois, si je place au premier rang cette approche méta-historique, je ne vois pas de blasphème à batifoler aussi dans les prairies scientifiques à condition de ne pas confondre les registres.
En fait, j’étais partie sur une exégèse d’Abraham par une technique de voleur chinois, une approche en pas de fourmis et en tournant autour du pot vers tout autre chose.
C’était une mauvaise approche. Je vais clore sur cette mésaventure exégétique une série mal fichue. Et tout reprendre autrement.

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